Hide and Love - University (SOUS CONTRAT D'EDITION)

CHAPITRE 2

Alaïa

J'ai chaud. Le soleil n'est pourtant pas encore haut dans le ciel, vu l'heure matinale, mais je ne peux néanmoins m'empêcher de tirer sur ma brassière ornée d'un énorme O qui me semble tout à coup trop étroite. J'espère y faire entrer un peu de la brise rafraîchissante de ce matin d'octobre.

Volontairement, je manque un mouvement essentiel de la chorégraphie, mais ça, les autres filles ne le savent pas.

— Alaïa, qu'est c'tu fous ? me demande Alexein, arborant un air faussement réprobateur.

Je feins un air coupable sur le visage.

La métisse, à l'uniforme semblable au mien, est une véritable icône de mode. En plus des cours et du Cheerleading, elle est engagée dans de nombreuses autres activités. Lecture aux personnes âgées, nourrir les sans-abris, bénévole dans un centre pour personnes handicapées... Elle se donne corps et âme pour incarner l'image de la jeune fille parfaite. Personnellement, cela ne m'intéresse pas. Je n'ai pas besoin de me rabaisser à ça. Je vaux tellement plus que ça...

Lexie, dans la continuité de notre plan, fait mine d'être agacée en tapant du pied. Mentir est une seconde nature pour moi. Je n'ai aucun mal à lui donner la réplique.

— Il devait sûrement y'avoir du gluten dans ce que j'ai mangé ce matin... C'est tout simplement scandaleux ! La cuisinière va m'entendre !

Une excuse stupide qui pourtant semble convenir aux autres filles, qui acquiescent comme les gourdes qu'elles sont. Lexie et moi sommes intraitables dernièrement. Le mantra « un esprit sain dans un corps sain » est obligatoire pour toutes et martelé depuis une semaine. Les deux kilos qu'elles doivent perdre au minimum pour la prochaine compétition y sont pour beaucoup.

Mon poids, lui, est scruté avec la plus grande attention chaque matin. Invariablement, ma balance m'attend, conditionnant la nourriture qu'il me sera autorisée d'ingérer et bien souvent réduite à des liquides.

C'est ainsi. Tu dois être parfaite pour ton futur mari. Je ne me souviens même plus de la première fois où celle qui s'est donné pour objectif de me marier à un bon parti a prononcé cette phrase. J'étais probablement trop jeune à l'époque... La discipline de fer que l'on m'impose porte ses fruits, ce dernier ne variant presque pas.

La capitaine me fait un clin d'œil et poursuit.

— Alaïa ! Depuis tout à l'heure, tu fais n'importe quoi. Une co-capitaine se doit de donner l'exemple !

Le but est effectivement de focaliser l'attention de l'équipe sur moi afin de mettre en évidence leurs lacunes.

— On reprend, souffle mon amie.

Les douze filles s'agitent sur la grande pelouse. Incroyable, c'est encore pire ! Elles arrivent à repousser les limites de la médiocrité. Aucun progrès. Le rythme est aux abonnés absents et, pire encore, deux filles manquent de tomber pendant la pyramide humaine.

Lexi hurle depuis le bord de la pelouse, ponctuant chaque mot de grands gestes.

— Non, non et non ! Vous ne serez jamais prête à temps ! Vous me faites honte ! C'est n'importe quoi ! Toi là, c'est quoi ton nom ?

La jeune brune désignée ouvre la bouche pour répondre, mais n'en a pas le temps.

— On s'en fout ! Tu veux finir paralysée en plus de nous ridiculiser ?

Sa pauvre victime ne sait même plus où se mettre et son menton commence à trembler.

— Et voilà ça va pleurer... Vous êtes lourdes, trop lourdes ! J'ai bien dit que le minimum était de perdre deux kilos. Vous vous êtes empiffrées ce matin ou quoi ?

Un grand sourire de satisfaction se dessine sur son visage, car elle sait ce qui va suivre. Elle se tourne vers moi, sa main posée sur sa hanche.

— Ali, à toi.

Les filles semblent perdues, ne comprenant pas ce qui se passe.

— Nan, mais vous avez vraiment pensé que je pouvais être aussi médiocre que vous ?

J'éclate de rire.

— Vous êtes pathétiques. Je m'suis juste contentée de reproduire c'que vous infligez à tout le monde. Je peux vous dire qu'être aussi médiocre que vous a été bien compliqué pour moi. Lexie a entièrement raison, c'est inacceptable ! Un peu d'nerf ! Vous êtes mollassonnes et vous nous embarrassez. J'ai honte de diriger une équipe de bras cassés pareille !

Pour parfaire mon discours, je me dirige vers le poste radio et remets la chanson du début avant de reprendre ma position. Un, deux, trois, quatre... J'exécute les mouvements dans une synchronisation parfaite, comme j'en suis coutumière. D'un mouvement de tête avant de reculer de trois pas et de me préparer à ce qui va suivre, je fais signe au lanceur et receveur de se placer derrière moi. Un appui sur le genou de Mike, une impulsion accentuée par ce dernier, et je vole dans les airs. Flirter avec le danger, ne serait-ce qu'un instant, est grisant. Cette sensation, je la recherche dans tous les domaines.

Après une vrille impeccable, je suis reçue dans les bras puissants de Mike et John. Mes baskets touchent ensuite souplement le sol et, les bras en l'air, droite comme un I, le sourire exigé par ce sport plaqué sur mes lèvres jusqu'à en faire mal, j'attends ce qui me revient. Les applaudissements fusent et je sais que j'ai encore une fois fait le travail que l'on attend de moi, même si je n'en avais aucun doute. Ma queue-de-cheval flottant au vent, je prends place au côté de Lexie.

— Voilà, c'est comme ça que cette équipe gagnera la prochaine compétition. Je refuse de perdre à cause de vous !

Lexie toussote à ma gauche.

— Que « nous » refusons de perdre, corrigé-je en lui jetant un coup d'œil auquel elle répond par un acquiescement. Alors pour la prochaine séance, on veut vous voir une heure plus tôt ! Double entraînement pour vous mettre au niveau !

Les filles ne disent rien, mais, à leurs épaules abattues, l'idée ne les emballe pas. Pourtant, c'est le jeu. Nous sommes toutes embarquées dans le même bateau en ayant signé pour intégrer l'équipe. Des efforts qui ont permises pour certaines de pouvoir les inscrire dans cette faculté. Je sais que sans bourse qu'elle soit d'étude ou sportive, ils ne pourraient pas avoir accès à cet endroit. Ce ne sont que des petites ingrates !

Pour ma part, mon nom et le chèque que mon père fait tous les ans suffisent à eux seuls.