CHAPITRE 1

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Newt était réveillé bien avant que son téléphone ne sonne, réglé sur une alarme qu'il serait un jour utile de respecter pour s'épargner ces cernes noirs.

Il descendit, vêtu d'un short trop grand et d'un tee-shirt Snoopy visible sous son sweat noir entrouvert. C'est son grand-père qui l'accueillit avec un sourire. Il ne vivait plus qu'avec ses grands-parents depuis que son père avait tenté de se suicider sous les yeux effarés d'un petit Newt au cheveux blond platine. Quelques cachets pris d'un air laconique par son paternel, avaient expédié le jeune garçon chez ses aïeux, sa mère ayant regagné son Ukraine natale quelques mois auparavant, à la suite d'un épisode probablement ravageur pour le couple.

Curieusement, Newt n'avait jamais essayé de faire la part des choses, de retrouver ses parents ou de les accuser. Cela ne lui apportait absolument aucun plaisir, aucune satisfaction, aucun soulagement. Il adorait ses grands-parents bien avant la tentative de suicide de son père et aurait préféré, si il avait eu le choix, vivre avec eux sans que le juge n'ait à s'en mêler.

Pour Newt, le petit couple ridé était l'allégorie-même de l'amour : complémentaires, complices, chamailleurs, bienveillants et sincères. Des gens du sud, qui avaient encore un fort accent qu'ils revendiquaient. À la pointe de la technologie, curieux et cultivés. Mais surtout extrêmement tolérants.

Newt les aimait beaucoup. Les personnes qu'il aimait sans doute le plus.

Il leva la tête vers son grand-père, qui avait préparé un petit-déjeuner copieux. Newt souffla : « Je prends jamais rien le matin, tu le sais.

- Mais pour ta rentrée ? » supplia le petit homme tassé.

Newt ne résista pas à cette fausse détresse attendrissante. Il s'assit. Il ne mangea rien mais rassura son grand-père et sa grand-mère, qui venait d'entrer. Il les regarda avaler le café, les biscottes, l'eau. Il avait envie de vomir. Il détestait le petit-déjeuner : l'odeur du lait, la vision du pain trempé dans les brevages divers, l'agression des goûts trop riches et variés...

Il partit aussi rapidement que possible, après s'être vêtu d'un pantalon noir, d'un pull noir hélas devenu trop petit (mais cela lui importait si peu), et de ses sempiternelles Nike bleu marine.

Il embrassa ses deux héros sur le perron et se dirigea vers le lycée.

◆◇▪◇◆

Thomas se leva, réveillé par une version métallique de la voix de son frère. « Un vrai con celui-là », pensa Thomas.

Son frère avait quitté la maison familiale l'an dernier pour s'installer tout seul. Mais il avait tenu à enregistrer sur le portable de Thomas un des cris d'alerte dont il avait le secret, et qu'il réservait aux réveils difficiles de sa marmotte de frère. Puis il l'avait choisi comme sonnerie de réveil, et Thomas ne savait pas comment la changer. Et il ne le voulait même pas.

Il alla se doucher. Bonne température. Puis il s'habilla. Il pensait à Teresa. Il pensait toujours à Teresa dès qu'il se préparait. Il était amoureux de Teresa. Enfin non, il ne savait pas vraiment, mais c'était en tout cas la personne pour laquelle il éprouvait quelque chose qui ressemblait le plus à de l'amour.

« En fait non », réalisa Thomas. Il ne l'aimait pas. La seule chose qui aurait changé avec Teresa, c'est que si elle avait demandé à sortir avec lui, il aurait dit oui. Sans le moindre test.

« C'est ma meilleure amie », sourit Thomas. Et c'était réellement cela. Il ne voudrait pas lui faire de peine. Il voudrait la rendre heureuse. C'est tout.

Thomas fut très triste de ne plus penser à Teresa en enfilant une chemise à manches courtes blanche, et une veste mauve. Il aurait aimé être amoureux, un jour. Il ne l'avait jamais été, et il désespérait de l'être un jour. Si il n'était même pas intéressé par Teresa, il ne voyait pas qui lui ferait changer d'avis. Car Teresa était l'archétype de la copine de rêve : drôle, dynamique, intelligente, dégourdie, belle et taquine. Et pas niaise.

Blé et chocolatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant