flashback 6 | Leila

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Je n'étais plus qu'une coquille vide, assise dans la salle d'écoute de la gendarmerie de Los Angeles. Mes yeux étaient vides, baissés, mon coeur ne battait plus, mes jambes étaient croisées. Je ne ressentais plus rien. Les questions de l'inspecteur traversaient à peine mon cerveau, et je me contentais d'y répondre par de simples mouvements de la tête.
«Etaient-ils plusieurs ?» oui. «as-tu pris une douche ou un bain depuis ?» non. «as-tu saigné ?» oui, à cause des coups. «à quelle heure s'est déroulé la scène, approximativement ?» quatre heure et demie du matin.
Il y avait ce cri, à l'intérieur de mon crâne, qui m'enivrait, m'étourdissait. Je voulais qu'il sorte, mais il m'était incapable de bouger. Seules mes lèvres arrivaient à remuer, toutes seules et lentement.
Ce ne pouvait pas être moi, cette fille au visage bleu, à la lèvre fêlée, aux cheveux emmêlés et aux striures encore sanglantes sur les bras, le cou et les joues. Ce n'était pas moi. C'était une autre personne.
Les jours suivants mon viol, j'étais restée au lit, sursautant parfois à cause de ma propre ombre. Mes parents, désespérés, me regardaient comme si j'étais victime d'un cancer ou d'une affreuse maladie. Je les entendais parfois se disputer de ma chambre. Je ne parlais plus, ne sortais plus. Le simple fait de voir mon reflet dans le miroir me glaçait le sang.
L'échantillon de sperme trouvés sur les habits avait permis d'arrêter Nigel et Dash, un autre mec. Il n'y en avait que deux. Deux sur huit. Six courraient donc encore dans les rues.
Je me rappelais de Nigel, celui qui m'avait dit tant et tant de fois "je t'aime". Celui qui avait fait de ma vie un enfer.
Un soir, j'avais entendu mes parents s'engueuler, dans la cuisine. Je m'étais déplacée, lasse, jusqu'à ma salle de bain, avais brisé un miroir de poche, et avais attrapé l'un de morceaux. J'avais pressé le côté tranchant contre mon poignet, en pleurant. Le sang avait coulé lentement.
Je ne voulais plus vivre.

66% des victimes de viol connaissaient leur agresseur. 48% était un ami de la victime. Une américaine sur six a ou sera violée. 61% des viols n'étaient jamais déclarés à la police. 94% des violeurs étaient encore en liberté.
Je faisais partie des statistiques, maintenant.

[ARRETÉE] L a r m e s  | t.1 : « Le club »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant