Un cœur qui balance

Chapitre 1 : Au fond du gouffre

Le ciel était chargé de nuages blancs, annonciateurs de neige. Il faisait froid mais Ichigo s'en fichait ; elle courait, comme à son habitude elle était en retard mais elle savait aussi que Masaya Aoyama ne lui en tiendrait pas rigueur, il l'aimait trop pour ça. Il l'aimait ! La jeune fille n'arrivait toujours pas à y croire, et dire qu'il lui avait enfin révélé ses sentiments. Elle courait à toute jambe, ayant hâte de voir celui qui faisait battre son cœur, de revoir son sourire et de pouvoir se blottir dans ses bras. Elle courait si vite qu'elle avait parfois l'impression de flotter, elle l'aimait si fort qu'elle avait le cœur qui battait à tout rompre.

Enfin elle aperçue la gare au bout de la rue. Son regard se posa immédiatement sur la silhouette qui attendait sous la grosse horloge : Aoyama était là ! Elle était essoufflée mais accéléra de plus belle. Enfin elle ralenti l'allure pour finir sa course dans les bras de son petit ami, enfouissant sa tête dans son épaule, s'enivrant de son parfum. Mais ce dernier ne semblait pas réagir, il n'avait pas bougé un sourcil, ni dit un mot, ni même refermé ses bars sur elle pour la protéger du froid mordant. La jeune fille ouvrit les yeux, puis doucement leva la tête vers lui. Son expression était neutre, il regardait droit devant lui, comme si Ichigo n'était toujours pas là. Mais une chose lui serra le cœur plus que tout : le sourire radieux qu'il affichait d'ordinaire lorsqu'elle était là manquait à l'appel. Quelque chose n'allait pas, elle le savait, elle l'avait sentie dès qu'elle avait pu discerner les traits de son visage pendant sa course folle ; elle aurait aimé lui parler, lui demander ce qui n'allait pas mais ses entrailles étaient nouées, à la vérité elle se sentait incapable de prononcer un mot.

-Aoyama... articula-t-elle au bout d'un moment.

Celui-ci la regarda enfin, mais il n'y avait aucune chaleur, aucune tendresse dans ses yeux, si bien qu'elle eut du mal à déglutir.

-Aoyama, qu'y a-t-il ?

Il ferma les yeux et détourna la tête, regardant au loin.

-Je pars Ichigo, lâcha-t-il.

Le monde s'effondra. Elle avait l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds pour l'entraîner dans un trou sans fond. Qu'avait-il dit ?

-Tu... tu pars ?

Il acquiesça doucement, toujours sans la regarder.

-Mais... pourquoi ? Où vas-tu ?

Elle le fixait de ses yeux, agrandis par l'incompréhension et où perlaient déjà quelques larmes.

-Aoyama, répond-moi !

Elle avait presque crié, presque supplié. De nouveau il posa son regard sur elle, de nouveau ses yeux n'exprimaient rien. Il soupira.

-On m'a... on m'a proposé une bourse d'entrée dans une grande école, au nord du Japon, où l'on pratique le Kendo. Jamais mes parents ne pourront me payer une telle école, je dois saisir ma chance.

Ichigo avait la tête baissée.

-Je pars demain et ne pense pas revenir souvent ici.

Les larmes roulaient malgré elle sur ses joues pâles. Aoyama lui pris le menton entre le pouce et l'index, relevant sa tête pour qu'elle le regarde dans les yeux.

-Tu comprends ? finit-il par demander.

La jeune fille ne pu qu'hocher la tête tandis qu'il lui déposait un baiser sur le front.

-Je suis désolé, Ichigo, murmura-t-il.

Elle voulait hurler, elle voulait se réveiller de ce mauvais rêve, mais tout ce qu'elle sentait c'est que son cœur lui faisait mal, horriblement mal. N'y tenant plus elle échappa à cette dernière étreinte pour fuir, fuir une vérité qu'elle ne voulait pas accepter. Elle s'entendit crier un adieu avant que sa vision ne soit brouillée par les larmes.

La neige s'était mise à tombé et Ichigo avait arrêté de courir. Elle errait sans vraiment trop savoir où elle allait, tout ce qu'elle savait c'est qu'Aoyama venait de la quitter, certes il avait une excuse valable, mais elle ne supportait pas la douleur que ça lui infligeait, elle ne supportait pas que son bonheur eut été d'aussi courte durée.

Finalement elle s'arrêta sous un réverbère et leva la tête. Où était-elle arrivée ? Elle s'était perdue, bêtement perdue, et pour quoi ? Elle se laissa glisser le long d'une clôture de jardin puis enroula ses bras autour de ses genoux. Elle avait froid, elle se sentait vide et terriblement fatiguée. L'idée de s'endormir là, plonger dans un sommeil sans retour lui traversa l'esprit l'espace d'un instant mais elle secoua la tête pour chasser cette pensée morbide. « A quoi penses-tu, Ichigo ? » Un rire nerveux la secoua, et dire qu'elle s'était imaginé passer sa vie aux cotés de Masaya, qu'elle était idiote d'avoir pu penser ça, une telle chose n'arrivait que dans les contes, la vérité était toute autre.

La neige tombait à gros flocon, déjà elle ne voyait plus le bout de ses chaussures dépasser de l'épais manteau et ses vêtements humides pesaient sur elle. « Je ne devrais pas rester ici. » La jeune fille voulu se lever mais ses membres engourdis par les froids ne répondaient plus ; à bout de force, elle tomba dans un sommeil de plomb dont même la sonnerie stridente de son téléphone ne parvint à la sortir. Une dernière larme coula sur son visage alors que sa dernière pensée fut pour Masaya.