CHAPITRE 4

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Alaïa

L'amphithéâtre est bondé ce matin, mais à cette heure-ci, les hautes fenêtres gothiques laissent encore entrer la lumière naturelle, ce qui me permet de repérer facilement Lexie et Maddy en bas, au premier rang.

J'aime beaucoup cette endroit, même si je ne l'avouerai jamais à personne. Je suis sensible à son architecture, au plafond voûté et aux fresques qui l'ornent. Je sais reconnaître les belles choses. J'ai été élevée pour cela.

Il y a foule, mais heureusement, des places nous sont réservées. Dans la hiérarchie de la fac, ceux qui contribuent à son rayonnement bénéficient de certains privilèges. Quoi de plus normal...

En descendant les escaliers pour rejoindre Lexie, je sens les regards braqués sur moi, comme toujours. Consciente de l'effet que cela provoque, je repousse ma lourde queue de cheval blonde derrière mon épaule et esquisse un sourire aux soupirs que cela suscite chez de nombreux garçons. Ils peuvent toujours espérer, je suis bien trop inaccessible pour eux. Il ne faut pas mélanger les genres...

Dès que j'ouvre les yeux, je suis en représentation et je dois dire que j'y prends un certain plaisir. Tout ce rituel auquel je me soumets en vaut largement la peine. De mon chemisier blanc immaculé à ma jupe noire assortie à ma lavallière, tout est impeccable aujourd'hui, comme toujours. Rien ne dépasse jamais. Une gravure de mode, me dit souvent Maddy. Je peux voir la jalousie et la convoitise dans ses yeux, chaque fois que je porte la dernière pièce d'un créateur à la mode et j'en tire une grande satisfaction.

— T'en as mis du temps ! s'exclame Lexie en prenant les cahiers que je tenais fermement contre ma poitrine pour les poser sur les pupitres en bois sombre, usés par le temps.

— Tu sais qu'une espèce de gourde a essayé de s'asseoir à ta place, ajoute-t-elle en faisant une moue de dégoût. Une nouvelle sûrement... Elle ne connaît pas les règles ici.

Je peux facilement imaginer la scène qui s'est déroulée avant mon arrivée.

— Oui, mais tu l'as remise à sa place.

— Évidemment que oui, elle a failli s'pisser dessus, glisse Maddy malicieusement par-dessus une fille qui doit se pousser pour me laisser passer.

Lexie a toujours eu un caractère bien trempé et un sens de la répartie redoutable.

Un rire s'échappe de ma bouche.

— N'hésitez pas à nous le dire si nous vous dérangeons...

Le brouhaha de la classe s'atténue, jusqu'à ne plus être qu'un murmure interrogateur.

Je me fige et cherche du regard qui a bien pu nous interrompre de la sorte. Personne ici n'a jamais osé me parler de cette façon.

— Devant vous mademoiselle. Mademoiselle comment d'ailleurs ?

Sur l'estrade, habituellement occupée par notre professeur de droit, se tient celui qui déambule dans les couloirs et dont tout le monde se moque ouvertement. Grand, complètement négligé, il semble faire fi de tout sens de la mode. Chemise à carreau sous un pull sans manche et pantalon en velours côtelé sur des chaussures que même mon arrière-arrière-grand-père n'aurait pas osé porter, rien ne va ensemble. Je n'arrive pas à déterminer son âge, mais en tous cas, il n'a rien d'un professeur, je le sens, et mon intuition pour cerner les gens ne me fait jamais défaut.

— Oui, vous, la blonde. Asseyez-vous que nous puissions commencer le cours. À moins que vous préfériez le passer debout...

Son sourire narquois m'irrite, tout comme son mélange d'assurance et de provocation.

Figée, je suis étrangement incapable de réagir.

L'amphithéâtre éclate de rire à l'unisson.

Cet espèce de connard est en train de me ridiculiser devant tout le monde. Et comment ce type a pu être embauché en tant que professeur ? Avec son allure aussi débraillée, il est une insulte à notre prestigieuse université !

Les regards curieux et moqueurs de mes camarades ajoutent à l'humiliation. Je suis LA putain de reine ici ! Personne ne peut me rabaisser impunément. Je ne sais pas comment, mais il va vite le comprendre.

Lexie et Maddy me regardent elles avec des expressions confuses, ne sachant pas trop comment réagir face à cette situation. Je leur adresse un sourire forcé pour leur signifier que tout va bien, même si à l'intérieur, je bouillonne de colère et d'indignation. Il y a un putain d'ordre établi ici.

***

Le cours finit par débuter, mais je peine à me concentrer. Mes pensées sont envahies par les chuchotements que j'entends derrière moi. Aaron se retourne et le silence se fait. Je sais que son air menaçant fait mouche à chaque fois, et que personne d'ose s'attaquer à lui.

Quant à moi, je rumine l'insolence de monsieur « Maxence Rozen ».

Hide and Love - University (SOUS CONTRAT D'EDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant