Le Hibou et le Poisson Koï [ BxB ]

Chapitre deux

Nore

Le son agressif de mon alarme me réveille. Je tâte la table de chevet à la recherche de mon téléphone, jusqu'à le trouver et d'éteindre l'alarme. Je laisse ma main glisser dans le vide avant de lentement sombrer vers les songes qui hantent mes nuits. Je me réveille en sursaut au moment où une deuxième alarme sonne. J'éteins celle-ci et j'attrape mon téléphone.

Je traîne quelques minutes sur Instagram avant de me lever, d'un geste rageur, maintenant bien réveillé. Il doit toujours y avoir ce post soit homophobe ou cette personne LGBTQIA+ qui s'est fait insulter ou tabassé en plein milieu de la rue. Tout ça, car ils sont différents. Mais qu'est-ce que la normalité? Suivre les règles est normal. Est-ce qu'il y a un règlement interdisant d'être et d'aimer qui on souhaite au Québec? Non. Alors pourquoi subissent-ils autant de haine?

5%

Je m'habille avec de larges vêtements et je vais dans la salle de bain me passer de l'eau froide sur le visage pour me calmer. J'essuie mon visage avec une serviette et je tombe sur mon reflet dans le miroir en face de moi. Ma peau pâle fait ressortir mes grains de beauté. Je passe mes index sous mes paupières, sur mes cernes bleutés, qui virent presqu'au noir, que l'on voit à des kilomètres. Je dors mal ces derniers temps avec tous ces trucs homophobes qui me rongent de l'intérieur et toutes ces remarques que j'entends sans cesse autour de moi...

Je sors de la pièce et je rejoins mes parents dans la cuisine. Mon père se trouve à table, à lire le journal, avec sa bouteille d'alcool à la main et ma mère boit son café, les yeux dans le vide. Mon père est alcoolique. Sans blague... Il boit dès le matin. Tout le monde sait que mon père est très fort sur la boisson... Et ma mère n'ose rien dire et s'assure chaque jour qu'il lui reste assez de bière. Il serait capable de virer fou, s'il n'a pas sa boisson. Et personne n'a envie de savoir ce qu'il se passerait s'il venait à manquer d'alcool...

Me dirigeant vers l'armoire, je découvre que nous n'avons plus que des craquelins à manger. Je soupire et les prends avant de m'installer à table.

Ils n'ont pas vraiment les moyens de remplir le garde-manger plein à craquer et encore moins d'acheter de la nourriture de bonne qualité, alors ils achètent quand ils le peuvent et surtout ce qui est en rabais.

Boum!

Je sursaute, manquant de m'étouffer avec mon biscuit sec. Je relève le regard vers mon père. Son poing est serré sur la table, les traits de son visage fâchés, rouge.

- Que se passe-t-il chéri? demande ma mère.

- Des gays! Des tapettes sont de plus en plus acceptées un peu partout! crie-t-il.

Je baisse le regard vers ma nourriture. Je me fais petit.

- Ils vont finir par comprendre qu'ils n'ont pas leur place ici, dit ma mère les yeux rivés vers mon père.

Je mords l'intérieur de ma joue jusqu'à ce que je sente le goût du sang dans ma bouche.

25%

Je vais reposer les biscuits dans l'armoire et je vais me brosser les dents. Je reviens dans la cuisine pour me préparer et je reste figé en voyant mon père peloter les fesses de ma mère pendant qu'ils s'embrassent... Se mangent l'intérieur de la bouche, serait plus approprié pour les décrire... Une fois qu'ils ont fini, ma mère va mettre ses chaussures et mon père lui claque les fesses. Je retiens une grimace de dégoût.

- Bonne journée Nore, dit-elle en me lançant à peine un regard.

Elle est déçue de moi. Elle espérait vraiment qu'en faisant un enfant avec mon père, cela leur permettrait d'apaiser toutes leurs colères, d'où mon prénom. Malheureusement, ça n'a fait qu'empirer et si elle quitte mon père, elle n'aura pas les moyens de se louer un appartement seule. Alors, elle reste, se rappelant chaque jour de sa gaffe d'avoir marié un homme et d'avoir eu un enfant avec lui....