Chat

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Chat entre chez lui, tout en poussant un soupire.

« J'suis rentré.

-Cool. S'élève la voix de son frère

Il l'ignore et commence à monter les marches, puis s'affale sur son lit et allume son téléphone. Il a récupéré quelques numéros de ses camarades de classe qui ont très envie de faire connaissance. Ce n'est pas pour autant qu'il a passé une bonne journée. Déjà, il a eu le droit plusieurs fois dans la journée à ce qu'on lui pose une question qui lui colle depuis la naissance « C'est quoi le problème de ton œil ? »

Ce qui l'énerve au plus haut point. Il va très bien son œil. Oui, bon, peut-être pas très bien, mais est-ce qu'il a besoin qu'on le lui rappel toutes les heures ? Non, évidemment3.

Son téléphone vibre plusieurs fois d'affilés, de plusieurs numéros inconnus différents. Il les ignore tous. De toute façon, il pourra inventer une excuse le lendemain, comme quoi son téléphone n'avait plus de batterie ou quelque chose de ce style.

Il regarde donc les infos. Une interview lui est proposé : « Y aurait-il une bête dans les forêts de Chestown ? »

Intrigué, il clique, et regrette de suite. Un homme d'une quarantaine d'années est à l'écran, dans une tenue négligée, ses cheveux longs et gras tombant sur ses maigres épaules. Une voix féminine prend l'espace, et une main tend un micro à l'homme.

« Monsieur Vanance, pouvez-vous affirmer avoir vu ou aperçut une bête sauvage semblable à la description de Marc Deer, publié dans le journal « L'Echos » ?

-Oui... »

Le fameux Vanance le répond d'une voix distante, ses yeux vides. Il n'a pas l'air de savoir vraiment ce qu'il fait ici, et ne sait pas vraiment non plus comment s'y prendre. L'intervieweuse semble prise dans un malaise, car elle se reprend plusieurs fois avant de réussir à articuler, après avoir bafouiller des excuses :

« Il paraît que vous avez essayé de faire un rapport à la police auprès de Franck Gustav, connu pour être un excellent détective, et qu'il vous a renvoyé chez vous sans protection, vous accusant d'avoir eu une hallucination à cause d'alcool. Pouvez-vous confirmer ?

-Oui... »

Même jeu, même regard, même malaise.

« Qu'avez-vous à dire à la police de Chestown ?

-Qu'elle ne fait pas bien son travail... »

Chat retient un petit rire. Il a dû être payé pour dire des trucs, ou quelque chose comme ça. On ne passe pas à la télé pour ressembler à un poisson. La journaliste commence alors un rire nerveux, pour essayer de rattraper la situation.

« Sacré John ! «

Elle relance la conversation avec difficulté, mais Chat décide de couper la vidéo là, jugeant la situation bien trop inconfortable pour lui. Il se relève, place ses écouteurs dans ses oreilles, et lance une musique tout en attrapant un stylo pour commencer à dessiner. Son frère, presque aussitôt, ouvre la porte de sa chambre sans prévenir, ce qui le fait sursauter.

« Jay ! Préviens avant d'entrer ! »

Il le regarde de longues secondes avant de commencer à rire, puis se reprend.

« Pardon, pardon. Comment était ta journée ?

-ça t'intéresse vraiment ?

-Du tout. C'était par politesse.

-Bon alors qu'est-ce que tu veux ?

-Maman te demande si t'as fait tes devoirs.

-Oui. Enfin, je n'en ai pas. »

Son aîné hausse les épaules et commence à faire demi-tour, puis cri du haut des marches :

« Il dit que non il ne les a pas faits et qu'il ne les fera pas, mais que si ça pose problème ça le dérange pas qu'on l'abandonne !

-Jay ! hurle alors Chat avant de s'élancer vers son frère qui prend la fuite, hilare. »

Sa mère, depuis le bas se met à rire, tout en déposant ses sacs de course.

« Les garçons, arrêtez de vous disputer ! En plus j'ai besoin d'aide.

-C'est lui qui cherche ! râle Chat.

-Tais-toi et aide-moi. »

Lance Jay tout en attrapant un des sacs.

« Alors, cette première journée ?

-Pour Chat ? ça ne devait pas être dur.

-Qu'est-ce que t'en sais ? grogne le concerné.

-Arrête. Tu ne peux pas avoir de problème, Chat. Entre tes yeux verts et ta peau mate, t'as dû te faire agresser par un groupe de filles en furie.

-Justement. Qui te dit que ça me plaît ?

-je rêve ou c'est un coming-out ? T'aurais préféré une armée de gars ?

-Ce n'est pas ce que j'ai dit ! »

Leur mère soupire.

« Jay, laisse-le respirer. Tu n'as pas passé une bonne journée, Chat ?

-Si, mais...Il n'y a qu'une personne qui a l'air vraiment sympa dans le collège. Et je crois qu'il ne m'aime pas. Mais je l'ai sauvé !

-De ?

-D'une voiture de police. »

Son frère explose de rire.

« Mais pardon ? Tu sauves un criminel ? Merci pour ton implication pour rendre la France meilleure.

-Mais nan ! Il a failli se faire rouler dessus ! »

Sa mère passe une main dans ses cheveux.

« Comment tu as fait ? Tu as vu la voiture arriver ?

-Ouais. Je l'ai tiré en arrière. Il était surpris.

-Tu ne m'étonne pas. Je suis fière de toi, Chat. »

Le jeune sourit, tout en rangeant un énième paquet de pâtes, s'arrêtant dessus.

« Encore des pâtes ? Qu'est-ce qu'il se passe exactement avec les coquillettes ?

-On n'a presque plus d'argent, et elles étaient en promo. Tant qu'on n'a pas repris le travail, ton père et moi, ça risque d'être rude niveau alimentation. »

Il hausse les épaules. Il ne va pas s'en plaindre. Son frère, par contre, si. Leur père entre alors dans la maison, et Jay se tait aussitôt, ce qui surprend Chat. Il lui lance un regard, mais celui-ci se perd et n'est pas réceptionné par son aîné.

Son père embrasse sa mère, puis secoue les cheveux de son plus jeune fils. Cependant, il n'adresse pas un regard ou une parole à Jay.

« Bonne journée ?

-Oui ! Et ton fils a sauvé un de ses camarades !

-C'est vrai ? Chat ? »

Le dénommé hoche la tête avec un sourire.

« C'est donc une journée productive !

-Ah ça ! Et la tienne ?

-Et bien, j'ai parlé au maire, et il m'a dit que j'avais la possibilité d'intégrer la police d'ici quelques jours, donc c'est plutôt cool. »

Chat grimace. Ce village a l'air plein de malade, et savoir son père noyé parmi eux ne le rassure qu'à moitié. Il soupire et tourne la tête vers la fenêtre, d'un air rêveur, prêt à grimper dans sa chambre. Mais dehors, il croise le même regard rouge un peu orange qu'il avait vu il y a quelques semaines. Aussitôt, presque instinctivement, il se jette dehors, sous les regards surpris de sa famille qu'il ignore.

Les loups de ChestownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant