[ARRETÉE] L a r m e s | t.1 : « Le club »

chapitre 7 | le club de soutien

PDV: Leila

Le club de soutien était situé dans une salle du lycée, servant notamment de salle de cours. Les tables avaient été déplacées, collées contre les murs. Les chaises formaient un cercle immense et bien dessiné.
C'était le soir de la première journée. La nuit n'était pas encore tombée, et les cours venaient d'être finis. Sur le seuil du lycée, il y avait encore quelques élèves, discutant et riant ensemble. Le ciel avait pris son habituelle teinte orangée.
À ma grande surprise, un nombre plutôt important de lycéens se tenaient là, dans cet espace feutré et étonnement réconfortant. Cela me faisait du bien de découvrir que je n'étais pas la seule à avoir vécu quelque chose de marquant. De traumatisant.
Une femme d'âge mûr nous toisait chacun notre tour, puis grifonnait quelque chose dans un calepin. Elle était assise parmi nous, les jambes croisées. Elle possédait des cheveux blonds presque jaunes, un teint outrageusement maquillé et une tenue sophistiquée. Crista Lane.
Après que son regard eût fait le tour du cercle, elle commença, et sa voix me fit me sentir toute flagada tellement elle était douce et envoûtante :
-Tout d'abord, nous allons faire un tour. Vous allez vois présenter, un par un.
Chacune de ses phrases était comme le couplet d'une berceuse pour bébé.
Les noms s'enchaînèrent timidement. Je reconnus une jeune fille noire, avec laquelle j'avais brièvement discuté (Heather). Elle avait une silhouette pour laquelle j'aurais pu me damner, un regard sombre hypnotique, un visage fin et délicat, et des cheveux longs et légèrement ondulés.
Un adolescent de mon âge déclara son nom d'un timbre de voix suave et traînant :
-Toby.
Il était beau comme un dieu. Une carrure d'athlète, un torse musclé, des dents parfaites, des lèvres fines et des cheveux emmêlés et blonds foncés. Bon sang, qu'est ce qu'un homme comme lui venait faire dans ce club de torturés ?
Ses yeux étaient d'un vert de Jade. Il croisa mon regard, et je détournai le mien en déglutissant bruyamment, ce que ma voisine, une seconde en fauteuil roulant, remarqua immédiatement.
Les confessions débutèrent. Chacun se confier, la tête basse, les doigts tremblants. Je me sentais mal devant tout le malheur que ces personnes avaient enduré. J'appris la tragique histoire de Heather, puis celle de Toby (il avait été victime de harcèlement). Puis vint mon tour.
La salle se mit à devenir lointaine, les bruits alentour s'etouffèrent. Je crispai mes mains moites sur mon pantalons, me mordai fort les lèvres.
-Je sais que cela peut être dur, me murmura Crista, ce qui m'énerva assez.
Je levai péniblement les yeux. Tous le regardaient. Ils n'étaient pas effrayés, non. Ils étaient compatissants. Toby me faisait même un triste sourire.
-J'ai été violée. Et battue.
Il n'y eut plus un seul murmure, un seul mouvement, infime soit-il.
-Par la personne en laquelle j'avais le plus confiance.
-Tu veux nous raconter ? fit Heather.
Ses yeux m'encouragaient à continuer, mais des images venaient à moi. Clarck qui m'insultait. Les mains chaudes et collantes des mecs qui me touchaient, me tataient. Les soupirs monstrueux et lourds. La drogue qui me faisait tourner la tête.
-Désolée mais... Baffouillai-je, perdue.
Je sentais un sanglot grimper dans ma gorge, jaillir du fond de les entrailles. Mon visage se déformait.
De longues secondes, peut être des minutes de silence s'écoulèrent. J'étais presque sure que mon voisin, un binoclard au visage carré, était à deux doigts d'exploser en larmes. Lui avait été victime d'un déménagement.
Je fermai les yeux, inspirai un bon coup. Ils m'attendaient tous, sans me presser par quelque façon pour autant.
Finalement, je lâchai, et ma voix déchira le silence pesant :
-Le truc, quand on se fait violer par une personne que l'on aime, c'est qu'on a pas le temps d'avoir peur.