FLAWLESS

Chapitre 5

Ivy

-Je te rappelle dans pas longtemps, Van.

-D'accord, fais attention à toi. Bisous.

Je raccroche et range mon portable. Ma conversation téléphonique et mes pieds m'ont emmené jusqu'à ce parc vide. Je faisais part de mes inquiétudes à Van pour éviter de payer des rendez-vous chez une psy, ce qui me vaudrait des centaines de livres. J'étais dans ces périodes de vie où le ciel paraît gris en permanence. Ce n'était pas juste la météo de Londres qui en était responsable.

Cela faisait deux semaines qu'Elijah n'était pas revenue à la maison. On s'échangeait des messages brefs tous les jours, mais pas un signe dans la vraie vie. Il me manquait et plus que ça je m'inquiétais. Il était dans un état lamentable à la soirée qu'il a organisée chez nous. Il avait enchaîné les joints et des substances dont je ne connaissais même pas le nom. J'essayais malgré tout d'être là pour lui en cas de besoin, mais est-ce que c'était suffisant ? Pour arrêter de penser, je sortis un paquet de cigarettes et en piocha une délicatement pour l'insérer entre mes lèvres. J'étais dehors à une heure tardive pour pouvoir aérer mon esprit et créer de la place dans mon esprit. Ma mère allait m'en vouloir mais peu importe, j'avais besoin de m'échapper un peu dans la maison. D'habitude, c'est les moments avec Elijah qui me permettent de m'évader mais maintenant il fallait bien trouver une alternative. Ma chapka sur mes cheveux me protégeait du froid de la nuit de janvier. Je regardais lourdement la coque transparente de mon téléphone qui laissait apparaître une photo d'Elijah et moi. J'arrivais à sentir que quelque chose n'allait pas et se préparait.

J'étais très dramatique cette nuit, je devais me calmer.

Un bruit sourd retentit et une lumière apparaît dans le ciel. Un feu d'artifice éclaire une petite partie de Londres. J'admire chaque couleur, chaque étincelle et chaque seconde. Je n'arrive pas à voir arriver les nuages gris cachés par ces paillettes qui décorent le ciel. J'ai choisi de regarder ailleurs et d'ignorer mon mal-être. Je regarde ce qu'il a de beau et esquive ce mauvais temps qui annonçait un ouragan.

Je n'avais pas mis un pied en cours de sport depuis cette soirée aussi. Recroiser Kasey était la dernière chose que je voulais faire. Ma relation avec lui est différente depuis qu'il est aussi un ami proche de mon frère. Ce n'était plus seulement une relation d'élève à professeur. Je pourrais choisir de créer des rumeurs sur le fait qu'il va en soirée avec ses élèves. Ça ne ferait que renforcer l'image du professeur cool qu'il a.  Après tout, je pouvais le balancer à la direction en évitant certains éléments de l'histoire. Je ne pouvais pas l'éviter éternellement, il fallait que j'aie une note en sport pour valider mon semestre. Je ne cesse de penser à un moyen de faire couler Kasey tout en inhalant la fumée de la cigarette.

Une silhouette apparaît au loin, beaucoup trop loin pour que j'arrive à distinguer quoi que ce soit. Sûrement un dealer vu l'heure qu'il est. Je replonge mon regard dans le feu d'artifice qui ne cesse d'illuminer le ciel.

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Kasey

Je tends le pochon et simultanément le client me passe un billet de 20 euros que je range rapidement dans ma poche. Ça fait déjà un mois que cela dure pour arrondir les fins de mois et pour pouvoir rembourser mon père au plus vite. Mon salaire de prof me sert à faire des économies puis cette deuxième source de revenus est utile pour vivre. J'ai décidé de dealer assez loin de chez moi et surtout loin du lycée. Apprendre qu'un des professeurs d'un lycée privé pour gosses de riches vend de la drogue à ses heures perdues serait le pire scénario imaginable. Ce n'est pas par choix que je me retrouve dans cette situation, mais plus par punition à mon comportement du passé.

Il commence à se faire tard, j'ai fini mon taf pour ce soir. Je décide de passer par le parc pour pouvoir fumer tranquillement et je crois que quelqu'un a eu la même idée que moi. J'habite dans le sud, Wemblay est dans le centre et Ivy est dans le nord de Londres au même endroit où je deale. Londres est ce genre de grandes villes où tout se trouvent à côté. Elle fume sa cigarette et n'a pas l'air de m'avoir remarqué et tant mieux. Elle n'a pas osé revenir en cours de sport, apparemment.

Je lui ai vraiment fait si peur ? Il lui en faut peu à cette gamine.

Un feu d'artifice apparaît dans le ciel sombre et éclaire son visage, ce qui me laisse l'admirer qu'un court instant. Elle est tellement couverte qu'on pourrait croire qu'elle se trouve à Helsinki en plein mois de novembre. Son regard est rivé sur le feu d'artifice qui anime le ciel au dessus de nous. Elle est jolie, c'est dommage. Je me demande qu'est-ce qui peut bien occuper ses pensées pour qu'elle ait l'air si concentrée. Les mains tremblantes de froid, elle accompagne sa cigarette à ses lèvres. Son visage se tourne dans ma direction, puis remonte vers le ciel. Elle n'a pas semblé m'avoir reconnue et c'est pour le mieux. Le silence rompu par les bruits d'artifice est la seule chose que nous puissions entendre. Mon ouïe est percutée par les sons assourdissants des artifices alors que mes yeux profitent de quelque chose de bien plus agréable. Je ne veux pas lever mes pupilles pour regarder le spectacle que m'offre le feu d'artifice, car il m'en ferait rater un autre.