Jour 27 : Comme une soeur

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- Bon. Jour. 

- Bon. Jour, répéta Olga avec un fort accent. 

J'ai pris la résolution d'apprendre à Olga à parler français. Ce n'est pas facile mais j'y arriverai. Étant donné que les autres ne sont toujours pas au courant de son existence, je me rends depuis, le plus discrètement possible, en haut de la falaise, certes pour lui apprendre à parler mais aussi je l'avoue pour l'aider à surmonter ses angoisses. A vrai dire, elle n'en a pas eu depuis notre première rencontre. Soit je me suis fait des idées, soit ce n'est qu'une question de temps. 

- A.mie. 

- A.mie,  répéta encore Olga. 

Bon il faut que je sache.

- Qui y a-t-il dans la forêt ? Demandé-je, soucieuse de connaître la vérité. 

- Qui. Y-a. T-il. Dans. La Forêt. répète patiemment Olga. 

- Mais non ! C'est une question tu dois me répondre, pas répéter,   m'exclamé-je excédée. 

Olga me regarde sans comprendre. Je n'en peux plus. 

- Bon ce n'est pas grave, je rentre ! Lancé-je avant de tourner les talons. 

Je m'attends à ce qu'elle me rattrape, m'empêche de partir, me demande ce que je voulais dire avec son accent de je ne sais pas vraiment où. Mais ce n'est pas le cas. Je me mords la lèvre, tiraillée entre revenir ou continuer. Il y a quelque chose chez cette gamine d'horriblement attachant. Et puis, elle a la clé du mystère de la forêt. Qui a-t-il là-bas ? Bonne question.

Mais je ne m'arrête pas. J'en ai marre de lutter seule contre des choses face auxquelles je suis totalement impuissante. J'ai soudain l'envie de tout raconter à Nami ou à Malo ou même à June, de leur dire pour l'accident d'avion, de leur révéler l'existence d'Olga, de les prévenir d'un éventuel danger dans la forêt. Mais je ne peux pas. Je veux leur laisser l'espoir que des membres de leurs familles sont encore en vie, qu'il y a de nombreux survivants, de faux espoirs mais ça me ferait trop mal de leur dire la vérité.

Et moi alors ? Ma famille aussi est morte dans cet avion. Mais qui était ma famille ? Quand je pense à elle, je vois une mère qui a le visage de Nami, un père qui a celui de Malo et une sœur qui a celui d'Olga. Au fond, qu'est-ce que ça peut nous faire qu'ils soient tous mort ? On ne se souvient même pas d'eux ! 

Je m'en veux aussitôt de penser ça. Ils sont morts quand même. Ce n'est pas rien ! Ils nous restent peut-être des membres de notre famille plus éloignés ? Peut-être des grands-parents, des oncles ou des tantes ? Mais est-ce qu'on les reverra un jour ? Oui ? Non ? Peut-être qu'on restera ici jusqu'au bout ? Peut-être qu'on mourra ici ? Non, ça c'est vraiment trop flippant. Oui mais on ne sait même pas où on est. On n'a jamais vu de gens passer ici. Oui des gens bien sûr. C'est vrai qu'on risque vraiment de croiser des  gens se baladant tranquillement sur l'eau au milieu de nulle part. Mouais. Et bien on n'est pas rendu. Quitte à crever, autant s'arranger pour ne pas avoir de remords. 

- Olga ? Je suis désolée. Je n'aurais pas dû te parler ainsi. Tu dois avoir l'impression que je me sers de toi. Et en fait, c'est clairement le cas. Mais sache, que depuis qu'on se connait ...enfin je... te considère presque comme ma sœur. Et je tiens énormément à toi. Vraiment, je ne te mens pas, absolument pas. Tout ce que je veux, c'est te protéger. 

Je reprends mon souffle puis me retourne. Je m'attends à voir Olga, ses cheveux blonds dans le vent, ses grand yeux bleus scrutant les miens. Mais ce n'est pas le cas. Il n'y a pas d'Olga, pas de cheveux blonds dans le vent, pas des yeux bleus plantés dans les miens. Elle s'est comme évanouie dans l'air ambiant, disparue. Pffiou.

Et moi, je suis plantée là, les bras ballants venant de débiter dans le vide le plus beau discours de ma vie. Mouais, on n'est vraiment, vraiment pas rendus.

l'île des survivantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant