J'ai passé l'été à travailler pour pouvoir financer mon déménagement. C'était déjà compliqué de subvenir à mes besoins avec un salaire de sept cent cinquante euros toute l'année et un loyer à six cent euros à payer, qu'il fallait en plus qu'on me rajoute un déménagement à l'autre bout de la France.
J'ai postulé dans un fast food dans lequel j'ai été prise. J'y ai travaillé trois jours puis, me rendant bien compte que ce n'était pas fait pour moi, j'ai décidé de retourner dans l'hypermarché dans lequel j'ai travaillé tous les soirs et weekends pendant la presque totalité de mes études supérieures. Travailler à nouveau là-bas avait quelque chose de réconfortant. Les personnes qui avaient tendance à m'agacer avant me semblaient beaucoup plus sympathiques et moins problématiques.
J'ai passé mes jours de repos et mes soirées de weekends à sortir avec mes amis, enchaînant les pique-niques, les parcs d'attraction, les balades et les boîtes de nuit. Habituellement, je suis quelqu'un d'assez introvertie. Cependant, j'admets qu'en grandissant, j'éprouve un certain plaisir à sociabiliser, même si ça me demande énormément d'énergie, et que j'éprouve parfois le besoin de rester silencieuse en soirée, comme pour recharger mes batteries.
Du fait qu'elle soit récente, la rupture avec Alex était omniprésente dans ma tête cet été. On s'est rencontré sur une application de rencontre, mi-février. Je venais d'emménager dans mon appartement, dans une petite ville en Ile-de-France, après avoir vécu quatre années et demie avec mon ex, Kévin. On s'est très vite entendus et il semblait incarner tout ce que je recherchais chez un homme. Tout ce que je pensais rechercher, plutôt. Il était taquin, drôle, et me plaisait beaucoup physiquement. Il jouait aux jeux vidéo, ce qui me correspondait totalement.
Kévin, lui, il détestait ça. C'est la principale raison de notre rupture, d'ailleurs. Après la signature compliquée des papiers de la vieille maison qu'on a achetée (parce qu'il le voulait), nous avons posé nos cartons début octobre. J'étais en première année de Master, et le coronavirus inquiétait toujours le pays. De ce fait, les étudiants d'université ont rapidement du se reconfiner, suivant chacun de leur cours en visioconférence. Je détestais les cours en visio. J'étais dans l'incapacité de me concentrer plus de cinq minutes. Je finissais toujours par rêvasser, laissant le flot de mes pensées couler.
Le déménagement additionné au confinement qui m'enfermait dans une routine « cours, boulot, dodo » m'ont rapidement fait me sentir mal. Kévin partait travailler à dix heures et rentrait à vingt heures. Moi, je rentrais à vingt-deux heures. Le soir, nous avions l'habitude de regarder une série, et il s'endormait autour de vingt-trois heures, en général.
La routine a tendance à m'oppresser. J'aime les choses non planifiées, inattendues. Je lui ai fait part de mon sentiment, je lui ai dit que j'avais l'impression qu'il manquait quelque chose à ma vie. J'avais vingt-et-un ans, j'avais passé mes années d'étudiante à travailler. Je n'ai pas voyagé, je ne suis pas sortie. Kévin n'aimait pas les boîtes de nuit, donc je ne devais pas non plus les aimer.
Après que je lui ai partagé mon ressenti sur ma vie à ce moment-là, il m'a simplement répondu qu'il était dans l'incapacité de m'aider, puisqu'il y avait le coronavirus, et qu'on venait d'acheter une maison sous-entendant qu'on devait faire attention financièrement. Rien ne pouvait être fait pour casser la routine. A ce moment-là, je lui en voulais beaucoup.
A la suite de cet évènement, nous avons enchaînés dispute sur dispute. J'allais mal, je ne comprenais pas pourquoi et je m'attendais à ce que lui le comprenne, ou à ce qu'il s'en soucie, au moins.
Un soir où il s'était endormi, j'étais en colère de passer une énième soirée seule. J'ai donc allumé mon ordinateur, et je me suis remise à jouer aux jeux vidéo que j'avais abandonné le jour où on a commencé à vivre ensemble, à mes dix-huit ans. Ce soir-là, j'ai rencontré des personnes formidables sur mon jeu, et on est très vite devenus amis. Ils étaient une dizaine, et on s'est tous beaucoup rapprochés. On ne s'ennuie jamais avec une dizaine de personnes.
« T'es une gamine Mélanie », « Tu joues jusqu'à pas d'heure, grandis un peu ! », « lâche ton téléphone enfin ! Tes « amis » tu les retrouveras en ligne plus tard ! », « Tu sais bien que ces gens-là ne sont que virtuels n'est-ce pas ? Ce sont des inconnus, pas tes amis ».
Je ne peux recenser le nombre de reproches que j'ai reçu de sa part concernant les jeux vidéo et mon groupe d'amis virtuels.
Ces remarques ont engendré d'autres remarques sur des sujets bien éloignés de celui-ci, des sujets comme ma prise de poids, les tâches ménagères, ma préparation au concours de l'enseignement...
J'avais le sentiment de vivre avec mon père et pas mon petit-ami, ce qui est cocasse quand on sait que j'ai grandi sans figure paternelle. Les derniers mois de relation avec Kévin étaient pesants. J'avais le sentiment de ne pas être assez. Je n'étais pas acceptée et aimée pour moi mais plutôt pour ce que je devais être. Ça m'a néanmoins permis de me rendre compte qu'on évolue beaucoup au sein d'une relation, et que la Mélanie de vingt-deux ans n'était plus la même que la Mélanie de dix-sept ans.
Il m'a quittée par SMS à deux jours de mes oraux de concours. On a cohabité ensemble jusqu'à décembre et je suis partie. Je n'ai pas eu le concours, mais je l'ai retenté l'année d'après, en deuxième année de Master.
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Voyage, voyage.
De TodoIl parait que la vingtaine, c'est la meilleure partie d'une vie. Permettez-moi d'en douter. Je m'appelle Mélanie, et voici un récit plus ou moins élaboré de ce que représente la vingtaine pour moi. Entre histoires d'amour catastrophiques, introspect...