Bleu
- Bleu, est-ce que tu m'écoutes ? lança ma mère en ronchonnant, assise face à moi. Elle déteste parler dans le vide et moi j'adore ne pas l'écouter.
- Tu disais ? je sors de mes pensées et me replace sur l'immense canapé du salon principal. Livre à la main.
- Je déteste me répéter et tu le sais - qu'est-ce que je disais - elle enlève ses lunettes et prend son air d'exaspération. Je t'ai vu rôder près de l'entrée principale, tu voulais sortir en douce ?
Je la regarde en haussant les sourcils comme guise de réponse. Elle m'exaspère. Depuis que je suis né, mes parents ont installé une seule et unique règle et si par malheur je l'en fraignait, j'allais m'attirer les foudres de ceux-ci.
Je n'ai jamais compris pourquoi je ne devais pas vivre comme les autres filles de mon âge, j'ai grandis avec des questions plein la tête et personne pour y répondre.
Je prends mon livre, me lève du canapé dans lequel j'étais engouffré depuis une bonne heure au moins et traverse, pour la je ne sais combientième fois, les murs de ce manoir froid et chaleureux à la fois. Nous vivons loin de tout et de tous, enfoncé dans les campagnes d'Orlando aux Etats-Unis. Notre manoir est entouré par les arbres, le seul chemin que j'ai pu apercevoir durant toutes ces années était celui qui menait à notre immense portail.
Cette "demeure" était en réalité, un manoir familiale, qui se succède à chaque nouvelle génération de Smith. Vu de dehors, il avait l'apparence d'un château gothique, avec son architecture des années 1720, ses tours immenses, ses multiples fenêtres et son immense jardin qui n'en finissait pas - celui qui me tient compagnie depuis toujours. Mon seul et unique paysage.
Chaque fois que j'arpente ces murs et ces salles qui sont plus grandes les unes que les autres accompagné de plusieurs lustres, cette immense entrée par laquelle on découvre le grand escalier qui permet d'aller à l'étage accompagné de deux lustres posés de chaque côté de celui-ci.
Je me demande quand est ce que je vais pouvoir aller au-delà de ce périmètre qui m'est limité depuis toujours ? Quand est-ce que je vais pouvoir atteindre le seuil de notre immense portail qui accentue ce sentiment d'enfermement ? Quand est-ce que je vais pouvoir découvrir le monde ? Un monde si inconnu.
La seule compagnie qui m'est accordée est celle des chants des oiseaux et de mon seul et unique ami Brown. Cameron Brown.
- Bleu ! je t'ai déjà dit, de ne pas partir pendant une discussion !
Les cris de ma mère me sortent de mes pensées. Elle ne veut absolument pas lâcher l'affaire. Je suis juste sortie dans le jardin pour m'aérer. Dès que je suis trop proche de ce maudit portail, la seconde d'après madame est au courant. Comment ? Je ne sais pas, elle n'est jamais là. Ou plutôt jamais avec moi.
Je l'ignore tout en entendant ses pas déterminés et ses talons claquer sur le sol, prête à me bondir dessus. Arrivé devant ma porte, main à la taille, je savais déjà qu'elle ne lâchera pas le morceau.
- Maman, je suis juste sortie prendre l'air, c'est pas la mort si je marche en me rapprochant d'un centimètre de trop du portail. dis-je d'un ton sarcastique tout en feuilletant mon livre que je n'avais pas quitté des mains.
- Si ça l'est jeune fille ! crie-t-elle.
Je fronce les sourcils et lui lance un regard d'incompréhension. Je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi elle s'emporte autant pour une balade que je fais quasiment tous les jours, qui me permettait de me sentir libre pour une durée déterminée. Et elle venait encore une fois de gâcher le peu de sentiment de liberté qu'il me restait. C'en est assez.
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Bleulivide
Novela JuvenilBleu, un prénom singulier pour une fille originale, torturée par ses démons les plus profonds. Née dans une famille riche et mystérieuse, elle grandit dans l'ombre du manoir familial, protégée des dangers extérieurs par la volonté inébranlable de se...