Promenons-nous, dans les bois...

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Les arbres défilent sous ses yeux, les branches craquent sous ses pattes, le vent sifflent dans ses oreilles. Son regard sauvage rouge est animé par une sorte de rage libre, d'envie et de folie. Son corps gris est comme un courant d'air au travers de la forêt, son poil hérissé sur son dos. Il est une ombre dans la nuit, sauvage comme une flamme, libre comme un oiseau. Il est un loup. Un loup en fuite.

Il s'arrête brusquement, ses crocs dehors, essoufflé. Son instinct animal le fait pousser un hurlement féroce et lointain, qui résonne dans toute la forêt. Au loin, comme un écho, le hurlement se répète. Il sait que ce n'est pas un écho, mais bien son ami qui signale sa position.

Alors ses muscles se remirent en route pour rouler sous l'effort et le pousser toujours plus loin vers son allié, de ses puissantes pattes, tout en esquivant les sapins qui se dressent fièrement dans l'obscurité.

Plus il avance, plus les arbres disparaissent et plus la brume s'installe. Il finit par s'arrêter, inquiet du décor, et observe de ses yeux vifs autour de lui. Une lumière l'aveugle, et il s'approche curieux. Mais il n'eut pas le temps de comprendre qu'une forme se détache de la brume pour en sortir à toute vitesse et le percute.

Une voiture.

Il est projeté sur plusieurs mètres, et roule un peu au sol. Ses os se sont brisés sous l'impact, et la plupart sont au moins fêlés. Une de ses côtés s'est complètement cassée, au point de traverser sa peau et de la transpercer. Il pousse un couinement qui meurt à peine dans l'air tant il est faible.

Ses os ainsi que sa peau, bien que très abîmés, s'étirent pour commencer à prendre une forme humaine. Son museau se raccourcit formant une bouche, son poil gris disparait, laissant une peau foncée et lisse à la place, et des cheveux font leur apparition sur son crâne. Ses yeux rouges sont maintenant d'un vert pur, comme celui d'une jeune pousse. Mais ils ne furent visible qu'un court instant puisqu'ils se referment de suite.

Il est manifestement très beau, et possiblement mort. Mais la voiture ne s'est pas retournée, et personne ne sait où il est. Personne, ou presque, parce qu'au loin son ami l'attend. Il pousse un hurlement, mais il n'y eut que le silence pour lui répondre, lasse, lourd, comme une mélasse noire et épaisse sur les épaules du monde.

Le garçon au sol réunit ses dernières forces pour essayer de se relever. Il pousse un cri tant la douleur est grande, mais ne s'arrête pas pour autant. Son ami, sur la colline en face, dévale la pente à grand pas, pour le rejoindre et l'aider. D'en haut, il a tout vu. Il sait aussi que non, la voiture n'est pas partie, et qu'elle est en train de revenir. Il atteint la route, et prend aussitôt une forme humaine pour se jeter aux côtés de son ami qui pâlissait à vue d'œil.

« Lake ! Viens mon vieux, faut que tu te lèves ! »

Il lui prend le bras pour essayer de l'aider, mais le blessé commence à tousser. Du sang sort de sa bouche, tandis qu'il étouffe un gémissement de douleur.

« J'peux...pas..

-Si. Si, si, tu peux, ne me fait pas ce coup-là ! »

Les phares se découpent de nouveau dans la brume, bien plus lent qu'avant.

« Désolé Lake.

-Pour... ? »

Son ami le porte et le pose sur ses épaules avec le plus de précaution possible, mais sans pour autant ne pas lui faire mal. Lake sent certains de ses os bouger, ce qui le fait crier. Des larmes montent dans ses yeux pour couler sur ses joues et s'écraser au sol.

La voiture s'est arrêtée, et pire encore, le conducteur est descendu. Il a le temps d'apercevoir les deux silhouettes, leurs yeux rouges et même le sang de Lake. Il sait qu'il n'a pas percuté un humain, et il est sûr que c'était un chien qu'il avait presque écrasé. Il recule un peu, en proie à une panique et une incompréhension des plus totale. Les coins de sa bouche s'étirent pour former une grimace de peur, et quelques sons sortent de sa gorge sans pour autant réussir à faire une phrase.

L'ami de Lake pousse un grognement d'énervement et de tristesse face à l'état de son camarade. Ses crocs font leur apparition, dépassant de ses lèvres. L'homme le voit, et retourne aussitôt dans sa voiture. Il ne crie pas, comme si la peur lui formait un bloc dans sa gorge. Il tourne les clefs et part de la route en écrasant la pédale d'accélération.

Les deux garçons loups disparurent dans la forêt, Lake maintenant inconscient à cause de la douleur.

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Franck Gustav, un détective, est à la table de son salon, dans son peignoir blanc habituel, ses deux pieds dans ses pantoufles. La pièce est emplie du bruit du feu qui crépite dans la cheminée et des pages de son journal. Il trempe son croissant dans son café et en prend une bouchée d'un air satisfait. Ses cheveux bruns sont emmêlés et sa barbe assez mal taillée.

Sa femme s'approche et passe ses bras autour de son cou pour l'embrasser sur sa nuque. Elle caresse son crâne pour essayer d'aplatir ses épis, mais sans succès.

« Tu ne veux pas rester à la maison, aujourd'hui ?

-J'aimerais ma belle, mais je dois y aller. Mais j'essayerai de rentrer tôt ce soir, promis. »

Elle hoche la tête et part s'assoir à sa place. Il regarde ses jambes nues que sa nuisette noire ne cache que très peu, puis se concentre de nouveau sur son journal. Il manque de s'étouffer à la lecture du titre.

« Les Monstres de Chestown »

Il lit les lignes en diagonales, sa bouche grande ouverte. Il n'est pas superstitieux et les histoires de monstres, c'est très peu pour lui. Mais la veille, un homme est venu le voir aux alentours de minuit pour prévenir que deux créatures humanoïdes trainaient vers l'entrée du village. Il n'y avait pas cru, et pensait que l'homme était bourré.

Jusqu'ici, tout semble être normal. Sauf que l'homme se nommait John Vanance, et que l'article dans le journal vient du témoignage d'un Marc Deer. Ou c'est un coup monté, ou quelque chose traîne.

M.Gustav secoue la tête. Dans le pire, c'est deux enfants du village qui ont fait une mauvaise farce. Son téléphone sonne, le tirant de ses pensées, et il décroche. Il vient du shérif.

« Oui ?

-Franck ? écoute, j'ai besoin de toi.

-Pourquoi ? ça a un lien avec l'histoire du journal ?

-Quelle histoire ?

-De deux monstres aperçut à l'entrée du village, ou je-

-Non. Enfin, je ne pense pas. Faut que tu viennes.

-D'accord, mais dis-moi au moins de quoi il s'agit !

-D'un...meurtre ?

-Tu n'en ai pas sûr ?

-On a un cadavre. C'est tout ce que je sais.

-Commen... »

Le shérif raccroche, coupant court à la conversation. Franck pousse un long soupir et prend sa tête dans ses mains.

« Tout va bien ? demande sa femme.

-Faut que j'y aille. Je ne pense pas pouvoir rentrer plus tôt finalement. »

Elle hausse les épaules.

« Tu te rattrapera. »

Il se lève pour passer dans sa salle de bain, tandis que son épouse attrape son croissant pour le finir.



Les loups de ChestownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant