Mortels

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Je suis allongée sur les pierres plates qui bordent le lac Crystal. Comme à ma mauvaise habitude, je suis encore là, à me prélasser au soleil, en observant les humains vaquer à leurs occupations quotidiennes. Je ne sais pas ce qui me pousse à désobéir, mais ils me fascinent tellement ! Eux, ils vivent pour de vrai, ils peuvent vivre des aventures, ressentir des choses. J'envie ces femmes qui, elles, ont eu la chance de vivre le grand amour, de fonder un foyer, d'avoir des enfants. J'aimerais tomber en amour moi aussi ! Mais, tout ce que je ressens, c'est de la jalousie. Je n'ai pas le droit de traverser du côté des mortels, c'est interdit. On raconte que si un humain te ramène de son côté, et que si tu en tombes amoureuse, tu deviens mortelle toi aussi. C'est le pire cauchemar des nymphes de la tribu, mais c'est mon plus grand rêve. Les filles me trouvent bizarre, elles me disent que je n'ai rien à leur envier, que les humaines rêvent toutes d'être une nymphe, d'être éternellement jeune, d'être parfaites ! Mais moi, j'en ai assez de toute cette perfection ! De cette vie ennuyeuse, répétitive et interminable ! Sa ne me plaît pas, de rigoler, de me vanter et de me peigner les cheveux toute la sainte journée ! Bordel, c'est chiant à la fin ! En plus, il fallait vraiment que j'aille la plante la moins désirée de toutes ? J'ai le sureau mortel, je suis née dans un bourgeon de sureau mortel.

Dès l'instant où la pousse de ma tige est apparue au centre du Jardin des Nouvelles, tout le monde à commencer à me redouter. Le sureau mortel, cette plante à l'odeur si alléchante qu'elle nous pousse à gouter à ses fruits. Fruits qui, une fois ingérés, nous tuent en moins d'une minute.

Lorsque je suis née, comme j'étais bizarre, les filles m'ont crainte, elles avaient peur que je les prennent dans mes « filets ». Avec le temps, comme elles ont bien vu que j'étais inoffensive, leur crainte c'est muté en mépris. Me voilà donc devenue le mouton noir de la tribu. Mais une chance que je n'étais pas la seule « ratée » et me voilà donc intimement liée avec Camomille, ma meilleure amie. Mais même elle ne comprend pas ma fascination face aux mortels.

Ah, j'avais oublié, je m'appelle Sureau. C'est moche comme nom, je le sais, pas la peine d'en rajouter.

Ma profonde réflexion fut coupée par un bruit de course pas du tout gracieux. Justement, J'entends la coureuse respirer bruyamment, comme si elle baillait. Je soupire en devinant Camomille, toujours sur le point de s'endormir.

- Sue ! Sue ! Bordel de merde, combien de fois est-ce que nous allons devoir te répéter de ne pas quitter la forêt ? (elle tombe dans la lune puis pense à autre chose)Tu sais, sa va être...(Elle prends une pause et bâille bruyamment avant de recommencer) Tu sais, ce soir... sa va être la fête dans le Jardin des Nouvelles ! On va avoir trois nouvelles ! Tu...te rends compte ?

- Cam, tu n'avais pas quelque chose d'important à me dire ?

- Ha oui ! C'est vrai... Tu ne dois pas quitter la forêt. La Mère est très fâchée, elle m'a dit qu'il fallait que tu ailles la voir à la cour immédiatement.

- Sérieusement ?

- Oui, elle était vraiment dans une colère noire...Je ne souhaiterais vraiment pas d'être à ta place !

Elle porte la main sur sa bouche, avec une expression horrifiée. Je comprends ce qu'elle vient de me dire et les larmes me montent aux yeux. Je me tourne vers le lac.

Vous ne pouvez pas imaginer combien de fois on m'as dit cette phrase. Mais les personnes qui me l'on dite avait de bien plus mauvaises intentions que ma pauvre Cam.

- Oh non ! Je ne voulais pas dire sa Sue ! Tu sais bien que ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! Je n'y ai vraiment pas pensé !

- Je sais bien, Cam. Je sais bien.

Je porte ma main à mes paupières et essuie quelques larmes provoquées par une douleur ancienne. Je me force à sourire, puis me retourne vers elle.

- Allez, je ferais mieux de me rendre à la cour.

- D'accord, me dit Camomille.

