Épilogue

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Je m'appelle Emma Humber mais vous me connaissez sous le nom de Sasha. 

Et bien me voilà... 2 mois après notre départ de l'île des survivants. 

Tout est allé tellement vite une fois arrivés à Marseille. Notre arrivée a fait son petit effet, dans la presse, les médias... partout. 

Du coup les services sociaux nous ont pris en charge et ont œuvré pour retrouver nos familles. 

C'est celle de Nami qu'ils ont retrouvé en premier. Pour commencer, le vrai nom de Nami, c'est Namiko, qui signifie enfant des vagues. Ils ont localisé ses parents ici dans le nord Pas-de-Calais. Le moment de son départ a été le pire moment de ma courte vie. Je perdais une amie, ma meilleure amie. 

Après son départ, ils ont renvoyé Olga dans son pays, en Russie. Et cette fois-ci, je perdais une petite sœur. 

Puis une semaine plus tard environ, ce fut moi. On a retrouvé mon frère, Sasha Humber. Sasha a 21 ans, donc majeur, et comme c'est le membre le plus proche de ma famille, je serai automatiquement sous sa responsabilité. Mon frère...

Le lendemain, il a donc fallu que je quitte Malo et June. On a tous pas mal pleuré. Je me sentais tellement coupable de les laisser ici. Ils allaient tellement me manquer...

Je suis ensuite partie à Lyon, retrouver mon frère. Ça me faisait bizarre de l'appeler « mon frère », mais c'était pire de l'appeler Sasha. C'est vrai quoi, c'est comme ça qu'on m'a appelée pendant près de deux mois. 

Ça m'a fait un choc quand on m'a dit que mon vrai prénom, c'est Emma. C'est comme si on me volait mon identité. Malo son vrai prénom à lui, c'est Liam et June c'est Maya. 

Quand on est arrivés à Lyon, j'étais au bord de la crise d'angoisse. J'allais revoir mon frère qui jusque-là me pensait morte et, en plus, je n'avais aucun souvenir de lui. 

Eh bien, quand je l'ai revu, j'ai senti mon estomac se tordre dans tous les sens. Ces yeux marron, ces cheveux ébouriffés et sa peau café au lait, ma version en masculin. Au fond, j'ai la certitude que même sans le connaitre, je l'aurais reconnu entre mille. 

Et c'est quand ces yeux embués de larmes se sont posés sur moi que tout m'est revenu, absolument tout, depuis le début. Et du coup mes yeux aussi étaient embués de larmes. 

Après ça, on a eu la plus longue discussion de toute notre vie. Il était atrocement heureux et soulagé de me retrouver surtout après la mort de nos parents. Et c'était pareil pour moi. Du coup, j'ai aménagé dans son petit appart d'étudiant. Je dormais dans sa chambre, il occupait le salon. Les premières nuits ont été les plus difficiles de ma vie. Trop de ... silence ... ni le bruit de la mer ... ni le cri des mouettes ... ni le ronflement de Malo ... ni la lumière de la lune...ni la respiration régulière de ceux que je considérais désormais comme ma deuxième famille. 

Mais au final, j'ai fini par apprendre a vivre avec. 

Les premières semaines, mon frère a interrompu ses études pour rester avec moi et rattraper le temps perdu (je ne reprendrai les cours que l'année suivante.) Mais très vite, il a fallu qu'il retourne à la fac de médecine. Et moi, je me suis retrouvée seule. J'ai occupé mon temps libre à faire des recherches sur ceux qui étaient devenus les autres, Nami, Malo, June, Olga ... et Henry. Parce que, dans le cas d'Henry, il fallait encore que j'envoie sa lettre à sa femme qui habitait à Marseille. Au début, ça m'étais complètement sorti de la tête, mais une promesse est une promesse, alors mieux vaut tard que jamais. 

Mes recherches concernant les autres ont été longtemps vaines mais j'ai fini par y arriver. Après des semaines de trac, j'ai trouvé l'adresse de Nami. 


15 rue Rosati, Arras. 

Et me voilà, après de longues heures de train, pendant lequel mon frère a tout fait pour me soutenir. Je suis là, plantée dans la rue Rosati, complètement gelée, les yeux fixés sur la boite aux lettres de la quinzième maison. Dessus, il y est inscrit ce nom : Tanaka. 

Je ne sais pas quoi faire. Je sonne ? Je ne sonne pas ? J'ai attendu et imaginé ce moment tellement longtemps que maintenant que j'y suis ... eh bien ... je ne sais absolument pas comment réagir. 

C'est alors que là-haut dans le ciel bleu, une ombre passe, une grande mouette blanche à l'œil vif et déterminé. Quand elle passe au-dessus de moi, elle pousse ce cri si distinctif des mouettes : 

- CAKAJ ! CAKAJ ! 

Si j'ai bien appris quelque chose de notre séjour sur l'île, c'est qu'il ne faut pas atteindre la fin de l'orage, mais apprendre a danser sous la pluie. 

Alors, sans la moindre hésitation, je presse le bouton de la sonnette. 

J'entends des voix, puis des pas. Je vois la poignée se baisser. La première pensée que j'ai quand je vois la porte s'entrouvrir, elle est pour Henry, encore à des milliers de kilomètres d'ici. Et puis la porte s'ouvre sur un visage pâle, encadré de long cheveux noirs avec une frange et de grands yeux noisettes. Je vois la surprise se peindre dans ces fameux yeux, puis une immense joie. 

Nami se tient devant moi... ou plutôt Namiko... l'enfant des vagues. 

***

Un vent froid balaye l'île des survivants. Mais cela n'a pas l'air de déranger l'homme assis en tailleur sur la plage. Au contraire il sourit. Il sourit en pensant au groupe d'ados qu'il a aidé à fuir deux mois plus tôt. 

Il sourit en pensant  à sa femme qui, en ce moment même, est peut-être en train de lire la lettre qu'il lui a écrit. 

Il sourit en pensant au bateau qui le ramènera à Marseille dans un an. 

Il sourit simplement parce qu'au fond, il n'a jamais été aussi heureux. 

l'île des survivantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant