Assise sur sa branche, elle planifiait sa soirée, ou plus précisément l’enlèvement d’un mortel. Elle était loin de se douter que de l’autre coté du lac, quelqu’un d’autre élaborais plan similaire en tout points au sien, sauf qu’il visait une créature dangereuse.
∞
Assis au deuxième étage d’un bar miteux, une table regroupait une dizaine d’hommes qui discutaient rigoureusement. Les chopes de bières cognaient violement le bois déjà ébréché et les mots fusaient grossièrement de la bouche d’un homme à l’apparence mal léchée. Certains autres étaient déjà ivres morts, ou le semblaient malgré l’heure encore jeune de ce début d’après midi de printemps.
- J’vous dit les gars, dans l’bois d’l’autre coté y’a de quoi de malsain, d’pas bon du tout. C’t’une sorcière, une créature du diable qui veux nous attraper pis nous éventrez. Y faut protéger nos femmes pis nos gosses, parce que c’dangereux c’qu’y à là-bas.
- T’es sur de ce que tu dis Picard ? Tu l’as vue toé ? Dit un homme dans la quarantaine, Hubert Tessier, père d’une famille de onze enfants.
- Non, moi j’lai pas vu. Mais Legendre lui y’a eu la malchance de la voir.
Picard fait un signe de tête en direction de Legendre, qui est tombé endormi sur la table, la choppe à la main et un filet de bave sur le coin de la bouche. Son voisin lui secoue l’épaule, et l’endormi se grogne en se redressant et essuie sa bouche avec le coin de sa manche.
- T’as vu le diable sur l’bord d’la rive d’en face Legendre ? fit Hubert.
- Et comment que je l’ai vu, dit le principal intéressé en se redressant, il avait l’air d’avoir dessoûler d’un coup et sa peau blanchit à vue d’œil. Un monstre, un démon, une créature du monde d’en bas. C’était hideux, dangereux. Sa m’a donner des frissons sur les bras ce truc là. Elle était là, debout sur une roche à l’autre boute du lac. Elle me fixait de ses gros yeux rouges, et ses cheveux étaient pleins de sang. Y’en a qui disent qui ont vu une beauté fatale, moé j’te dit que j’ai vu l’diable en personne.
Picard acquiesça d’un air satisfait.
- On la capturera se soir, les gars. Et dans deux jours, à la pleine lune, on construira un bucher. Lorsque qu’elle sera au plus au dans le ciel, le diable brûlera une bonne fois pour toutes.
Au coin de la table, Edwin Picard, malgré l’esprit embrumé par l’alcool avait entendu les plans de sont père. Il était contre le fait d’attendre deux jours avec un monstre au village, et se promit d’aller mettre fin à la vie de la créature avant son temps. Toutefois, il continua de faire semblant de dormir, et au moment où son père et ses amis quadragénaires se levèrent de table repartirent chez eux, il se dirigea vers l’église de Émoria, le village où il avait grandit. Il connaissait deux manières d’éliminer le diable ; le feu d’une pleine lune à son apogée, et l’épée Vengeresse.
Il poussa la porte de l’église, et sans faire de bruit il se faufila à travers les bancs. À l’arrière de l’autel, une fresque représentait Satan aux enfers, entrain de fuir une épée au manche d’émeraude tombée du Ciel. Sous la fresque, une dalle du plancher était légèrement surélevée, et il savait que l’épée Vengeresse, la seule épée pouvant anéantir le diable s’y trouvait.
Il souleva la dalle, saisit l’épée et la cacha dans son manteau. Il retourna alors chez lui, dans sa cabane du fond des bois et la plaça sous son sommier. Depuis ses dix-sept ans, Edwin vivait seul dans une petite cabane de bois rond entre le village et le lac, au plein cœur d’une forêt mixte. Maintenant à dix-neuf, il se sentait vraiment adulte et avait décidé de prendre ses responsabilités envers son village, et de le débarrasser du démon de l’autre rive.
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Nymphes
RomanceJe suis une nymphe qui ne veut pas en être une. Je veut vivre des aventures, moi aussi! Mais je ne dois pas me mêler aux mortels malgré l'attraction qu'ils exercent sur moi, car qui s'y frotte, s'y pique.