Je passe sous la branche du saule pleureur qui cache la forêt aux yeux des mortels, puis je me lance dans les branches. Nous ne pouvons pas voler, mais nous sommes extrêmement légère, donc nous grimpons aisément aux branches et grâce aux imperfections de l'écorce. Des nymphes sont assises sur des branches, ici et là. Elles me fixent sans dire un mot, mais un sourire moqueur se dessine sur leurs lèvres parfaites et rosées. Nous avons toutes certains points communs, pensai-je en me dirigeant vers le Chêne. De longs membres musclés élégamment, des marques vertes sur notre peau, notamment près du visage, de la poitrine et sur le ventre. Elles ressemblent aux dessins que le givre laisse sur du verre par une froide nuit d'hiver. Nous avons toutes un visage à faire rêver, nous sommes toutes grandes et minces, nous avons toutes de belles courbes... Quels clichés... Mais pardessus tout, nous sommes toutes intimement reliées à notre plante. Nous tenons de cette plante notre nom, notre comportement, et notre apparence. Exemple, si j'ai le framboisier, je vais m'appeler Framboise, je vais avoir les cheveux et les yeux roses-rouges, et les feuilles qui recouvre ma poitrine et mes hanches seront des feuilles de framboisier. Ah oui, j'avais oublier, nous n'avons pas de vêtements, les feuilles qui nous recouvrent font l'affaire. Donc, j'ai les yeux noirs-mauves, comme les fruit du sureau noir, j'ai de longs cheveux blancs lorsque je suis heureuse, rouges lorsque je suis en colère. De petites feuilles vertes couvrent mes seins et mes hanche jusqu'au haut de mes cuisses. Ce sont des genres de sous vêtements végétaux? Enfin, vous voyez le genre.

Je suis arrivée devant le grand arbre, Chêne. C'est là que vit la Mère de la forêt, Silvia. Elle comme notre reine, c'est elle qui prends les décisions importantes, qui donne les sanctions.

Le Chêne est un arbre immense, avec de grandes branches larges et un creux en son centre, où siège la cour. A l'arrière du Chêne, se trouve le Jardin des Nouvelles, où trois pousses sont prête à éclore. Ce qui signifie trois autres filles qui me rejetteront, trois autres filles dont je serai la risée. Mais bon, je n'ai pas le temps de penser à cela, la Mère m'attends.

Je grimpe jusqu'à la cinquième branche du Chêne, et entre dans une cavité, la cour. Dans la salle, il y a plusieurs filles qui rôdent autour de Silvia. Elles quêtent des faveurs, surement. Mais lorsque je rendre dans la salle, le silence se fait. Toutes me regardent, toutes sauf Silvia. Elle se retourne lentement, puis me fixe dans les yeux, ce qui me fait baisser la tête. Elle est très imposante, avec ses yeux verts de même que sa chevelure coiffée d'une couronne d'épines.

- Sureau, me dit-elle.

- Oui ?

- Pourquoi tiens tu tant aux mortels ? Qu'est-ce qu'ils ont de si fascinant à tes yeux ? Dis-le moi.

- Je ne sais pas, ma reine.

Silvia prit un instant pour réfléchir, la main sur sa tempe. Elle soupire.

- Tu sais, mes messagers m'ont appris quelque chose. Une légende circule du coté des hommes. Ils racontent qu'une femme magnifique serait coincée sur la rive opposée. Que ses cheveux seraient aussi blancs que la neige, et que son chant aurait la capacité d'éblouir tous les hommes du pays. Tu sais ce que cela signifie ?

- Non, ma reine, répondit-je surprise.

- Qu'ils t'on aperçu ! cria-elle.

Je baissai la tête, prête à accueillir un sermon bien mérité. Je sens mes cheveux virer au rouge.

- Et tu ne connais pas le pire. Ils viendront te chercher, car ils croient que tu ne peut pas retourner de leur coté.

- Quand ? Demandai-je, inquiète et heureuse en même temps.

- Ne te réjouis pas trop vite. Tu n'iras pas de leur coté. Pendant qu'ils te chercheront, demain soir, tu enlèveras un homme. Tu l'emmèneras vivre avec nous. Tu lui révéleras ce que nous sommes. Tu verras bien sa réaction. Les mortels ne sont pas parfaits. Il aura peur ; il voudra nous tuer. Peut-être qu'enfin tu comprendras qu'est-ce qu'un mortel. Et si par malheur, tu venais à t'attacher à lui, il devra mourir de tes propres mains.

NymphesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant