VI

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Le lendemain, Jungwon était parti rejoindre Bambi aux alentours de seize heures. Le déjeuner avait duré une éternité et il n'avait pas réussi à s'éclipser avant. Il avait pédalé à une vitesse faramineuse pour retrouver son ami aux ruines. Mais il n'y était pas. Il n'y avait aucune trace dans l'herbe, ni à l'orée de la forêt. Jungwon lui avait même apporté une pomme rouge, ses préférées, mais il ne le trouva ni près d'un arbre, ni dans le coin d'un mur toujours debout.
    Alors il s'était mit à l'appeler. Ce n'était pas normal qu'il ne soit pas là. Aussi tard, Bambi était déjà sur place lorsqu'il venait ou alors dans les cinq minutes. Or cette fois-ci, Bambi n'était pas présent au bout de dix minutes, ni quinze.

- Bambi !; criait-il une nouvelle fois en tournant sur lui-même; où est-ce que tu es bon sang ?; murmurait-il.

    Peut-être que lui aussi avait un léger contre-temps et qu'il viendrait plus tard. Alors Jungwon s'assît dans sur le rebord de la fenêtre, enroulant son sac de ses bras. Pour une raison particulière, il n'était pas rassuré et l'inquiétude montait à mesure que le temps passait.
    Une heure s'écoulait, puis deux, puis le soleil commençait à disparaître et il n'était toujours pas au rendez-vous. Il attendait, faisait les cent pas, tentait de faire une micro sieste pour l'attendre. Rien ne fonctionnait. Il était maintenant vingt heures, et toujours aucun signe de Bambi. Il perdait patience.
    Il se donnait encore une heure avant de rebrousser chemin et de rentrer chez lui d'une attente inutile. Sauf qu'il entendit un bruit. Aussitôt, Jungwon se tourna vers la provenance du son dans l'intention de l'accueillir comme il se devait, de lui dire à quel point il était content de le voir. Mais ce n'était pas Bambi. C'était Heeseung, appareil photo autour du cou, le vélo de Jungwon à ses côtés, il semblait perplexe.

- Jungwon ?

     Le déception avait secoué le corps du concerné qui senti ses épaules s'abaisser violemment et son visage perdre de son espoir. Maintenant que Heeseung était là, Bambi ne viendrait pas. C'était une fatalité qui brutalisa son cœur.
    Le garçon s'approcha tandis que Jungwon cacha sa déconvenue tant bien que mal en essayant de sourire maladroitement.

- Heeseung, quelle surprise de te voir; sans que sa voix ne le trahisse.
- C'est donc ici que tu te caches; déposant son vélo contre le mur.

    Puis il vint s'asseoir en face de lui, là où normalement Bambi dépose ses bras pour l'écouter parler.

- Je te comprends, c'est d'un calme ici.
- Les autres sont venus avec toi ?; voulut-il savoir.

    Heeseung le considéra un instant avant de secouer la tête. Jungwon eut presque un soupir de soulagement à se dire que si Bambi était en forêt dans l'instant, il ne se ferait pas surprendre par les deux autres. Jungwon reposa doucement sa tête sur l'embrasure de la fenêtre, fermant les yeux.

- Tu attendais quelqu'un ?

Jungwon, dans une tentative désespérée de ne pas paraître suspect, rouvrit les paupières pour croiser son regard. Il paraissait déjà certain de la question et Jungwon se demandait si lui mentir les yeux dans les yeux était une bonne idée. Il opta donc pour le silence du lâche.

- Tu sais; continuait Heeseung; ce n'est pas cool de ma part mais je t'ai suivi après le repas.

Jungwon luttait pour ne pas froncer les sourcils, pour ne pas lui demander pourquoi il le suivait et qu'est-ce qui lui passait par la tête.

- D'où le fait que j'ai pu venir jusqu'ici, me diras-tu; tentait-il de manière plus légère; et tu appelais un nom.

Évidemment qu'il l'avait entendu, il l'avait crié une bonne dizaine de fois en cinq minutes. Jungwon le toisa sans arriver à le cacher, parce qu'il se sentait trahi par son ami, parce qu'il l'avait suivi et avait ruiné ses retrouvailles avec Bambi. Et il lui en voulait de l'avoir fait dans son dos.

- Je suis désolé; s'excusa Heeseung, sincèrement; je ne pensais pas à mal mais j'étais vraiment curieux.

Désabusé d'un manque cruel de confiance, malgré le peu de temps qu'ils se connaissaient, Jungwon détourna le regard en riant jaune.

- Tu m'en veux ?
- Évidemment que je t'en veux; bondit Jungwon; tu t'incrustes dans ma vie privée, j'ai pas envie qu'on me suive parce que j'ai envie d'avoir mes moments seul, que j'ai envie de m'isoler ici et que j'ai pas envie qu'on me retrouve. Oui je t'en veux que tu n'ais pas assez de jugeote et pour ne pas m'avoir laissé tranquille avec vos questions agaçantes.

Ses nerfs y étaient passés, il en avait gros sur la patate. Jungwon secoua la tête.

- Quelqu'un qui veut absolument savoir des secrets qui ne le concerne pas, j'appelle pas ça un pote et encore moins quelqu'un de confiance.
- Jungwon...

Il avait contourné le mur pour prendre son vélo. Il grimpa dessus mais se fit arrêter net par Heeseung qui bloqua le guidon de sa main.

- Je suis désolé, ok ? Je pensais pas que tu le prendrais comme ça.

Jungwon le fusilla un instant du regard avant de bousculer sa main et de partir dans la forêt. Il ne voulait pas rentrer. Mais maintenant qu'il savait que les autres ne l'avaient pas suivi, il prit la direction opposée à leur village, là où se trouvait l'habitation de Bambi et pédalai comme si sa vie en dépendait. Il avait besoin de se défouler, de passer son agacement et sa déception dans quelque chose. Il y arriva, un temps, pendant vingt minutes sûrement, il était presque arrivé mais sa roue se prit dans une racine un peu trop grosse et il bascula par dessus son vélo.
Le choc fut tellement fort qu'il en perdit presque connaissance, il savait juste qu'il avait très mal aux genoux, aux mains et à l'épaule, son menton aussi le lançait fortement. Et il voyait flou, incapable d'entendre clairement ce qui l'entourait, impossible de voir avec une pénombre, il savait qu'il avait fait une bêtise quand sa main glissa douloureusement sur la racine meurtrière qui en voulait à son vélo et lui. Il n'arrivait même pas à sangloter.
Dans le gase, il se dit qu'il était trop amoché pour rejoindre sa maison maintenant, surtout qu'elle était loin et qu'il ne se voyait pas rendre son véhicule deux roues pour rentrer. Alors il tenta de se traîner douloureusement contre un tronc, couinant de souffrance à chaque fois qu'il posa sa main droite au sol.
    Puis il abandonna. Tant pis, autant dormir contre la racine pour récupérer, ça ira plus vite.
Il percevait à peine qu'on le soulevait délicatement, qu'on dégageait son visage de brindille et de cailloux, qu'on le soulevait pour l'asseoir. Il avait trop mal au crâne et trop sommeil pour comprendre ce qu'il se passait. Il ne percevait même plus le souffle paniqué qui rafraîchissait et heurta son visage.



[PAS RELU]

A ton regard     --JaywonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant