Chapitre 1: Ladina Vivian Roche

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- Vas-y Ladina tu peux y arriver, un dernier effort ! Fanny et Izeul, très bien ! Malia, tu te moques de moi ? Ne me regarde pas comme ça et donne ton maximum comme tu sais si bien le faire. Courage !

Il me semblait que mon corps entier brûlait. Était-ce possible d'avoir aussi mal à cause d'un simple entraînement ? En me levant ce matin, je ne pensais pas souffrir autant.

...Quoique...

- Je savais que Nass nous préparait un mauvais coup, confiai-je à Fanny. Tu as vu son sourire ce matin ?

La blonde à côté n'eut pas le temps de répondre que l'instructeur me gronda, sa voix grave résonnant désagréablement dans mon crâne.

- Ladina, si tu es assez en forme pour papoter, accélère !

Je le fusillai du regard lorsqu'il se détourna pour encourager Malia, restée derrière. Un jour, j'allais le tuer... Si ses entraînements ne le faisaient pas pour moi avant. Quel monstre était capable d'imaginer nous lever à six heures du matin avec de l'eau glacée et des fléchettes paralysantes ? J'étais restée deux minutes sans pouvoir bouger et m'étais ensuite fait disputer à cause du retard que j'avais pris.

Et, comme si ça ne suffisait pas, le "vrai" entraînement avait débuté. Une heure de renforcement physique sans pause, combat au corps à corps puis avec armes et Talents, "repos" en lévitation, perfectionnement des Talents... Puis footing avec des poids. Cela faisait une demi-heure que je courais avec dix kilos accrochés à chaque pied !

Je soufflai.

- Courage La', on a presque terminé. Il est onze heures moins cinq.

Je n'eus pas le temps de me réjouir des mots de mon amie. Mon professeur, qui nous suivait tranquillement en se balançant au rythme de son apatosaure sur lequel il était assis, nous détrompa aussitôt.

- Plus qu'une petite demi-heure et je vous lâche !

Je serrai les dents. Ce vieux muscrapaud... On devait terminer à onze heures, pas onze heures et demie !

- Bon, bah on n'a pas trop le choix La'... Allez, ne fait pas cette tête, c'est pas comme si c'était la première fois qu'il nous faisait le coup.

Elle rit tandis que je la regardais avec effarement.

Pourquoi étais-je étonnée ? C'était du Fanny tout craché. Elle avait beau porter quinze kilos à chaque pied, plus que moi donc, elle trottait allégrement à côté. Je me demandais même si elle ne ralentissait pas pour moi.

Je lui jetai un regard suspicieux mais elle ne me regardait pas.

Ce matin, je l'avais aidée à tresser ses cheveux en couronne, comme souvent. Cette coiffure découvrait son visage fin et dépourvu de toute rougeur en lui donnant un air plus mature. J'en restais admirative. Et comment faisait-elle pour garder un teint si pâle, si uni ? Elle se tourna vers moi ; ses yeux clairs, d'un magnifique et profond bleu canard, brillaient de malice quand elle me sourit de nouveau, ses dents blanches étincelant au soleil.

Fanny était la première amie que je m'étais faite lorsque j'avais rejoint les Fantômes, suite au décès de ma mère qui faisait partie de l'organisation. J'avais dix ans, elle neuf. Six ans sont passés déjà, et rien n'a changé, sauf notre amitié qui s'est peu à peu resserrée jusqu'à ce que nous pussions nous appeler "sœurs".

Je grognai de nouveau en tentant d'accélérer, le corps penché en avant et le souffle erratique. Fanny ne broncha pas, faisant de même. On aurait dit qu'elle portait des plumes à ses chevilles et non des poids de quinze kilos.

Après cette demi-heure qui me parût interminable, Nass nous dit qu'on pouvait y aller et qu'il espérait que ça serait encore mieux demain.

- Enfin, soufflai-je, rouge et transpirante.

Izeul et Malia me rejoignirent, pantelantes, pendant que Fanny parlait encore à l'entraîneur.

La première, pourtant assez vive et têtue à l'ordinaire, ne put parler pendant quelques minutes : elle était courbée en deux et haletait bruyamment. Quand elle atteignit sa gourde, elle resta un long moment à boire goulûment.

Enfin elle se redressa, son visage un peu moins décomposé par l'effort.

- Plus jamais. C'était horrible.

Ses cheveux roux qu'elle avait oublié d'attacher étaient collés sur son visage à cause de la transpiration et leur couleur se mêlait à celle de sa peau tant elle s'était dépensée.

À ses côtés, Malia semblait à deux doigts de s'évanouir. Elle tapotait gentiment le dos de la rousse mais ses yeux bleu violet étaient perdus dans la chaleur jaune de là où nous étions, comme si elle se voyait encore en train de courir. Une grimace hésitante crispait sa mâchoire, comme si elle voulait se réjouir d'avoir terminé mais que ses muscles ne la suivaient plus.

Elle cligna des yeux, reprenant ses esprits. Peu à peu, le voile qui brouillait sa vue s'éclaircit et un sourire timide fleurit sur son visage.

- Je suis contente, j'ai réussi à tenir jusqu'au bout ! Demain, j'y arriverai encore mieux.

J'en fus attendrie. C'était bien Malia. Optimiste, toujours à donner le meilleur de soi-même sans rien lâcher,.

- Bon, qu'est-ce qu'elle fait notre petite Fanny ? Demanda Izeul en ramenant ses mèches rouges derrière ses oreilles.

- Elle parle au prof. De quoi, je ne sais pas, répondis-je.

J'avais envie de rentrer au dortoir et de prendre une longue douche. J'alternerai le chaud et le froid pour éviter les courbatures et me refroidir un peu avant de dormir.

Le ventre de Malia gargouilla et, lorsqu'elle rigola, deux fossettes marquèrent ses joues roses.

- Oups... Désolée.

On sourit à notre tour.

- C'est vrai que ça creuse les entraînements comme ça. J'espère que ce sera moins intense demain.

- Oh, n'y compte pas, répondit Izeul. Il a décidé de nous en faire baver, cette semaine.

- Du moment que ce n'est pas trop dur... On ne pourra que progresser, de toute façon ! Ajouta Malia.

Enfin, Fanny arrivait.

- Désolée les filles, le prof m'a retenue.

- Qu'est-ce qu'il te voulait ?

Elle me fit un grand sourire.

- Il pense que je suis prête pour qu'il augmente la difficulté de mes entraînements !

- Bravo, souris-je, même si je ne comprenais pas qu'elle soit heureuse de ça.

- J'espère qu'il n'augmentera pas nos entraînements à nous, ajouta Izeul.

- Allons manger ! Dit Malia

Nous déjeunions dans une grande cantine en pierre pour que la chaleur du dehors ne nous atteigne pas. Je regardai, lasse, le sol marbré de la pièce fraîche. Je n'étais même pas sûre d'avoir faim. Souvent, quand je faisais trop d'efforts, j'avais le ventre noué ensuite. Je me forçai pourtant à avaler mes queues-de-peste rôties. L'après-midi sera encore plus physique, il fallait que je me nourrisse si je ne voulais pas combattre le ventre vide.

Une fois que nos assiettes furent complètement finies, jusqu'à ce qu'on se voie dedans, on débarrassa rapidement et rejoignit les dortoirs.

Je soupirai en entrant dans la chambre, mon corps était devenu lourd comme de la magsidienne. Mes yeux se fermaient malgré eux et je voyais que c'était pareil pour mes amies. Chacune notre tour, on alla dans la salle de bains, trébuchant tous les deux pas. Je la pris en dernière pour rester un peu plus longtemps sous la douche tandis qu'elles se couchaient déjà pour faire une sieste.

- 'Nuit, bailla Izeul, sa tête rousse déjà enfouie sous les couvertures.

- À tout', fit Fanny avec lenteur.

Malia ne répondit pas, elle dormait déjà.

Agent C16 [Sokeefe]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant