Tuer ou être tué

Chapitre 2

Musique du film Requiem For A Dream par Clint Mansell

PDV Aryann

Le lendemain, alors que j'étais à la boulangerie pour ramener des provisions à mon père, une dispute naquit au sein du village. Deux hommes se battaient pour donner raison à leurs propos. Le premier, un adulte d'une cinquantaine d'années, défendait la cause de Lirien, le citoyen mort hier soir après avoir tenté de provoquer la mort de notre chef Elnab. Le deuxième avait mon âge : environ dix-huit ans. Les deux individus luttèrent et s'échangèrent de violents coups. Nous les regardions, nous tous, les villageois sans défense qui avaient peur d'une chose : la mort. Personne ne réagissait, tout le monde était habitué à ses conflits qui se reproduisaient souvent au quotidien. Je ne pus supporter la vue du sang s'échappant de la bouche du plus jeune à la suite d'un pied lancé par le vieil homme et j'essayai de les arrêter. Je réussis, avec difficulté à les séparer. Le vieux partit dans un grognement se mêlant à l'agitation de la foule. Le jeune, en colère, se retourna et je découvris de magnifiques yeux gris qui s'accordaient parfaitement avec ses cheveux sombres. Il me dévisagea et s'enfuit après avoir beuglé quelques mots incompréhensibles.

Le soir arriva vite et comme tous les jours, je me plaçais à la gauche de Pyrha, une de mes seules connaissances encore en vie. Peu de jeunes personnes avaient survécu : en effet, au début du massacre, les débats débouchaient la plupart du temps sur leur mort. Ne sachant pour qui voter, les habitants désignaient un individu qu'il considérait "peu utile" car d'après eux, leur cerveau étant "moins développé", ils ne défendraient pas les "bonnes causes". A la droite de Pyrha se tenait Heckarym. Je ne supportais pas ses yeux verts : ils me dérangeaient. Ils étaient beaucoup trop beaux par rapport à mes iris marron, très simples. J'avais seulement un point commun avec lui : malgré la différence de longueur, j'avais des cheveux bruns en désordre comme les siens.

Le débat fut entamé par une intervention qu'Elnab répétait à chaque ouverture des assemblées : "Bonsoir et bienvenue. Je vous prie de bien vouloir participer dans le calme ce soir. Je vous souhaite bonne chance.". J'avais peur. J'avais tout le temps peur. La mort était la seule chose que vous pouviez craindre. Le reste n'avait pas d'importance. Je sentais les doigts de Pyrha me serrer la main pour m'apporter du réconfort. Elle savait à quel point j'étais terrorisée le soir. J'étais effrayée de ne pas me lever de cette chaise sans l'aide de gardes. Effrayée de ne pas me réveiller à l'aube. Alors que j'étais perdue dans mes pensées, que je n'écoutais plus les autres parler comme si leur vie en dépendait, je percevais des yeux me scruter. L'incroyable regard sombre de l'inconnue que j'avais sauvé des mains du vieil homme quelques heures auparavant me dévisageait. Je ne pus m'empêcher de répondre à son défi en le fixant à mon tour. Quand nous dûmes passer au vote, je désignais la personne que tout le monde pensait être un loup-garou. Nous ne tuions pas Poscann, Ivakof et les autres s'étant rebellés contre le gouvernement actuel, ils avaient compris qu'ils ne devaient pas recommencer à l'avenir. Je ne connaissais même pas le nom de l'habitant que j'indiquais. Le mystérieux jeune homme avait pour but de faire exécuter l'adulte avec qui il s'était battu plutôt.

Il me regardait toujours quand on sortit du conseil. Il vint vers moi et je l'attendais, comme si cela paraissait évident qu'il voulait me parler.

- A l'avenir tu t'occuperas de tes affaires, me siffla-t-il avec arrogance.

Je le détestais déjà.

- Excuse moi de t'avoir aidé !

- Je peux très bien me débrouiller tout seul face à un homme possédant plus du double de mon âge !

Je n'en doutais pas. Il était très grand et bien bâti, du moins assez pour combattre un vieux de cinquante ans.

-Hmm... soufflais-je sans vouloir lâcher prise. C'est pour ça que tu étais en train d'agoniser sur le sol quand il t'a envoyé son pied dans le ventre ?