La lueur du soleil commençait déjà à décliner.
Le ciel se teintait progressivement de couleur orange et rose. C'était splendide.
Après avoir quitté l'appartement et l'ambiance pesante qui y régnait, j'avais marché pour m'en éloigner et j'avais atterri au milieu de ce parc pour enfants.
Ici, seuls les rires imbibaient l'atmosphère et c'était avec plaisir que je m'étais assise sur ce banc solitaire pour observer et réfléchir.
Clairement, j'étais dans le pétrin et à partir de ce soir minuit, il ne me resterait plus que 29 jours pour trouver cette âme maudite. Le compte à rebours était lancé.
Je ne connaissais rien de ce monde et je savais d'ores et déjà que la tâche paraissait impossible.
Tel un étau, je coinçais ma tête entre mes mains en me maudissant intérieurement.
Pourquoi avais-je succombé à la tentation d'une liberté illusoire ? Après tout, ma vie de forgeronne n'était pas si terrible que ça.
J'avais une chambre qui m'était propre. J'étais nourrie, logée et blanchie, je possédais une vie sans surprises, une vie rangée... une vie morne, ennuyeuse, dénuée d'intérêt.
Voilà pourquoi j'avais cédé. J'en avais parfaitement conscience.
Une sphère molle noir et blanc roula jusqu'à moi, me coupant dans ma réflexion. De minuscules mains attrapèrent le jouet et deux yeux chocolat se posèrent sur moi.
Sans un mot, le petit garçon me dévisageait.
— Qu'est-ce que tu as aux bras ? demanda-t-il innocemment.
Ma gorge se serra face à sa question anodine.
Bien entendu, ici ce n'était pas habituel de posséder autant de cicatrices.
J'étais comme ça non pas par choix, mais parce que Dieu sait qui dans cet univers avait décidé de me coller un destin que je n'avais pas choisi.
Sa mère, horrifiée par la remarque déplacée de son fils, s'approcha et le réprimanda. Dans un fouillis d'excuses, elle s'éloigna en tenant son petit dans les bras.
— Qu'est-ce que ça fait d'avoir une mère pour nous sermonner ? pensais-je.
Je n'avais jamais connu mes parents. Mon plus jeune souvenir provenait de cette maudite forge.
Mais comme tout être vivant, je devais avoir des parents biologiques. Peut-être pourrais-je découvrir qui étaient-ils ?
Si je parvenais à réussir ce défi, peut-être les trouverais-je sur Terre ? Après tout, j'étais bien la fille de quelqu'un.
Cet aspect gonfla ma poitrine d'une nouvelle détermination.
Je ne pouvais pas abandonner sans même avoir essayé.
Les lueurs nocturnes se dévoilaient tandis que les dernières familles quittaient les lieux.
Par mimétisme, je faisais de même, mais je profitais de cet instant pour étudier les jeunes familles avec de petits bébés. Peut-être que l'âme était parmi nous.
Je tentais d'apercevoir le reflet rouge sang de la sphère à travers les corps de chair sans succès. Ici, mes capacités de forgeronne ne semblaient pas fonctionner sur des corps vivants.
J'étouffais un râle et traquais chaque indice qui pouvait me mettre sur la piste. Un bébé qui pleurait, un hurlement de douleur, peu importait, mais rien. Seuls les sourires illuminaient les visages juvéniles.
Machinalement, je rebroussais chemin à la recherche d'une autre famille lorsque mon bras se mit à démanger.
La sensation était gênante, mais pas désagréable, alors je grattais la surface de mon épiderme pour la chasser. Aussitôt, cette démangeaison se transforma en picotement.
Peut-être faisais-je une réaction allergique au monde humain ?
Mais ce picotement laissa rapidement place à une sensation qui m'était familière, une sensation qui avait marqué 80 % de ma peau, une sensation de brûlure.
À la hâte, j'observais l'endroit qui chauffait de plus en plus sans comprendre ce qu'il se passait.
D'ordinaire, je supportais assez facilement ce genre de douleur. L'habitude certainement, mais là, le feu qui émanait de ma peau semblait se rapprocher d'une braise ardente qu'on avait coincée directement sous mon épiderme.
Prise de panique, je cherchais une source d'eau ou de n'importe quoi qui pourrait apaiser le feu.
Je repérais une fontaine au centre du parc qui déversait des trombes d'eau en continu. Je courus pour y plonger mon bras douloureux.
Le froid du liquide me soulagea instantanément et même si je ressentais les regards curieux des dernières personnes présentes, je restais dans cette position jusqu'à ne plus rien sentir.
Lorsque ce fut plus tenable, j'observais l'endroit qui me faisait souffrir.
Tel un artiste dessinant avec un fusain de lave, une marque ardente apparaissait sur ma peau déformée. La sensation me faisait grimacer. Mais que m'arrivait-il bon sang ?
Un serpent, moitié chair, moitié os apparut sur tout l'avant de mon bras. Ce corps étrange enroulait un marteau au manche gravé. Mon marteau.
— Un sceau sera placé sur toi. Il nous permettra de savoir où tu te trouves et si tu es en danger, avait annoncé le dieu de la vie.
Il s'agissait du fameux sceau évoqué par Eden et Léo. Le sceau de notre pari.
Je devinais que le marteau me représentait, tandis que la chair représentait Eden et le squelette, Léo, mais pourquoi un serpent ?
Cette question restait en suspens tandis que les derniers traits se traçaient.
La chaleur ardente de cette étrange magie commençait à faire bouillir l'eau de la fontaine.
Pas étonnant que ça me faisait souffrir...
Des volutes de vapeur envahissaient les alentours et certains passants commencèrent à être intrigués.
Heureusement, le calvaire touchait à sa fin et je pus retirer le bras de cette eau bouillante.
Précautionneusement, j'épongeais ma chair à vif à l'aide de mon t-shirt, mais cette tentative me faisait lâcher des jurons.
Mon souffle saccadé par la douleur pulsante avait du mal à retrouver son calme habituel. Épuisée, j'abandonnais pour ce soir mes investigations et je décidais de rejoindre le lit qui m'attendait chez ces frères démoniaques.
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La forgeuse d'âmes
FantasiaAélys est forgeronne de naissance. Elle possède ce don unique qui lui permet de forger l'âme des hommes. Sa vie rythmée dans le seul but de nourrir les dieux grâce à son dur labeur va être bouleversée suite à un malencontreux accident. Propulsée d...