I Pano Volta / Ascension - Saint Seiya

Chapitre 10 - Premières victoires

Aiolos suivit son frère un peu à l'écart des regards. Il sentait que l'entrevue qui se profilait serait déterminante et il ne souhaitait pas être dérangé dans cette mise au point absolument nécessaire. Mais lorsque Aiolia se retourna, poings et mâchoires serrés, regard vert agressif, il ne put retenir un tressaillement de peine en constatant la colère évidente de son frère. La rancune du chevalier du Lion ne cédait pas, ne diminuait pas. Avec un soupir attristé, Aiolos dut reconnaître qu'il avait profondément blessé son cadet, bien plus qu'il ne l'avait envisagé... Après tout, il ne savait pas exactement ce qu'avait vécu son frère sous la coupe de l'Autre toutes ces années. Il en avait entendu parler bien sûr, mais n'en avait jamais discuté avec Aiolia pour savoir comment celui-ci avait vécu toutes ces années comme frère d'un traître... Cela avait dû être très difficile...

Il contempla son cadet marcher d'un pas rageur de long en large en lui lançant de brefs coups d'œil en biais, sans toutefois prendre la parole. Et lorsque Aiolia lui adressa enfin la parole, ce ne furent pas les mots attendus :

« Pour les tours de garde, j'apprécierais que tu me communiques directement l'info. Tu les as modifiés sans m'en prévenir. Merci de me faire passer pour un con devant les gars ! »

Son frère s'était arrêté brusquement et lui faisait face, bras sur les hanches, penché en avant comme s'il s'apprêtait à l'affronter physiquement. Son regard vert, étréci de rage, lançait des éclairs et semblait lui jeter un défi brûlant. Mais Aiolos ne répondit pas. Il se contenta de croiser les bras sur sa poitrine et de s'adosser au tronc d'un vieil olivier rachitique. Sa posture agaça encore Aiolia, qui fit un pas rageur vers lui et balaya l'espace de son bras droit.

« J'en ai marre de ce fonctionnement descendant où tu ordonnes et j'obéis sans pouvoir jamais dire un mot, ta seigneurie ! »

Aiolos se mordit la lèvre inférieure sous le persiflage mauvais du ton de son frère mais resta encore silencieux. Ses poings, invisibles, dissimulés par ses bras croisés, se serrèrent d'une colère naissante, mais il reconnaissait trop la tactique d'Aiolia pour y céder. L'évidence le heurta comme un coup. Finalement, il reconnaissait son frère... En cet instant, buté dans sa colère, Aiolia lui apparaissait bien plus proche de ses souvenirs qu'il ne l'avait été depuis leur résurrection. Une bouffée d'émotion le parcourut : il retrouvait le petit garçon de sa vie antérieure, disparu sous l'adulte inconnu qu'il avait découvert deux ans auparavant sans y être préparé.

« Tu entends, Iolos ? Je te parle ! »

Iolos... Comme autrefois, quand ils étaient jeunes. La nostalgie s'accentua et il faillit décroiser les bras pour aller serrer son frère contre lui. Ce qu'il ne fit pas, bien entendu. Aiolia l'aurait très mal pris... Mais, déesse, qu'il en avait envie ! songea-t-il en contemplant le petit garçon adulte qui marchait à nouveau de long en large en pestant et en frappant les pierres sur son chemin à coups de pieds rageurs. Un léger sourire attendri vite disparu effleura les lèvres harmonieuses du Sagittaire.

Aiolia avait toujours été colérique et avait dû lutter contre cette faiblesse de caractère depuis sa plus tendre enfance. Le spectre d'Acrisios planait régulièrement au-dessus de lui quand la rage le prenait et qu'il explosait de colère, de cette colère méchante et froide qu'Aiolos reconnaissait, consterné. Heureusement sous la férule sage et calme de Chrysos, le petit garçon avait appris à ne plus céder aveuglément à cette bien noire et mauvaise tendance héritée de son père. Et justement, l'Aiolia adulte qu'il avait retrouvé deux ans auparavant l'avait profondément secoué, bien plus qu'il n'avait pu le lui dire : mature, calme et posé, chaleureux et bienveillant, Aiolia l'avait étonné à tous points de vue et lui avait douloureusement jeté en pleine figure le gouffre temporel qui les séparait à présent et que rien ne pourrait jamais combler...