Elle récupéra un flambeau, dont le tissu s'était désolidarisé du manche. La compotée inflammable s'était évaporée, heureusement, elle en avait ramené un bol de la taille de sa paume. Nimélys en imbiba la torche, sortit un bout de verre d'une de ses poches et l'orienta vers le soleil. Un filet de fumée apparut, puis une timide flamme émergea et embrasa la totalité du liquide visqueux.
Nimélys s'enfonça dans les ténèbres. Les murs étaient composés d'immenses blocs de pierre écornés. Des couloirs adjacents avaient été creusés dans le sous-sol ; ils ne menaient nulle part. Elle continua jusque dans une alcôve qui la mena jusqu'à une pièce circulaire ornée de fontaines taries.
Elle marcha sur une plaque qui s'affaissa sous son poids.
Le sol s'effondra sous ses pieds.
Elle chuta sur un matériau moins dur que la pierre qui craqua sous son corps. Elle ne s'était pas blessée, mais l'idée de mourir ici et de ne jamais revoir la lueur du soleil la terrorisait. Mourir ici, dans l'obscurité la plus totale ?
Elle casserait ses ongles pour grimper les murs jusqu'à ce qu'ils la vident de son sang, s'il le fallait.
Sa torche baissait en intensité.
Deux ombres affluaient déjà dans sa direction, prêtes à la dévorer.
Ses bras s'embrasèrent, mais leur faible lueur ne suffirait pas à la protéger. Elle taillada l'ennemi le plus proche et en pourfendit un deuxième tout en avançant. Leur râle d'agonie résonnait comme un instrument de torture. Elle trébucha sur des gravats. Seule une faible étincelle d'espoir éclairait le couloir. Au-delà, elle entendait les fracas d'une armée qui s'avançait.
Ses jambes se mirent à trembler, et des spasmes la prirent à la gorge, tant la menace qui l'approchait l'effrayait. Elle parvint à se frayer un chemin jusqu'au bâton de bois, dont la vie semblait prête à s'envoler à chaque instant. Elle souffla sur les braises. La lumière l'entoura progressivement et les ombres à son contact hurlèrent de douleur.
Toutes disparurent.
Nimélys put enfin comprendre là où elle avait atterri. Un couloir exigu, au plafond assez bas pour que les plus grands Hommes dussent baisser la tête, et des murs de pierre humides, dont les stries étaient colmatées par de la mousse.
Elle s'engouffra dans une large salle à colonnade. Le toit était percé de rais de lumière. Toutes les ombres s'étaient évaporées, sauf une qui se tenait au centre de la pièce, immobile. Nimélys sentit qu'elle l'observait. Elle avança dans sa direction, torche tendue vers elle pour la faire fuir. L'ombre ne recula pas d'un pouce.
Quelque chose en elle lui soufflait de ne pas l'éliminer, alors même qu'elle avait passé sa vie à le faire.
La silhouette avança vers elle. Nimélys tressauta. Elle pensait furieusement à sa magie, qu'elle pouvait l'anéantir à tout instant.
Elle n'en fit rien.
L'ombre s'éloigna jusqu'à un couloir adjacent et se retourna vers elle. D'un mouvement de bras, elle l'invita à la suivre. Nimélys l'observa disparaître, sans bouger.
Jamais elle ne suivrait l'un de ses ennemis.
Elle grimpa sur l'une des colonnes échouées, qui lui permit de se hisser à l'extérieur. La ferveur du soleil sur sa peau la fit frémir. Elle sentit la soif l'envahir, mais à défaut de retourner à l'intérieur du couloir qu'elle venait de fuir pour lécher l'eau qui suintait des murs, elle préférait encore lutter contre une fièvre nébuleuse.
Nimélys passa plusieurs heures à arpenter la cité, sans jamais trouver ce qu'elle cherchait. Le soleil s'abaissait au-dessus d'elle et menaçait de disparaître derrière les remparts. Quand Minerve serait plongée dans la nuit, elle serait à la merci de ses ennemis.
Elle devait trouver cette fontaine. Il ne lui fallait qu'une louche de son eau, sa gourde sonnait désespérément vide à chacun de ses pas. Nymélis grimpa un long escalier qui sinuait au-dessus de nombreuses habitations. Elle se retrouva à plus d'une dizaine de mètres de haut, entourée de tours de guet et de chemins de ronde. L'un d'eux la mena jusqu'à une pente lisse et raide, un ancien canal d'où s'écoulait de l'eau, de plusieurs mètres de largeur. Elle le descendit prudemment, puis suivit un renfoncement incurvé jusqu'à ce qu'il disparaisse dans un mur ocre.
Elle commença à paniquer.
Il ne lui restait que peu de temps avant que l'obscurité ne tombe.
Et l'obscurité tomba.
Nimélys alluma d'autres torches pour couvrir ses déplacements. Le soleil n'était plus qu'une ligne de lumière au-dessus des remparts et éclairait juste assez la ville pour qu'elle puisse distinguer ou aller.
Ses ennemis se camouflaient à chaque coin de rue.
Elle s'arrêta brutalement au bout d'une impasse dont elle empruntait le chemin depuis un moment déjà. Au-dessus d'elle, à un mètre de distance, les pieds ballants, une ombre l'observait.
Elle sut qu'il s'agissait de la même ombre qu'elle avait laissée en vie, qui l'avait suivie toute la journée et épiée comme si elle n'était qu'un jouet digne de curiosité.
L'ombre se releva et recula de quelques pas en arrière sur les marches supérieures. D'un mouvement du bras, elle invita Nimélys à la suivre.
Elle l'observa s'éloigner, à bout de souffle. Nimélys s'était aventurée dans plus de maisons qu'elle n'avait pu compter, avait traversé plus de jardins qu'elle ne pouvait se remémorer.
Elle n'avait rien trouvé.
Rien.
Elle leva les bras et se hissa sur le muret. L'ombre la toisait de toute sa hauteur, et au lieu de l'attaquer, elle lui tourna le dos en direction d'une habitation, plus reculée, moins impressionnante que les autres.
Son cœur s'emballa. Sa gorge était serrée, sa salive ne suffisait plus pour l'humidifier.
L'intérieur de l'habitation était semblable à tout ce que la cité lui avait offert : des murs en calcaire ocre et beige, un sol était strié de zébrures. Mais aucune de ces habitations n'avait laissé Nymélis bouche bée.
Une fontaine avait été construite au milieu d'un renfoncement circulaire, situé dans une petite placette. Son réservoir débordait d'eau. Ce qui était impossible, car le désert aspirait chaque goutte de sueur qui daignait se montrer.
Il ne pouvait s'agir que de magie.
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Nimélys
FantasyLes ramparts sont immenses, la vue impressionnante ; les rumeurs ne mentaient pas. Oubliée depuis des centaines d'années dans le désert, personne n'a jamais réussi à entrer dans cette cité maudite, enfin, jusqu'à maintenant.