1/ Retrouvailles

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  Parfois, alors que j'étais assise, je me demandais comment, en si peu de temps, tout avait pu autant changer. 

 Dire qu'il y avait à peine quelques jours, quelques semaines, je vivais une paisible routine qui aurait dû durer encore quelques années, voire même une dizaine...?

  Mais non. Tout cela était révolu désormais. Tout cela s'était brisé

  Ce monde imparfait mais merveilleux à mes yeux s'était écroulé sous mes yeux impuissants

 Lui aussi s'était écroulé. 

     Nous n'aurions jamais dû y retourner. 

  Mais nous ne pouvions faire comme si tout cela n'existait pas. Nous ne pouvions pas oublier

 "Oui, certaines choses ne nous quittent jamais vraiment."

  Peut-être une part de nous voulait simplement être rassurée. Découvrir que nos yeux nous avaient simplement trompés. Mais la vérité était bien pire. Et fatale. 

     Nous avions donc de nouveau franchi cette porte. En quête de vérité, perdus au cœur de tout ces mensonges. Mais parfois, c'était la vérité qui faisait le plus mal. 

  Et tu auras de nouveau l'occasion de t'en rendre compte. 

    Ou peut-être n'était-ce pas la vérité, mais simplement le fait de ne la découvrir que trop tard. Inéluctable

 Alors même qu'on a déjà compris, une partie de nous ne veut le réaliser. 

   Et nous revoilà à tenter, à courir. 

 Au son des explosions, sous les neiges cendrées. 

  Essayer, lutter, trouver du réconfort, de l'aide

 Mais il n'avait pas pu me sauver. Tout comme je n'avais pas pu le sauver. 

  Ne pouvant se sauver, le piège s'était refermé. 

Il était mort, et moi seule demeurait

    Et face à ce corps agonisant, le monde tel que je le connaissais avait définitivement pris fin.

 Il fallait alors faire place à un nouveau, et en de nombreux points différents. 

 Mais en voulais-je seulement d'un autre ? 

 Voulais-je de nouveau tout recommencer, tout reconstruire, avec ces fissures de plus en plus étendues en moi ? 

 Voulais-je encore me démener pour vivre ? 

      Je n'avais plus rien à perdre. 

 Parce que je n'avais plus rien à retrouver. Plus personne

   Ce n'était plus William qui m'attendait en souriant dans ce fauteuil. 

  C'était lui

  Celui qui avait détruit la vie que j'avais, que nous avions tant peiné à élaborer. 

  Celui que je voulais fuir à tout prix, celui qui manipulait les dernières bribes de mon esprit, celui qui me gardait prisonnière

 C'était lui

 Il était là. 

    À sa place. 

 Il souriait.

        Il savait. 

 Il avait gagné. 

Démunie, j'avais dû le suivre lui

    Je n'avais pas le choix. Et c'était maintenant sous sa garde à lui que je devais vivre. 

  Enfin vivre... 

     Il n'y avait qu'une seule chose qui me faisait tenir. 

 L'idée de lui tenir tête. 

 Mais pas directement, non

Lui n'agissait pas dans la lumière, non, ç'aurait été trop facile. 

 Alors je calquais mes habitudes sur les siennes, je jouais dans l'ombre, 

risquant encore un peu la vie, 

me battant pour ceux qui ne l'avaient plus. 

Parfois, oui, je pensais à tout cela alors que j'étais assise. 

 Assise dans un bureau. 

 Un bureau que je ne connaissais malheureusement que trop bien. 

 Assise face à lui. Assise face à ce psy. Pas un vrai psychologue, bien entendu. Non, il n'était pas psychologue, il n'en avait que le nom. 

  Assise face à ce psychopathe. Ou sociopathe. Ou assassin, tout simplement. 

  Et à vrai dire, prendre la peine de faire attention à toutes ces distinctions, n'était pas dans la liste de mes priorités. 

 Non, j'étais bien trop occupée à réfléchir. À l'observer, comme il l'avait fait de moi pendant si longtemps. 

    Il me souriait. 

 Il attendait que je parle, que je me confie. Il attendait que je cède. 


   Et le dégoût qu'il m'inspirait était si total, si profond, si ancré en moi que je me demandais comment était-il possible qu'il n'en soit pas agressé physiquement. 

 Cependant je n'étais pas sa proie. 

  Non.      

    Il n'était pas la mienne non plus, pour rien au monde je ne l'aurais voulu. 

   Non.      

   Nous partagions simplement un même territoire. 

  Nous étions rivaux, adversaires sur le même plateau de jeu. 

 Et il ne m'aurait pas. 

   Je ne gagnerais peut-être pas la partie, mais il n'y aurait aucune chance qu'il ne s'en sorte autrement qu'en la perdant aussi. 

  J'étais prête à tout pour ça. Y compris à me perdre moi-même. 


 Pour tous ceux tombés face à lui, je me devais de faire semblant. De jouer la docile, de témoigner de cette illusoire sincérité emplie de faux-semblants. 

  Tout n'était qu'un jeu. 


 Et maintenant que j'en avais enfin appris les règles, il ne restait plus qu'à achever cette partie. 

 Avec comme seule issue la perte de l'autre. 

   Alors je souriais. Et je me mettais à parler. 

 Puisque c'était exactement ce qu'il voulait. 

Le Jeu T2 : AliveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant