Chapitre 1 : Pouvoirs

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La terre défile sous mes pieds tandis que je cours. Le vent caresse mon visage, s'immisce dans mes cheveux, mes poumons. Je prends une grande inspiration et ferme les yeux, je laisse cette odeur familière de terre, de fleurs et d'arbres m'enivrer, tandis que je poursuis mon ascension à travers la forêt. Les arbres défilent sous mes yeux, je ressens chacune de leur énergie vitale au creux de mon estomac. Mon arc pend dans mon dos, se balançant au même rythme que mes pieds nus foulent le sol.

Soudain, je repère ce que je suis venue chercher, je m'arrête et m'accroupis dans les buissons. Aux aguets, je ferme les yeux et me concentre sur la sensation qui m'a traversée. Je ressens d'abord mon propre souffle, puis je projette ma conscience vers l'extérieur, je discerne les feuillages, les arbres, et puis, je ressens une autre énergie vitale, plus faible, comme sur le point de s'éteindre.

Je rouvre les yeux. Elle est tout près. Je sors une flèche de mon carquois et la place dans mon arc. Je cherche des yeux la pauvre créature, elle est à une dizaine de mètres de moi, recroquevillée sur elle-même. Il s'agit d'un faon, il a dû se faire attaquer par un prédateur.

Je resserre mes doigts autour du manche, très lentement, je lève mon arc et bande la corde. Fermant l'œil droit, je le dirige vers la tête du pauvre animal. Une fois assurée que ma position est parfaite, je prends une grande respiration et vise. La libération de flèche est parfaite, la flèche fend l'air et atteint directement sa cible. Sa force vitale s'éteint directement. Tu ne souffriras plus.

Je me redresse. Je n'irais pas récupérer la carcasse, nous n'en aurions aucune utilité, il fallait simplement aider ce pauvre faon, telle est la mission qui m'a été assignée. Cela arrive rarement, mais lorsqu'un animal est en trop grande souffrance, c'est à nous, les dryades, de l'aider à passer de l'autre côté, il nous arrive également de tuer certains animaux s'ils sont trop nombreux, afin d'assurer l'équilibre de la forêt.

Cette fois-ci, la mission m'a été assignée : je suis une des plus aguerries au maniement de l'arc, la pauvre bête a ainsi pu s'en aller paisiblement. Bizarrement, c'est une des rares missions de dryade que j'accomplis sans trop d'erreur, peu de Nymphes sont capables de manier des armes, et encore moins sont aptes à ôter la vie, on raconte que celles qui le peuvent sont les descendantes d'Aréthuse, une des Nymphes du cortège d'Artémis.

C'est quelque chose qui est contraire à notre nature pacifique, mais nécessaire. Je replace mon arc dans mon dos et tourne les talons. Je refais le même chemin qu'à l'allée dans l'autre sens. Cette fois-ci, je ne cours pas et prends mon temps, après tout, rien qu'en ayant achevé le faon, j'ai déjà rempli près de la moitié de mon quota. Tout en marchant, je ferme les yeux et me laisse enivrer par le parfum familier de la forêt. Je ressens alors une force devenue familière. Sans même m'en rendre compte, je marche machinalement dans cette direction.

C'est le doux clapotis de l'eau qui me fait ouvrir les yeux. Le bassin se trouve à quelques mètres de moi. Encore une fois, j'ai cédé à son appel. Je m'en approche et m'assieds sur la rive. Je ressens maintenant son énergie dans tout mon corps, une énergie douce, apaisante. Je me penche vers l'eau et observe mon propre reflet me contempler. Mes yeux sont verts à l'image des autres dryades, mais je ne peux m'empêcher de remarquer qu'ils tirent de plus en plus vers le bleu depuis quelques années. Mes cheveux hirsutes et bruns tombent en une carcasse d'ondulation sur mes épaules. Je ressemble à une dryade typique, à la différence que mon teint est moins hâlé, d'une couleur qui tire davantage vers le sable et que des taches de rousseurs parsèment mon nez. Ces particularités physiques m'ont d'ailleurs valu de nombreuses moqueries étant plus jeune.

Refusant d'observer mon reflet plus longtemps, je trouble la surface lisse de l'eau du bout de mes doigts. La fraîcheur de l'eau se diffuse dans tout mon corps et en fait vibrer chaque parcelle. Je ferme les yeux et me concentre sur les picotements qui recouvrent mes mains, comme si l'eau et moi ne faisions qu'un.

Nymphéa t.1 Le secret des NymphesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant