Celle dont elle avait rêvé depuis des mois.
L'ombre s'en approcha et ramassa une louche entre ses mains. Comme un coup du sort le reste de l'eau contenue dans le réservoir s'évapora en un instant. Nymélis laissa s'échapper un gémissement entre ses lèvres gercées. Tuer cette ombre signifiait éparpiller ce qui restait de cette eau sur le sol, lui dire à jamais adieu.
Sa grand-mère mourrait si elle ne lui ramenait pas.
Mais elle ne voulait pas non plus s'approcher désarmée.
Elle était coincée, face à cet ennemi qui ne ressemblait à aucun de ceux qu'elle avait pu croiser. L'ombre l'observait, immobile. Nimélys avança sa torche et fit disparaître un bout de son pied spectral dans la lumière. Aucune complainte ne vint troubler le silence de la pièce.
Elle ne riposta pas non plus.
Nimélys tremblait, ses bras brûlaient de trancher cette ombre pour qu'elle puisse s'enfuir d'ici.
Elle déposa sa torche sur le sol dans un lent mouvement, tout en scrutant son ennemi. Un affront à sa terreur, contraire à tout ce que lui criait son instinct de survie.
Sa lumière couvrait à peine ses pieds et son dos. Elle devait s'affranchir de sa peur, s'élancer vers ce qu'elle avait toujours craint. Les ombres habituelles n'étaient pas intelligentes. Celle qu'elle avait en face d'elle semblait plus réfléchie, observatrice.
Curieuse.
Comme si elle s'ennuyait. Comme si, durant ces centaines d'années à parcourir cette cité morte et glaciale, elle avait attendu que les portes et le monde s'ouvrent à elle.
Nimélys fit quelques pas en avant et décapsula sa gourde.
L'ombre esquissa un mouvement, avant de s'arrêter, car Nimélys s'était paralysée en la voyant bouger. Elle versa lentement l'eau dans son outre, sans un bruit. Elle ne dévoila pas ses crocs et ne sortit pas ses griffes rétractiles.
Nimélys recula, jusqu'à ce que la chaleur de la torche lui réchauffer les chevilles et les mollets puis elle s'éclipsa, presque honteuse d'avoir accepté un tel cadeau. Elle fonça à travers la cité immergée dans la pénombre, vers les portes dont le sommet étincelait encore au loin. Elle avait traqué les ombres toute sa vie, et voilà que l'une d'elles lui fournissait la magie nécessaire pour sauver sa grand-mère.
Nimélys déverrouilla le mécanisme, le monde gronda autour d'elle.
L'ombre qui protégeait Minerve s'étendait à perte de vue. Nimélys progressa dans le chemin de lumière. Les portes se refermeraient bientôt derrière elle. Elle trottina, incapable de courir à cause de la soif. Sa bouche était devenue pâteuse au fil des heures et l'eau dans sa gourde lui donnait l'atroce envie de la décapsuler.
Elle chassa cette pensée.
Mais elle revenait sans cesse. Son corps réclamait à boire, tandis qu'elle projetait du sable du bout des pieds. Le camp n'était plus très loin, les tentures s'affolaient sous le vent. Elle n'avait plus qu'à rejoindre Danis, lui dire de repartir et s'en aller à tout jamais d'ici. Il ne dirait mot, content d'économiser des jours d'attente.
Le campement était vide. Les traces des dromadaires avaient disparu, le feu s'était éteint. Danis s'était enfui et avait laissé les tentes sur place pour ne pas perdre de temps. Il avait abandonné Nimélys en plein désert.
La colère gronda à l'intérieur de ses entrailles alors que la chaleur tapait sur sa nuque. Nimélys observa les dunes et s'imagina rattraper Danis et le tuer.
Elle baissa la tête vers sa gourde, sa gorge en feu.
Et l'obscurité l'entourait.
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Nimélys
FantasyLes ramparts sont immenses, la vue impressionnante ; les rumeurs ne mentaient pas. Oubliée depuis des centaines d'années dans le désert, personne n'a jamais réussi à entrer dans cette cité maudite, enfin, jusqu'à maintenant.