Chapitre 4

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J'ai vu Julien le soir-même. On est allés prendre un verre à la sortie du boulot. Je dois dire que je ne savais pas trop quoi lui raconter, du coup on a commencé par échanger des banalités. Il m'a dit qu'il avait enfin eu de tes nouvelles et qu'apparemment tu t'étais perdue. J'étais soulagée de savoir que tu allais bien. Pour tout te dire, je commençais à trouver inquiétant que tu ne répondes pas à mes messages. Il faudra que tu me racontes ce qu'il s'est passé.

Enfin bref, il a fini par me demander pourquoi je voulais si urgemment le voir et j'ai été prise d'une sorte de paralysie électrique, tu vois de quoi je parle ? Elle s'est presque immédiatement estompée et je lui ai tout raconté. Je lui ai parlé des travaux sur la route, je t'ai déjà dit que j'ai dû attendre deux minutes ? Et puis de l'orage qui se préparait, et du coup de foudre que s'est pris Eliott, et des longues minutes à attendre sous la pluie avec Eliott aussi réactif qu'un céleri trop cuit, et de l'angoisse pour les jeunes pousses.

Et puis j'ai pu lui parler de mes interrogations sur ce coup de foudre. C'était la première fois que ça m'arrivait, que quelqu'un soit foudroyé sur place en posant les yeux sur moi. Comme je t'ai dit, je ne savais pas si c'était un signe, s'il fallait que j'attende qu'il fasse le premier pas ou non. Et une autre question m'est venue : est-ce qu'Eliott allait se souvenir du coup de foudre ? J'avais peur que l'éclair lui fasse perdre la mémoire. Tu peux me passer le poivre, s'il-te-plaît ? Je trouve que j'ai mal assaisonné.

Ton copain a pris un temps de réflexion. Il a siroté sa bière artisanale pendant je ne sais trop combien de temps avec le regard dans le vide. Il est super énervant quand il fait ça, tu ne sais jamais s'il t'a écoutée ou pas. Ça ne t'énerve pas, toi ?

Et puis il a fini par sortir de sa torpeur comme on allume une lampe : d'un coup il m'a regardée dans les yeux. Il m'a dit que pour moi, il partait du principe que c'était un good guy. Je lui ai demandé des précisions et il m'a dit que me connaissant, il avait de sérieuses raisons de penser que le copain qui me correspondait était classable dans la catégorie good guy. Donc il m'a expliqué que cette catégorie, c'est celle des gars qui ne sont ni des tombeurs qui changent de conquête aussi vite que de paire de chaussettes. Et un good guy n'est pas non plus un gars que l'amour n'intéresse absolument pas. Donc il faut peut-être faire le premier pas mais pas forcément.

Ce qu'il m'a conseillé, c'est d'aller rendre visite à Eliott à l'hôpital et de tâter le terrain. Il a commencé à échafauder plein de plans, tu le connais. Le but, c'était que je puisse avoir un contact physique avec Eliott de la manière la plus naturelle possible. Comme ça, je pouvais voir s'il était sensible ou non à ma drague.

Le cerveau de Julien s'est mis à bouillonner et il m'a sorti des plans à la mitraillette. Je ne me souviens plus de tout, mais il a dû parler de renverser une tarte à la crème sur Eliott, pour pouvoir le nettoyer. Ou bien la même chose mais avec un bouquet de fleurs. Ou bien de me prendre les pieds dans le sol et de lui tomber dessus. Ou bien de m'emmêler dans les fils de ses perfusions, à condition qu'il ait des perfusions. Ou bien de lui apporter une boîte de chocolat avec un mot à l'intérieur ; ça devait être des vers de rap. Il a dû encore en sortir une dizaine comme ça.

J'ai jeté mon dévolu sur le bouquet, parce que c'est simple et que ça a un lien avec la pépinière. Donc normalement, ça devait faire plaisir à Eliott.

Donc voilà, c'est ce qu'on s'est dit avec ton copain ce soir-là, après on est rentrés chez nous. Et là, je te jure, sur la route il y avait une andouille qui n'a pas mis ses feux de croisement, donc j'ai été éblouie et j'ai failli shooter le chevreuil qui a eu la merveilleuse idée de bondir devant ma voiture à ce moment-là. Un danger public ce conducteur.

Les pépins du coup de foudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant