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Quand Kojiro avait proposé de partir une nouvelle fois avec la bande aux sources chaudes afin de se remettre des événements du tournois, Kaoru n'avait pas pu s'empêcher de sourire narquoisement. Tout d'abord parce que les « enfants », comme Joe avait tendance à les appeler, étaient pour les deux tiers pratiquement majeurs, sans compter Hiromi, ce qui faisait de Miya le seul «gosse » à proprement parler du lot. De plus Cherry savait pertinemment qu'il finirait par payer la presque totalité du séjour («ne vas pas me faire croire que ton restaurant de gorille te permet de payer un standing pareil »). Ensuite, car l'idée avait été abordée avec un verre de vin blanc en équilibre entre quelques doigts lassés et au pied de draps froissés, et que Kojiro avait bien conscience que dans ce genre de situation -bien que Kaoru refuse de l'admettre- il était aisé de persuader le calligraphe du bien fondé de ses idées. Ce dernier avait donc vécu son engagement dans ce périple comme un coup bas, faisant ainsi preuve de mauvaise foi puisqu'il avait déjà extorqué quelques promesses dans des moments pareillement salaces à son cuistot. Seulement, il ne s'était pas attendu à ce que le dit onsen se trouve dans la préfecture d'Osaka, sur l'île principale, dans la petite ville d'Amami, elle-même à une heure en voiture de l'aéroport. Cela ne put qu'accroître sa rancune, et par conséquent, sa recherche de vengeance.

Suite à quoi, l'argument « on n'est pas une colo de vacances » n'avait eu aucun poids, et, apparemment, convaincre les vrais parents des trois mineurs n'était pas été un obstacle. A croire que « mama Cherry » et « daddy Joe » était une réalité (non, Kaoru ne voulait rien savoir, aider Miya à faire ses exercices de maths quand il traînait au resto ne valait rien, et s'inquiéter lorsque Reki ne parlait plus pendant un quart d'heure à Langa non plus).

Bien évidemment, le fait que Kaoru et Kojiro conservent leur relation « secrète » n'était en aucun cas incompatible avec celui de partager une valise. Donnant ainsi lieu, sur les tatamis lisses de la demeure des Sakurayashiki, à une scène de cet acabit :

-Je ne trouve pas que tout ce transport vaut l'expérience d'un « vrai » onsen.

-Oui honey, je sais. C'est ce que tu avais dit pour Paris et au final tu avais été bien content. Tu as encore de la place dans ta valise pour ma trousse de toilette ?

-Dimwit. Tu emportes encore trop de chemises.

-C'est parce que tu adores m'en piquer.

Ce qui était vrai. Kaoru mettait presque un point d'honneur à allumer Kojiro en exécutant la scène clichée du petit-déj à l'aide du combo chemise du petit-copain/sous-vêtements. Mais ça non plus, il ne l'admettrait pas, et c'était une autre des milles raisons pour lesquelles Joe était très amoureux. Néanmoins, que Kaoru adore ou non piquer les chemises de son Kojiro ne changeait en rien au fait qu'il lui pardonnait difficilement d'avoir choisi un onsen dans un bled qui portait exactement le même nom qu'une île au nord d'Okinawa bien plus proche que la foutue préfecture d'Osaka. Et on avait tendance à oublier que ce n'était pas parce que Kaoru était plus discret dans ses conquêtes que Kojiro qu'il en était plus prude.

Parce qu'on ne pouvait skater dans un avion, le trajet jusqu'à Osaka s'était fait paisiblement. Et parce que les sièges d'avion étaient et restaient inconfortables, on ne pouvait pas reprocher à Cherry de s'être endormi sur l'épaule de Joe. Ou bien, Hiromi, Miya, Langa et Reki s'étaient déjà trop accoutumés à l'étrange relation de ces deux pionniers de la « S » pour se poser des questions. Suite à quoi, les deux figures parentales avaient loué un mini-van, parqué chaque gosse et demandé à Shadow de les surveiller.

Sur la route, les principaux événements jusqu'à l'auberge de sources chaudes de Kawachinagano d'Amami furent : Miya moquant les tourtereaux qu'étaient les deux lycéens, la sortie interminable dans les bouchons d'Osaka et Cherry qui s'éventait. Pourtant, seul « Cherry qui s'éventait » consistait en une source de distraction pour Joe : le voyage l'avait poussé à revêtir une commune chemise (qui lui appartenait belle et bien puisque Kojiro la lui avait offert) et la chaleur l'avait conduit à en entrouvrir le col. La brise de l'éventait avait joué avec les deux pans de tissu, laissant voir à Kojiro la route de la gouttelette de sueur ; de la naissance de la nuque, passant par clavicule et chutant, toujours plus bas, plus bas, plus bas. Elle fut rapidement rejointe par d'autres lorsque Kaoru s'aspergea malencontreusement d'eau en buvant à l'occasion d'un virage trop serré. Et pendant que Kojiro se traitait mentalement de chien en chaleur, Kaoru se demandait jusqu'où il pourrait aller sans être ouvertement une catin.

Antinoüs au bord du NilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant