Chapitre 2 : luxure et opulence

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-On entre par l'arrière.

Bien sûr, on rentrait par l'arrière. Le tapis rouge et l'entrée accueillante étaient réservés à ceux qui étaient susceptibles de dépenser des sommes monstrueuses ce soir-là.

L'arrière du manoir avait l'air beaucoup moins prestigieux que vu de l'extérieur, ce qui n'étonnait pas tant que ça : aucun des riches invités de ce soir ne s'aventurerait loin du luxe de la réception. Nous sommes entrés par un petit portail qui menait directement à l'intérieur de la cuisine. Ma mère s'arrêtait à chaque mètre de comptoir pour saluer ceux qui y travaillaient, tandis que mon père inspectait une dernière fois les apéritifs, les cocktails et la carte.

"Tu peux y aller, chérie, on te rejoint dans quelques minutes !" dit mon père, s'adressant à moi sans même détacher son regard du menu.

C'est alors que je me suis avancée vers la porte de sortie de la cuisine. En l'ouvrant, celle-ci dévoilait un décor opulent digne des plus grands palais. À l'intérieur, tout n'était qu'ostentation. Le hall d'entrée était si grandiose qu'il en devenait grotesque. Les plafonds peints avec des fresques pompeuses semblaient menacer de s'effondrer à tout moment. Les tapis épais et luxueux étouffaient le son des pas, mais cela ne faisait que souligner le silence gênant qui régnait dans les lieux. Le salon, avec ses meubles précieux et son éclairage excessif, était d'une banalité affligeante. Les canapés en velours semblaient trop inconfortables pour s'y asseoir, et les tables basses regorgeaient de petites bouchées prétentieuses.

Cette soirée dans le manoir, bien qu'impressionnante en apparence, ne parvenait pas à susciter la moindre émotion en moi. Elle semblait être le fruit d'une vanité démesurée, et bien que caritative, elle était dépourvue de véritable passion ou d'intérêt réel.

Je continuais à faire le tour des lieux quand je croisai enfin le chemin de ma mère qui semblait faire une surdose d'endorphines.

"Oh Aislinn ! Viens avec moi, je vais te présenter quelqu'un !" me cria-t-elle presque.

Nous nous dirigions vers ce "quelqu'un" quand un couple d'un certain âge nous arrêta dans notre élan.

"Madame O'Sullivan !" dit le monsieur tandis que la dame à ses bras esquissait un sourire beaucoup trop faux .

"Monsieur Saintclaire !!" lui répondit ma mère, qui avait l'air presque ahurie de le voir.

"La soirée est un réel succès, je vous félicite," dit la femme, toujours avec le même sourire feint.

C'était donc les Saintclaire ; ils avaient l'air d'être exactement comme je les imaginais, deux vieux bourges qui ne trouvaient rien d'autre de plus concret à faire de leur retraite. C'est assez contradictoire, Si leurs but ultime était d'aider les plus démunis,  pourquoi organiser une soirée qui leurs coûterait assez cher pour pouvoir nourrir tout un orphelinat pendant plus d'un an ? Ce n'était pas cohérent .

Un autre couple se joignit à la danse, cette fois-ci la femme au bras du badaud ne souriait pas, elle avançait bras dessus, bras dessous avec ce qui semblait être son compagnon, avec un regard déterminé qui me donnait presque des frissons. Elle portait une robe rouge sang et un rouge à lèvres de la même couleur qui lui donnait des allures de femme fatale.

"Suzanne", dit-elle en s'adressant à Madame Saintclaire. "Tu es ravissante", continua-t-elle, cette fois en montrant un petit sourire en coin.

"Oh, bonsoir Louise ! C'est un plaisir de te revoir", lui répondit Suzanne. "Tiens, je te présente Emma O'Sullivan, la tête et les mains de cette soirée, et... euh ?" dit-elle en se retournant vers moi avec un air interrogateur.

"Aislinn", répondis-je à sa question implicite.

"Ahh ! Et sa fille Aislinn O'Sullivan", dit-elle en se retournant vers la femme.

"Enchantée, je me présente, Louise Blackwood, enchantée de vous rencontrer, madame Sullivan", répliqua-t-elle.

"En fait, c'est O'Sullivan", dis-je dans un murmure presque inaudible.

"Pardon ?" me questionna Louise Blackwood.

"C'est madame O'Sullivan, non Sullivan, O'Sullivan", lui répondis-je en la regardant dansle blanc des yeux.

Après un court moment de silence, Louise dévoila un grand sourire avant de reprendre.

"Vraiment ? Je m'excuse, c'est toujours un plaisir de vous rencontrer, Madame O'Sullivan", dit-elle en s'adressant à ma mère. Puis elle se retourna vers moi, marqua une virgule en me regardant droit dans les yeux, et vous aussi, mademoiselle.

Elle s'éloigna de nous et se dirigea vers le buffet.

"Bon, bah voilà qui est fait !", dit Suzanne. "Venez avec moi, Emma, je vais vous présenter aux autres invités."

Ma mère la suivit en me fusillant du regard tandis que je décidais de rester à ma place.

De plus en plus insatisfaite de l'atmosphère superficielle qui régnait dans le manoir, je décidai de trouver un coin loin de toute cette luxure. J'attrapai un verre de vin sur le buffet avant de me diriger d'un pas décidé vers une imposante porte en bois massif. Avec une légère poussée, elle s'ouvrit lentement, révélant un souffle d'air frais. Une terrasse spacieuse se dévoila devant moi, offrant un refuge bienvenu dans cette nuit étouffante.

Le silence régnait sur cette terrasse paisible, brisé uniquement par le murmure léger du vent dans les feuilles. Je pris place sur une chaise en rotin, cherchant un moment de répit loin de la superficialité et de l'excès.

Je m'autorisai à respirer profondément, le verre de vin toujours dans ma main droite, avant de laisser ma tête tomber en arrière.

Quelques minutes s'écoulèrent et je me sentais si bien. Je ne savais pas si c'était l'effet du vin, la légère brise d'été ou simplement le calme qui régnait sur la terrasse, mais je ne pensais ni à l'hypocrisie de la soirée qui se déroulait quelques mètres derrière moi, ni à l'embrouille qui m'attendait avec ma mère une fois rentrée à la maison.

Rien ne pouvait interrompre la tranquillité autour de moi, excepté les pas qui se rapprochaient lentement de l'endroit où je me trouvais. Je levai la tête et ouvris les yeux lorsque je vis un homme s'asseoir deux chaises plus loin. Je le fixai un moment avant de le voir sortir une cigarette de l'intérieur de l'intérieurde sa veste , non, c'était un joint. Il l'alluma avant d'en tirer une bouffée.

"Vous êtes seule ?" me demanda-t-il.

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HEY!

J'espère que les deux premiers chapitres vous auront plu ;)

Je n'ai jamais publié aucunes de mes propres histoires donc, soyez indulgent, mais n'hésitez surtout pas à me faire part de ce qui vous plaît ou pas !!! Sur ce, bonne lecture !!

Minuit (PREMIER JET)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant