PROLOGUE

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Le plus nul, dans mon histoire, à moi, Francesca Rossi, c'est que mon avenir tout entier est enfermé dans un vieux coffret en bois d'apparence anodine.

Depuis le jour où j'en ai pris conscience à six ans , je sais que ce qui m'attend à l'intérieur, quoi que ce soit, me tuera ou me sauvera.
Alors pas étonnant qu'hier à l'aube, à l'heure où le soleil embrasse le ciel, j'aie décidé d'accélérer mon destin.
Et de l'ouvrir,cette petite boîte en bois.

Je n'étais pas censée savoir où ma mère en gardait la clé.
Je n'étais pas censée savoir où mon père la rangeait.
Mais voilà, le truc, quand on passe ses journées chez soi à se faire la plus belle possible, histoire d'atteindre les standards quasi impossibles de ses parents, c'est qu'on a du temps...
Beaucoup de temps.

- Tenez-vous tranquille, Francesca, sinon je vais vous piquer avec l'aiguille, couine Veronica à mes pieds.

Mes yeux courent pour la centième fois sur le morceau de papierjaune tandis que la couturière de ma mère m'aide à enfiler ma robe,comme si j'étais invalide.

Je grave les mots dans ma mémoire, les enferme à double tour dans un tiroir de mon cerveau auquel personne d'autre que moi n'a accès.
L'excitation coule dans mes veines, folâtre comme un air de jazz,mes yeux scrutent avec détermination le miroir en face de moi.

Les doigts tremblants, je replie le morceau de papier et le glisse dans le décolleté de mon corset délacé.
Je me remets à arpenter la pièce, trop agitée pour rester enplace, obligeant la coiffeuse et la couturière de mama à m'aboyer dessus en me pourchassant à travers le dressing.

Scène comique.
Je suis Groucho Marx dans La Soupe au canard.
Attrapez-moi si vous pouvez.

Veronica tire sur un pan de mon corset, me ramenant devant lemiroir comme si j'étais en laisse

- Hé, aïe ! je grimace.

- Tenez-vous tranquille, j'ai dit !

Il n'est pas inhabituel que les employés de mes parents metraitent comme un caniche au pedigree impeccable.

Peu m'importe, à vrai dire ce soir, je vais embrasser Angelo Bandini.
Plus précisément, je vais le laisser m'embrasser.
Je mentirais si j'affirmais que je ne rêve pas de l'embrasser toutes les nuits depuis que je suis revenue, il y a un an, du pensionnat privé ou mes parents m'avaient envoyée.

À mes dix-neuf ans, Arthur et Sofia Rossi ont officiellement décidé de m'introduire dans la haute société de Chicago et de me permettre de choisir mon futur époux parmi les centaines d'Italo-Américains éligibles, affiliés à l'Outfit.

Ce soir marquera le point de départ d'une série d'événements et demondanités, sauf que moi, je sais déjà qui je veux épouser.
Papa et mama m'ont informée que l'université n'était pas uneoption pour moi.
Je dois m'atteler à la pêche au mari parfait, vu que je suis fille unique et la seule héritière des affaires du clan Rossi.

Être la première femme de ma famille à décrocher un diplôme, c'est un rêve que j'ai caressé, mais je ne suis pas bête au point de les défier, oh, là, là, non.
Comme le dit souvent notre domestique, Clara : « Ce qu'il vous faut, ce n'est pas d'aller à la rencontre d'un mari, Frankie. C'est de ne pas aller à l'encontre des attentes de vos parents. »Elle n'a pas tort.

Je suis née dans une cage dorée. Spacieuse,certes, mais fermée à clé tout de même. Essayer de m'en échapper,c'est risquer la mort.
Je n'aime pas être prisonnière, mais j'imagine que j'aimerais encore moins me retrouver six pieds sous terre.
Alors je n'ai même jamais osé jeter un coup d'œil entre les barreaux de maprison pour voir ce qui se passe de l'autre côté.
Mon père, Arthur Rossi, est le boss de l'Outfit.

The Kiss ThiefOù les histoires vivent. Découvrez maintenant