𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟓: Juste un instant.

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𝐒𝐇𝐀𝐍𝐍𝐀


𝖶𝗈𝗈𝖽𝗅𝖺𝗐𝗇, 𝖢𝗁𝗂𝖼𝖺𝗀𝗈,
𝟣𝖾𝗋 𝗈𝖼𝗍𝗈𝖻𝗋𝖾 𝟤𝟢𝟤𝟥.

L'eau coule et se mélange à mes larmes. La froideur humide me tient bien consciente de l'instant, alors que mes sanglots rythment les paroles réconfortantes de Bambi. Cela doit faire une vingtaine de minutes que je suis sous la douche, et qu'elle tente par tous les moyens de m'apaiser. En vain. Car la seule personne qui pourrait le faire est dans le coma, par ma faute. Et qu'il n'est même pas entouré de paix, puisque ses agresseurs le tourmentent encore.

    Ces derniers jours, ma volonté était remontée à bloc. Mais l'épisode passé avec mon frère me torture un peu plus l'esprit. Les Latin Kings ne nous lâchent pas. Ils nous crèvent un peu plus chaque jour, et on ne peut rien y faire. Mais drapée de tristesse, ma vengeance ne sera que plus forte. Plus intense. Je rêve du moment où ils pleureront leurs morts à leur tour.

    — Shanna ? C'est normal d'être triste, tu sais...

    De l'autre côté du rideau, Bambi tente de m'aider, mais elle ne comprend pas ma douleur. Elle n'a pas vu Tony, mon petit frère innocent, relié à des machines parce qu'il a évolué dans un monde criminel. Dans un monde que j'ai rejoint au départ malgré moi, mais qui me salit désormais entièrement.

    — Je suis pas triste. Je suis en colère.

    — C'est normal aussi, rétorque-t-elle. J'étais dans le même état que toi après la mort de mon neveu.

Je fronce les sourcils un instant. Le silence, entrecoupé par l'eau de la douche, remplit la pièce avant d'être définitivement interrompue par la voix mélancolique de Bambi.

— Rahim Espinosa. C'était le fils de ma sœur, mais on avait que quelques années d'écart. Elle est morte jeune, et son mari était un incapable alors je me suis occupée de Rahim comme un petit frère.

Elle s'interrompt une seconde. Mes sanglots se sont amenuisés, mais mes larmes, elles, coulent toujours.

— Il était à fond dans la religion, reprend-elle. Alors quand je suis tombée amoureuse de Benito, et que je me suis mariée avec lui, alors qu'il était déjà l'homme qu'il est aujourd'hui, ça ne lui a pas plu. Mais il ne m'a jamais jugée. Benito l'a traité comme son propre neveu, même s'il refusait de venir habiter chez nous. Moi, j'avais peur pour lui parce que je savais tres bien que mon mari avait des ennemis...

Je sais que l'issue est dramatique. Mais je ne veux pas penser à quel point, pour ce Rahim qui a tant voulu s'écarter de ce monde.

— Luis Soledad. Le chef des Latin Kings... il a vu d'un mauvais œil que Benito se rapproche de son territoire. Alors, il a fusillé notre ancienne maison. Mais, ce jour là, Rahim était venu nous voir. Il est mort dans mes bras.

Sa voix est doucement tremblante. Mais elle ne pleure pas, elle tient bon. Lentement, je passe la tête derrière le rideau. Je l'aperçois, assise sur le carrelage froid. Elle relève les yeux un instant, et se redresse lourdement dérangée par son ventre arrondi et me récupère ma serviette. Je l'observe me demandant comment elle a réussi. Mon frère n'est pas mort que je me lamente déjà. Son neveu n'est plus de ce monde, et elle reste complète.

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