Chapitre 17

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Sofía, 23 ans




Dans la liste des grosses bêtises qu'avait faites Sofía Quintana trônait en dernière position celle-ci. Ma vie n'était et n'avait toujours été qu'une succession de fautes, de maladresses - parfois inénarrables - et de tout un tas de choses qui me font aujourd'hui honte. Pourtant, si j'agis ainsi aujourd'hui c'est parce que je m'efforce de me racheter. Toutefois, je ne pensais pas qu'Alyssa prendrait mon retour pour un affront personnel. Pire, je ne pensais pas qu'elle serait aussi hermétique à ma tentative d'amorcer la discussion. Ou trop virulente. En fait, je ne m'attendais pas à grand-chose, je ne pouvais pas anticiper la réaction de la femme qu'elle était comme si l'adolescente n'avait pas mûri. Je la connaissais à l'époque où elle ne supportait pas un regard de travers sans en jeter un noir en retour et lorsque sa langue bien pendue remettait une tierce personne à sa place. Je la connaissais à l'époque où elle était obsédée par les tendances féminines et rêvait de devenir designer à son compte, il y a presque dix ans.

    C'est Alicia qui m'a accueillie, aussi somptueuse qu'était l'adolescente, la femme est à tomber, et sa spontanéité rafraîchissante toujours aussi présente. Alors après une étreinte chaleureuse, juste avant que j'atteigne la sonnette, elle m'a guidée jusqu'à la cuisine où la stupeur marque le visage en forme de cœur de celle que je considérais jadis comme une sœur. Rien n'a changé si ce n'est que ses traits poupons se sont légèrement émaciés afin qu'elle les arbore d'une manière aussi sexy que coquette. Alyssa est devenue une femme magnifique et la subtilité de sa beauté réside dans son charme frivole. Sa peau brune est rebondie, son teint frais, et son crâne rasé ne la rend que plus attrayante. Elle respire la sensualité et le tatouage à l'encre de jagua qui lui couvre le haut du buste attire irrémédiablement l'œil.

Nous nous faisons face mais nous ne nous parlons pas tandis que sa sœur suggère qu'il est sans doute préférable de nous laisser discuter en paix. Alyssa et Alicia ont toujours été très proches et je suis persuadée qu'elle a dû me maudire un bon nombre de fois auprès de son aînée pour qu'elle comprenne que nous avions besoin de nous entretenir seule à seule. Mais aussi puisque son expression se mue progressivement en un masque de froideur extrême, ses immenses yeux de biche à la couleur du miel me détaillent des pieds à la tête et sa bouche adopte le rictus rogue qu'elle servirait à sa prochaine victime. Alyssa était une meneuse, une grosse tête qui n'avait pas froid aux yeux et n'hésitait pas à l'ouvrir pour se faire entendre. A l'époque, elle campait sur ses positions et aussi loyal qu'était Jo, elle était solidaire et n'hésitait pas à prendre le parti de ses amis en public, malgré un désaccord qu'elle n'exprimait qu'en privé. Bref, il valait mieux ne pas l'avoir comme ennemie.

Elle croise les bras sur sa poitrine, la mine bêcheuse et deux options s'offrent à moi : Alyssa m'en veut terriblement ou Alyssa m'en veut mais montre les crocs pour mieux s'adoucir ensuite.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je suis revenue vivre dans le coin.

— Oui, je t'ai vue arriver avec un type et un gamin.

    Ce n'est pas de cette manière que j'aspirais à annoncer les choses et savoir qu'elle m'a vue et n'a pas montré signe de vie me peine.

— Ecoute, Aly...

    Elle ricane, caustique, et papillonne des yeux éberluée.

— Mon prénom est Alyssa. Ce sont mes proches qui m'appellent Aly.

    Outch. Je déglutis difficilement, nostalgique d'une complicité qui m'aurait aidée à me sortir la tête de l'eau.

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