CHAPITRE 5

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La journée a mal commencé. Je suis en retard.

Je sais que le doyen est très strict en ce qui concerne les horaires. D'autant plus que c'est un privilège de pouvoir assister un professeur. Les postes sont rares et les étudiants se battent littéralement pour en obtenir un. Grâce à mes excellents résultats et à mon travail acharné, j'ai fini par en obtenir un. Cette charge de travail supplémentaire affecte certes mon sommeil, mais ce que j'apprends n'a pas de prix. J'acquiers de l'expérience et je devance les autre étudiants. Ma besace sous le bras que j'ai encore eu un mal fou à trouver ce matin parmi les affaires de mon colocataire, je me dépêche en direction de l'amphithéâtre. La machine à café que j'aperçois au loin m'appelle comme le chant des sirènes. Si je me hâte un peu plus, je pourrai au moins avoir quelque chose dans l'estomac. Mon téléphone vibre. Ma monnaie dans une main et mon téléphone dans l'autre que je ne l'ai pas encore regardé, je jongle pour attraper le précieux breuvage qui vient de terminer de couler dans le gobelet en carton aux couleur de la faculté. Un fait qui bien que surprenant au début, est devenu banal. Ici, tout porte les couleurs de la faculté. Une manière sans doute de nous fédérer.

Mon portable vibre de nouveau, le caractère urgent ne fait plus aucun doute. Geste périlleux, je coince le gobelet entre mes dents tout en maintenant ma besace mon épaule, et consulte l'écran de mon téléphone. Cinq appels manqués du professeur de droit. Ça ne présage rien de bon... À l'écoute du message laissé sur ma boite vocale, un juron s'échappe de mes lèvres serrées.

C'est la quatrième fois cette semaine qu'il s'absente pour urgence et qu'il me laisse gérer seul son cours. Je connais bien ses « urgences ». Il s'agit principalement de jongler entre sa femme et les demandes de plus en plus insistantes de sa maîtresse, qui réclame des cadeaux ou des escapades romantique. Plus d'une fois, j'ai été témoin de conversations dont je me serais bien passé. Je commence à m'y habituer. Pourtant, cette fois-ci, ce n'est pas pareil. Il ne s'agit pas d'un petit groupe d'étudiants comme les fois précédentes, mais de tout un amphithéâtre. Certes, je maîtrise parfaitement mon sujet, mais là n'est pas la question. La pression est énorme.

Comme pour parachever cette matinée déjà bien pourrie, l'un de ces abrutis de sportifs arrogants qui se pavane dans la faculté comme s'il en était le maître me bouscule et, la boisson devenue maintenant vitale pour me donner la force d'affronter ce qui m'attend, tombe sur le sol, non sans manquer de m'éclabousser au passage. Me voilà donc tâché, en retard et en colère.

Mon portable rangé dans ma poche et le gobelet jeté dans la poubelle près de la machine à café, j'extirpe un mouchoir de mon sac et tente vainement de limiter les dégâts comme je le peux. Mon pull sans manches que j'ai choisi crème ce matin, ne coopère pas du tout, au contraire. Plus je frotte, plus la tâche qui semble me narguer s'agrandit. Tout comme les bouloches de papier qui s'avèrent prendre un malin plaisir à s'incruster dans les fibres de laine. Le quitter et ne porter que ma chemise à carreaux bleu et rouge ? Non, cela fait partie de la panoplie hideuse que je m'inflige tous les jours, et j'ai bien trop peur que le tissu soit maintenant transparent.

Je renonce à utiliser à nouveau la machine à café, à la fois par faute de temps et par manque de monnaie. Je n'aime pas m'encombrer les poches. De plus, étant donné ma malchance récurrente, je serais bien capable d'en renverser sur mon pantalon jusqu'ici épargné.

Les grandes enjambées, dont je suis coutumier, me conduisent rapidement à ma destination. Je prends une pause, respire profondément, compose mon visage en conséquence, puis pousse la lourde porte de l'amphithéâtre rempli d'étudiants.

Entrer, marcher jusqu'à l'estrade de bois, je suis en pilote automatique. Alors que jusqu'ici, je m'en sortais bien, ma besace que je pose avec bien plus de force que je ne le voulais sur le bureau de bois, fait un bruit sourd et a le mérite au moins de me sortir de ma torpeur. Tout comme les centaines d'étudiants qui me dévisagent dans un silence de plomb. Profitant de leur attention, j'écris mon nom à la craie le tableau noir.

— Je suis Monsieur Rozen Maxence, je vais assurer le remplacement du professeur Clark aujourd'hui. Il a dû s'absenter pour... Il a dû s'absenter.

Le crissement de la craie tranche dans le silence total, jusqu'à ce que ce dernier soit couvert par deux voix féminines qui font fi de toute retenue. Elles piaillent sans même tenir compte du lieu où nous sommes, à savoir un cours dont je suis en charge et pour lequel on compte sur moi. La craie reposée sur sa réglette, je me retourne pour observer qui n'a aucun sens des convenances. La fille. Cette fille que j'ai bien souvent vu parader comme une reine au milieu de ses sujets. Debout, ses cahiers serrés contre sa poitrine ferme que je devine bien plus que ne le devrais, elle converse avec une métisse. Cette dernière lui parle d'une... Je m'en cogne. Les deux sapent mon autorité alors que je n'ai même pas encore débuté mon introduction.

Cette blonde que j'ai remarquée depuis le jour de mon arrivé dans cette faculté. Depuis que le Doyen m'a fait visiter les lieux à vrai dire. Elle gesticulait dans son ridicule costume de pompom-girl, hurlant les slogans de l'équipe locale de basket. Je ne sais pas pourquoi mon regard s'est attardé sur elle en particulier, mais il l'a fait. Elle me rappelle quelqu'un dont je voudrais effacer le souvenir, mais, pourtant, cette longue queue de cheval volant au vent qu'elle arbore en permanence me rend dingue. Des images de moi lui tirant en arrière tandis qu'elle me chevauche m'ont souvent sortis en nage de mon sommeil.

Elle éclate d'un rire cristallin qui fait frémir quelque chose en moi, éveillant une partie de mon anatomie que je m'efforce de contenir depuis un moment déjà. Trop longtemps apparemment.

— N'hésitez pas à nous le dire si nous vous dérangeons...

Ma voix résonne bien plus fort que je ne le souhaite. Certains élèves en sursautent, mais pas elle. Toujours impeccable, tirée à quatre épingles, comme sortie d'un magazine de mode, elle ne me prête même pas attention.

— Devant vous mademoiselle. Mademoiselle comment d'ailleurs ?

Sans se départir de son air hautain, elle me dévisage avant de s'attarder sur mes vêtements, pinçant les lèvres avec dédain. Si je ne me retenais pas, je franchirais les quelques mètres qui nous séparent pour lui faire ravaler son geste.

— Oui, vous, la blonde. Asseyez-vous que nous puissions commencer le cours. À moins que vous préfériez le passer debout...

Provoquer l'hilarité de l'entièreté de l'amphithéâtre ne lui plaît pas du tout, à en juger par le regard assassin qu'elle me lance.

— Alaïa. Alaïa Cavendish. Et vous ?

Elle vient de prononcer son nom comme s'il devait avoir une importance capitale pour moi. Ce n'est pas le cas. Elle n'est qu'une étudiante parmi tant d'autres. Enfin, pas vraiment à mon grand désespoir. Son nom, je le connais que trop bien, nous suivons les mêmes cours.

— Comme je l'ai dit à vos camarades, et vous sauriez si vous n'étiez pas arrivée en retard, je suis Maxence Rozen. Et, pour les deux prochaines heures, je serai votre professeur pour le module de droit des affaires, fiscalité et marchés financier.

La tête haute, elle ne se laisse pas démonter.

— Pourquoi n'est-ce pas monsieur Clark qui nous dispense le cours ? Quelles sont vos qualification ?

Cette petite peste n'a peur de rien. Moi non plus...

— Oh, je suis largement qualifié, mademoiselle Cavendish et dans de nombreux domaines.

Je n'ai pu m'empêcher de laisser s'échapper la dernière partie de ma phrase. En voyant certains élèves bouche bée et les petits rires gênés, je réalise l'ambiguïté de mes paroles. Néanmoins, ma remarque a au moins le mérite de la faire s'asseoir.

Prenant une profonde inspiration, je reprends le contrôle de l'audience et enfin, je commence le cours.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 26, 2023 ⏰

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Hide and Love - University (SOUS CONTRAT D'EDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant