Chapitre 4: Coup monté

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Des semaines sont passées et mon moral est toujours à zéro. Je passe mes journées enfermée dans ma chambre, à me défouler sur mon cahier qui me sert de journal intime ou plutôt de cahier à émotions. Oui, à 19ans j'ai encore un journal intime, mais retranscrire ma colère, ma tristesse et d'autres sentiments négatifs à travers des mots, ça me fait du bien. A chaque fois que j'en ressens le besoin, j'écris mes maux, puis déchire la feuille pour la brûler, manquant parfois de peu un incendie dans toute la baraque. Mon hypersensibilité est un fléau quotidien. Je pleure souvent, que ce soit par colère, fatigue ou tristesse. Mais règle d'or pour moi : cette faiblesse reste intime, car je déteste que l'on me voit pleurer. Admettre une faiblesse c'est un peu comme se coller une étiquette et se mettre un boulet au pied. Admettons que je parle à quelqu'un de mes faiblesses occasionnelles ou récurrentes, si il accroche le boulet juste à la faiblesse, tout va bien. Tant que je la manifeste pas il n'y pensera pas. Par contre, s'il attache cette faiblesse à l'image mental qu'il se fait de moi - donc me considère comme Maya la fille hypersensible - que je manifeste pas mon hypersensibilité ou que je la perd en cours de route, il se comportera vis-à-vis de moi comme si j'avais toujours ce boulet au pied. "Si tu voles une pomme sur le marché parce que tu as faim, tu restes un voleurs à vie dans la tête du commerçant !"
Être hypersensible, c'est montrer ses émotions à nu devant le monde entier, et les gens profitent de toi. Partir du principe que chaque personne que tu rencontres peut être malveillante te construit une coquille protectrice contre tout mal. Et la mienne, est bien solide.

Le concours a bouclé la fin d'année. Me voilà en vacances et, pendant que tous mes camarades savourent leur fin d'étude, moi je passe mes journées à dormir, fumer et me morfondre sur moi-même. Quand j'y pense, je suis pitoyable. Mais fait chier, quoi. La seule raison de pourquoi j'avais intégré cette prestigieuse école de mode, c'était pour gagner ce concours. Ma mère et Georg ont tenté plusieurs fois de me faire sortir de ma caverne, mais même manger devient un combat. Les répétitions de mon frère et son groupe ont continué, toujours deux fois par semaine, mais je suis tellement fatiguée de ne rien faire que je n'ai plus la force de les sermonner pour le bruit qu'ils font.

Un soir de répétition, ça toque à ma porte. J'ouvre la porte et vois Gustav qui me demande si je peux rentrer. Etant donné que j'ai vraiment honte de ma chambre qui est dans un désordre sans pareil, je lui propose de sortir pour que je crame une cigarette. Sortis dehors on s'assoit sur le banc le plus proche. Il devait être passé minuit et seule la lumière du lampadaire de la rue nous offrait un peu de visibilité. Je n'osais même pas regarder Gustav. A force de rester cloitrée chez moi, je manquais de vitamine D. Mon teint était pâle et mes yeux gonflés. Mais lui m'observait avec sympathie, il a toujours eu des yeux qui transmettent une douceur qui rassure.

- Maya, je sais que c'est dur pour toi, et qu'une chance énorme t'est passée sous le nez. Mais ne désespère pas. Des opportunités, t'en auras pleins d'autres. Je suis sûr que des grosses têtes ont remarqué ton travail...

- Aucun artiste ayant assisté au défilé ne m'a contacté, dis-je sèchement en lui coupant la parole, Mon travail était si médiocre que ça ?

Il me regarde d'un air surpris, avec des yeux remplis de peine pour moi. Pitié Gustav, garde ton empathie pour toi. Les personnes comme moi ne le mérite pas. Il détourne son regard en l'air pour observer le ciel étoilé en jouant avec ses doigts.

- Tu sais, les gars et moi, c'était ta robe qu'on a préféré. Même Georg a complimenté ton travail, pourtant tu sais comme il est.

Un silence de quelques secondes s'installe. Je l'écoute sans dire un mot.

- Franchement t'es grave talentueuse. Si tu arrêtais d'être pessimiste, tu irais loin. Moi, j'aimerais bien que tu me relookes...

Il avait prononcé sa dernière phrase en murmurant si bas que je n'étais pas sûre d'avoir bien entendu. Je me penche pour observer son expression et je remarque son air tout gêné et ses joues légèrement rosées, ce qui me fit sourire.

Threads of Destiny (Tom Kaulitz)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant