Chapitre 2: le soutien

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Maintenant que c'est fait, il ne reste plus que le travail et la famille au sens plus élargi.

L'équipe du collège de Dahlia a réagi rapidement et très humainement. Les collègues qui prenaient des médicaments les ont décalés à l'heure du sien et ils le prenaient tous ensemble en salle des profs, et ceux qui n'avaient rien à avaler prenaient un café ou un verre d'eau et participaient. (Incroyable, cette réaction, on dirait un délire de collègues aux US, raconté sur YouTube par un parfait inconnu, qui en ferait des caisses.)

Les élèves ont demandé à la prof d'arts plastiques de les aider à fabriquer des bonnets pour cacher les conséquences de la chimiothérapie, customiser des masques, broder des messages de soutien sur du tissu etc... (enfin un cours d'arts plastiques utile...).

La direction a immédiatement cherché un professeur remplaçant et a organisé un pot de départ sans alcool (car alcool+médicaments = pas bien du tout). Ils m'ont invité, c'était une attention élégante mais l'ambiance demeurait pesante. L'équipe est adorable mais les circonstances trop particulières.

Tous, des élèves aux professeurs, ainsi que les pions et les CPE, ont insisté : c'est un au revoir, certainement pas un adieu. C'est beau, leur réaction est un peu celle de Bill, si elle donne sa parole, alors tout ira au mieux.

Elle avait auparavant appelé sa mère, seule. C'était horrible, je l'attendais de l'autre côté de la porte. Mon cœur s'est broyé. Sa mère vit loin, c'est pour cette raison que la conversation a eu lieu ainsi.

Elle a appelé beaucoup de gens de sa famille pour l'annoncer elle-même. Parmis eux, je vais en citer quelques-uns, plus marquants dans leurs réactions:
- sa tante Danièle, qui croit en un tas de trucs insolites, qui n'en avait rien à faire et qui lui as parlé de ses géraniums. Dani', petit message pour toi :
Là, elle t'a annoncé qu'elle avait une maladie grave ! Fais au moins semblant d'être triste !

- son cousin Yoahn, qui a fondu en larmes et qui a carrément vidé un paquet de mouchoirs. (Ce mec est une fontaine ! Non seulement il passe sa vie à chialer, mais en plus il a une transpiration abondante, façon de dire qu'il sue sa race)

- Sa belle-sœur Denise qui a fait une blague, puis deux, puis trois, a lâché un rire gêné, comme toute personne qui tente l'humour noir et qui voit que ça ne prend pas, puis elle s'est confondue en excuses.

- une amie de sa mère, qu'elle n'avait pas prévenue mais qui a tenu à lui téléphoner, et l'a réprimandée d'avoir « manqué de vigilance » (je cite). Évidemment madame, elle aurait dû se méfier de la fourmi rouge qu'elle a écrasé un été il y a 23 ans, c'était en réalité une puce informatique ! De toute évidence !

Et enfin,
- sa grand-mère qui s'est mise à parler de son chien, puis de toutes ses copines décédées, en particulier celles qu'elle ne pleure pas. « Mon Croquette, il était doux, mais avec son cancer, il perdait la boule...
La boule, la balle... [...] il la cachait dans le placard du milieu, dans la cuisine »
« Judith, elle a beaucoup souffert avant sa mort et dans sa vie, mais elle était devenue méchante comme une vache, et elle jurait comme un charretier, c'était insupportable. Heureusement qu'elle est allée casser les pieds aux gens là-haut, parce que nous on en avait ras le cul !» merci pour ce témoignage plein d'humanité.

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