La danseuse des flammes - V. Émeraude

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Rien.

Plus rien.

Plus aucun son, plus aucune vibration, plus aucune sensation ni aucune acuité visuelle.

Ce discours, ces paroles, ces mots avaient été si brutaux que désormais plus rien de répondait. Plus rien ne résonnait en moi.

Je n'arrivais tout simplement plus à répondre, incapable de réagir.
Dispensé désormais de toute réaction.

Un immense brouillard épais a la teinte verdâtre m'entourait. Crée par mes larmes, m'altérant la vue. Ce même brouillard étouffait les sons qui m'entouraient. Seulement, lorsque ce dernier se dispersait un peu, je pouvais sans problème dissimuler son état : furieuse, en colère, enragée, voilà tous les sentiments que j'étais capable de provoquer chez elle.

Dressée entre elle et cet homme affreux, pourri par toutes les moisissures de la planète, j'étais un mur essayant naïvement de les séparer. Comment faire parvenir à ma collègue le danger d'un tel virus, d'un tel cancer ?

De cette être émanait une aura qui contaminait tout ce qu'il touchait. S'accrochant à sa victime, la contaminant de part et d'autre, la pourrissant tant de l'extérieur que de l'intérieur, laissant des marques à vies, des cauchemars, des nuits inoubliables.

Je venais tout juste de gâcher sa soirée.

De la détruire.

A ses yeux, voilà ce que j'étais : qu'une trouble-fête.


Et par la même occasion, je me faisais remarquer.


Je pouvais les sentir sans les regarder. Tous ces regards posés sur moi. Jugeurs, interrogateurs, perplexes. « Qu'est-ce qui lui a pris ? ». Et il serait tout à fait aisé de les comprendre. Qu'est-ce qui m'a pris ?

Je n'apprécie pas particulièrement Sylnor, ni la déteste pour autant. Je suis heureuse qu'elle réussisse à avoir autant de popularité, cela me donne même du travail en moins. Une plaie en moins à soigner, des larmes en moins à sécher tout les soirs et une douleur en moins à m'arracher de mon cœur, organe si fragile.

Je lui souhaite toute la réussite et le bonheur du monde.

Même si cela peut paraître égoïste finalement.

Qui me dit qu'elle ne souffre pas autant ?

Qui suis-je pour fuir mes responsabilités, lui donnant au passage les miennes ?


Cependant... Je veux empêcher cet homme au regard perçant de l'attacher, de la maintenir prisonnière de ses lianes. De ces cordes, de ses chaînes qui ne feront d'elle qu'une esclave supplémentaire.


-Eh oh ! Tu m'écoutes ?!


Je sursauta brusquement, la regardant de nouveau dans ses yeux. Peut-être était-ce dû au courage qui m'avait de nouveau traversé le corps et l'esprit, mais mes larmes aux reflets jade, ce brouillards épais qui se dressaient tous deux devant et autour de moi s'étaient dissipés. Pouvant encore sentir l'aura menaçante de l'homme derrière moi et celle d'un vert sorcier qui enveloppait Sylnor, la détermination qui me parcourait alors se dissipa peu à peu. Il me fallait prendre la parole pourtant, réessayer de la convaincre. Malgré sa colère apparente...


-Sylnor, écoute moi je t'en...


-Pourquoi faire ? Que tu m'ordonnes encore les mêmes sottises de femme jalouse ?

Voltige littéraire d'un aigle et d'une corneilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant