Jour 24 du 2e moi : Des adieux difficiles

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Sept jours, sept jours que nous travaillons sans relâche. Mais nous avons réussi, nous avons fini ... Fini le radeau de la liberté. 

Nous sommes tous les six debout sur la plage, face à la mer, Nami au milieu. Dans ses bras elle tient Cakaj, petite mouette autrefois fragile, aujourd’hui forte et résistante, autrefois l'objet de notre jalousie, aujourd’hui nous en avons bien honte. Elle est notre amie, notre compagne silencieuse depuis le début de l’aventure, celle dont la présence nous incommodait pour la plupart, celle dont la présence va nous manquer à partir de maintenant. 

Mais une mouette est une mouette et une mouette n'a pas sa place sur le bateau de la liberté, une mouette à sa place ici, dans les nuages, au-dessus des lagons d'eau turquoise. 

On ne soupçonnait même pas à quel point on s’était attaché à ce volatile, et à quel point sa remise en liberté nous est difficile. Car là-bas en Europe, nous serons bien loin de chez elle, alors nous le savons, ces au revoir sont sûrement des adieux. 

Nami pleure comme je ne l'ai jamais vu pleurer avant. Elle a les joues trempées de larmes et sa poitrine est secouée de soubresauts. Ça me fait de la peine de voir mon amie dans cet état. Mais que dire pour la réconforter ? 

La durée est assez étrange. On a l’impression d'avoir passé des siècles ici et, en même temps, seulement quelques jours, deux mois. Voilà combien de temps nous avons réellement passé ici. Ça fait peur dit comme ça parce que deux mois c'est beaucoup, c'est même énorme. Et pourtant face à toute la vie qu'il nous reste à vivre, c’est minuscule. 

On s'est promis qu'on n’oublierait jamais Cakaj. Même quand on rentrera chez nous, même quand on sera des adultes surchargés de travail. On s'est promis qu'à chaque fois qu'on verra une mouette dans le ciel, on aura une pensée pour elle, pour notre Cakaj à nous. 

Nami a desserré les bras, et après quelques battements d’ailes hésitants, Cakaj a pris son envol. Les animaux ont plus d’instinct que nous, elle a compris ce qu'on attendait d'elle. Elle s'en sortira. On l’a longtemps suivi du regard, jusqu’à ce qu'elle ne soit plus qu'un point noir dans l’immensité du ciel. Elle a rejoint son monde. Elle a rejoint les siens. C'est à notre tour à présent. 

Nami a essuyé ses larmes d'un revers de main et nous sommes repartis vaquer à nos occupations. Elle refuse de l'avouer mais parfois la nuit, je l'entends sangloter en silence. Cakaj lui manque, c'est indéniable. Elle avait un côté attachant cette mouette, on ne peut pas le lui enlever. Et puis après tout, c’est Nami qui l’a recueillie, Nami qui l'a nourrie et choyée. Que voulez-vous ? On s'y attache forcément.

Comme on s'est attachés les uns aux autres. Et même si personne n'en parle, nous savons que nous allons devoir nous séparer. Et ce sera sûrement encore plus difficile que les adieux à Cakaj.  C'est le prix à payer et nous le paierons.

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