Prologue

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Le Hibou étant un oiseau nocturne, le soleil faisait souffrir ses yeux noyés de larmes. Il était en haut de la falaise rocheuse, à contempler les fortes vagues fraîchement dégelées et les bateaux voguant au loin. C'était aujourd'hui qu'il allait être libre, en cette belle journée sans nuage, n'ayant que les oiseaux flottant au gré du vent.

Il lâcha un long soupir avant de fermer les yeux et il sauta. Il battit des ailes comme le font tous les êtres pouvant voler, mais il se sentit tomber dans le vide, frappant l'eau, les pieds en premier. Évidemment, il ne pouvait pas aller bien loin avec une aile blessée. Heureusement, ce n'était pas la seule façon d'être libre, mais ce n'était pas la manière la plus agréable... Il n'allait pas voir le soleil, mais une autre sorte de lumière, la lumière au bout du tunnel. Pour se rapprocher du ciel, le Hibou devait donc d'abord se rapprocher de la terre.

Il coula donc toujours plus loin, toujours plus éloigné des bouffées d'air, se tortillant sous la douleur de l'eau lui remplissant les poumons, les brûlant. Le Poisson ayant vu l'oiseau tomber dans l'eau, courra jusqu'aux premières vagues. L'eau était froide et agitée, sombre. Il nagea plus vite et s'enfonça toujours plus bas. Il devait le rattraper et le sauver. Mais plus il s'enfonçait, plus il voyait l'oiseau qui ne se débattait pas. Il se laissait simplement couler, les yeux fermés. L'être d'écailles tendit sa nageoire pour agripper sa patte avant qu'il n'aille plus loin dans l'étouffoir. Il y arriva de justesse et avec vitesse, il remonta à la surface l'oiseau fugace. Il le tira sur la rive et le Poisson tenta de redonner vie à l'être plumé qui avait bu trop d'eau. Pression sur son torse et bouche à bouche.

- À l'aide, à l'aide! cria le Poisson quand il n'avait pas sa bouche sur celle de l'oiseau.

L'oiseau finit par recracher l'eau, mais il garda ses yeux clos. Il espérait que le Poisson le laisse seul.

- Réveille-toi, réveille-toi, je t'en prie! suppliait-il à bout de force.

L'être aux nageoires se leva et alla chercher de l'aide, laissant le Hibou sur la plage.

Malheureusement, dans un endroit aussi reculé de la forêt, personne ne viendrait l'aider, alors pourquoi le Poisson était-il là? Il n'était pas supposé se trouver là! Il voulait mourir, alors pourquoi l'avais-t-on sauvé? Il voulait s'enfuir de ce monde, être libre, être lui-même. Le Hibou attendit quelques instants avant de se redresser difficilement sur ses pattes, s'aidant de ses ailes inutiles. En colère, le Hibou retourna dans son nid, en haut de la falaise qui bordait la mer, retrouvant son lit pour y laisser échapper ses larmes. Quand le Poisson revint près de la grève, sans avoir trouver d'aide, il ne vit pas l'oiseau. Inquiet que celui-ci ne soit retourné dans l'eau, il chercha de droite à gauche et remarqua des pas menant vers le haut du belvédère. Quelque peu rassuré, il suivit les traces et se rapprocha de l'habitat en bois. Il cogna trois fois de sa nageoire, mais personne ne répondit. Il ouvrit la porte qui n'était nullement verrouillée et explora l'intérieur, vide de vie, vide de meuble, vide de tout. Il alla vers le couloir, ne voyant pas le Hibou dans le salon ou la cuisine. Il y avait trois pièces au bout du couloir, une porte fermée, une salle de bain et une chambre. Il y jeta un œil. Le Hibou s'y trouvait, étendu dans son lit, les plumes trempées. Il referma la porte après s'être assuré qu'il respirait bien encore en voyant son torse monter et descendre. Allant dans la cuisine, il lui prépara un plat d'algue que l'oiseau pourra manger plus tard, avec les quelques ustensiles qu'il a pu trouver. Alors que le Poisson finit son plat, il échappa la casserole encore chaude qui avait peu, cuit la nourriture. Cela réveilla l'être nocturne qui vint à la recherche du bruit. Quand celui-ci vit l'être à écailles chez lui, il lui envoya un regard si froid que le Poisson en resta figé.

- Sort de chez moi! Sort! lui cria-t-il avec les yeux rouges d'avoir trop pleurer.

- Devenons ami, lança le Poisson.

- Non! Non et non!

Le Hibou secoua sa tête en signe de négation.

- Je vais t'aider à voler, dit l'être qui n'avait pas d'ailes.

- Je ne veux pas de ton aide! Tu as déjà tout gâché!

- Je ne t'abandonnerai pas, je t'aiderai, je te le promets.

- Je ne te crois pas!

- Laisse-moi te le prouver...

- Sort! cria le Hibou en lui coupant la parole.

Le Poisson lui lança un dernier regard avant de refermer la porte derrière lui. L'oiseau de nuit, en colère, triste et impuissant envoya voler la nourriture sur le sol d'un coup d'aile. Le bruit du bol fracassant le sol, résonna quelques secondes, les morceaux coupants éparpillés.

- M'aider? M'aider?! Tout est fichu à cause de toi! Tout! cria-t-il épuisé, ses ailes sur sa tête.

Il s'écroula au sol, rejoignant les algues et le bol brisé, pleurant à chaudes larmes. Le Hibou n'y croyait pas à ses promesses, tout le monde le détestait à présent... Il voulait seulement être libre, mais son aile blessée de toutes ces insultes et pleine de sang, l'en empêchait. Le Hibou voulait être libéré de toutes ces personnes qui se moquaient de lui juste parce qu'il était différent. Il regarda son aile gauche. Elle ne lui servait plus à rien, inutile à force d'être mutilé, encore et toujours, sans jamais s'arrêter, sans jamais mourir... Le Hibou tourna le regard vers les morceaux coupants, tranchants. Il en prit un et le serra. Du sang coula le long de son aile avant de tomber sur le sol, tandis que des larmes coulaient le long de ses joues. Il planta l'arme improvisée dans son aile gauche, l'enfonçant profondément.

- Aah! il cria de douleur, un mélange d'émotions que celui-ci ne comprenait pas.

Sa voix se bloqua et sa vue devient floue. Il sentit son corps se balancer vers l'avant, sa tête ne tenant plus droite. Il était à bout de force. Il se laissa aller contre le sol, égratignant par endroit son corps. Sa joue était écrasée contre le plancher froid et sa vue finit par être totalement noir.

Le Hibou et le Poisson Koï [ BxB ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant