𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟑: La vie d'avant.

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𝐒𝐇𝐀𝐍𝐍𝐀

𝖮'𝖡𝗅𝗈𝖼𝗄, 𝖢𝗁𝗂𝖼𝖺𝗀𝗈,
22 𝗈𝖼𝗍𝗈𝖻𝗋𝖾 𝟤𝟢𝟤𝟥.

— J'ai l'impression que ça fait dix ans qu'on a t'a pas vue.

Dante et Laila n'en croient pas leurs yeux. Les deux me dévisagent depuis qu'ils sont arrivés devant O'Block. Plus tôt dans la journée, je leur ai demandé si ça ne les dérangeait pas de passer en rentrant de leurs cours. Leurs cours qui étaient autrefois les nôtres. Ils ont accepté. Mais ils auraient sûrement mieux fait de ne pas le faire, car je vois dans leurs yeux quelque chose que je ne voyais pas avant. Ce mois nous a séparés. Avant, ils étaient mes camarades, mes amis, avec qui je rigolais en écoutant du Tupac à fond dans la voiture. Mais maintenant, ils sont devenus des inconnus prêts à s'engager sur la route de la justice, quand j'ai emprunté celle du crime.

— C'est vrai, murmuré-je. Mais dites-moi tout. J'ai loupé quelque chose ?

Du temps où notre amitié nous unissait, cette simple phrase nous aurait permis de retrouver notre complicité. Mais je me rends compte que ça ne marche pas. Quoiqu'il arrive, ils me verront comme celle qui a déserté sa vie pendant un mois, et qui est revenue au bras de Nikola Roy, le grand méchant loup. Ils ne savent pas tout ce que j'ai vu, mais se permettent de juger. Malgré tout, je ne peux pas leur en vouloir. Ils ne font que suivre le troupeau. Leur avis, dans le fond, est peut-être justifié. Mais j'ai du mal à l'idée de voir Nikola comme celui qu'ils voient tous.

— Euh... On a pu faire pleins de trucs. C'était cool. On a rencontré Raya Blake, pas mal..., annonce Laila.

Mais je vois que ses yeux me fuient. Ils n'expriment rien d'autre que de la peur, du doute, et de la nouveauté. Je ne suis plus Shanna Ricci, pour eux. Je suis quelqu'un d'autre.

Un soupir m'échappe.

— Excusez-moi de vous avoir fait venir ici. C'était une mauvaise idée.

Puis, je sors de la voiture. Dante essaye de me rattraper, mais Laila, elle, ne dit rien. Et ça me conforte dans mon idée. Ils vont tirer un trait sur notre amitié, s'ils ne l'ont pas déjà fait. Peut-être même qu'ils chercheront à me coffrer, quand ils travailleront définitivement pour la justice. Qui sait ? Je me retrouverais peut être face à eux. Ou ils me défendront. L'idée me donne envie de vomir.

— Au fait, dis-je en me retournant une dernière fois. Dites à Tisha que je suis désolée. Elle a eu raison. Ils m'ont eue.

   Seulement là, je m'en vais. Je n'ai plus rien à leur dire, plus rien à faire avec eux. C'est la vie, on se serait peut-être éloignés avec le temps. Je me conforte avec cette idée, sur le chemin du retour. J'ai hâte de voir Nikola. Hier soir, il est rentré tard. J'ai compris que Corey n'était plus de ce monde quand il s'est juste effondré contre moi, répétant que c'était fini. Il a passé une partie de la soirée à appeler des gens, sûrement pour prévenir ce qui allait suivre, et l'autre, dans mes bras, à m'embrasser. J'ai besoin aujourd'hui du même réconfort. Il n'y plus que lui qui peut me l'apporter. Je n'ai plus que lui.

   — Shanna ? C'est bien toi ? résonne une voix.

Je me retourne pour découvrir Yvonne. Dans ses bras, elle tient Jenna, sa fille qui a l'air d'avoir légèrement grandi depuis la dernière fois que je l'ai vue. Son fils, Kenan, me regarde avec des yeux ronds. Mon regard vaque un peu, et je discerne Ketsia et Mona, les deux autres mamans pour qui je travaillais. Les jumelles de la première, Kélya et Dalya, jouent avec le fils de la seconde, Hakeem. Bien qu'elle soit plus âgée, je ne remarque pas Kahina. La rebelle. Même s'il n'y a qu'Yvonne, plus éloignée du parc et plus proche de moi, qui m'a vue, je reste heureuse de les croiser.

— Ma pauvre enfant, déclare Yvonne. Viola n'aurait pas aimé te voir prendre son chemin.

   Viola. Ma mère. Cette phrase me poignarde en plein cœur. À chaque fois qu'on utilise le nom de ma mère, c'est pour me punir. M'envoyer mes propres fautes à la figure. Je déteste qu'Yvonne m'en parle. Elle n'a pas le droit. Je ravale mes insultes et l'interpelle.

   — Comment vont les enfants, Yvonne ?

   — La petite Ketsia s'en occupe, dit-elle. Elle fait du bon boulot. Et elle a réussi à mater Kahina pour ne pas qu'elle fasse de bêtises.

   Ketsia. Crazy K. Je me rappelle avoir entendu Zara dire qu'elle travaillait pour les mamans, maintenant. Je suis contente. J'ai pu moins lui parler ces derniers temps, mais j'y remédierais.

   — Tant mieux. Vous me manquez mes chouchous, dis-je en effleurant la joue de Kenan qui me sourit.

   Puis, je continue ma route. Tout cela appartient au passé. C'est triste, mais vrai. Je ne veux plus passer de temps à le ressasser. Je dois m'endurcir, parce que sinon je tiendrais pas le coup dans ce milieu. J'ai choisi mon camp. Même si ce choix me détruit un peu plus chaque jour.

   En relevant la tête, avant d'entrer dans le bâtiment des Black Disciples, je remarque une affiche. Placardée au mur. Raya Blake, l'avocate réputée de Londres, y est dévoilée. Je vois à quel point mon avenir a changé, rien qu'en voyant la force de son regard clair. J'aurais peut-être pu être comme elle. Dans une autre vie. Mais dans celle-ci, je détourne les yeux et entre dans le bâtiment sans esquisser le moindre sentiment.

   — T'es déjà de retour ? me demande Nikola, depuis le salon, quand j'entre dans notre appartement.

   Je reste figée dans l'embrasure. Il est là, en train de compter des liasses qui paraissent plus épaisses chaque jour. J'ai l'impression de voir deux ombres, quand on n'est dans la même pièce. Les jours heureux sont derrière nous, pourtant, la victoire est dans nos mains. Voyant que je ne réponds pas, mon copain lève les yeux vers moi. Ses yeux noirs m'apaisent toujours autant. Il se redresse, sourcils froncés. Ses doigts couverts d'or, comme son cou encerclé de chaînes, viennent se déposer sur mon menton.

   — Y'a un problème ? dit-il.

   Ma tête s'enfonce dans le creux de sa gorge. Naturellement, ses mains passent le long de ma nuque, alors que je ferme les yeux. Adorant son parfum unique.

   — Je t'aime.

   Il le savait, mais mes mots brillent dans son cœur. Je le sens à la manière dont son emprise devient plus raide.

   — Je te promets que tout est bientôt terminé. Après, on pourra retourner dans l'appartement, tu sais celui où on a commencé à faire des bébés.

  J'explose de rire, en me retirant de son étreinte. Son sourire me réchauffe le cœur. Je l'aime tellement. Il passe ses mains de part et d'autre de ma gorge. Je sens mon cœur pulser entre ses doigts froids.

  — Je te le promets. Demain, plus personne ne te fera de mal.

Hey! Tout va bien?

J'adore ce chapitre! Même s'il est rempli de nostalgie, ça vous donne les derniers indices, et des parallèles tristes se dessinent d'ailleurs dans ce chapitre 🥲

Chaque mot compte, ne l'oubliez jamais. Et ceux qui ne sont pas dits aussi. 👀

à demain pour le quarante quatrième (l'avant dernier) chapitre 🫶🏾

kehls, x. 🖤

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