- Chapitre 1 : Fuite -

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- Bute-la ! Bute-la bon sang qu'est-ce que tu attends ?! 

Un silence, suivit d'un bruit mat que fait un corps en tombant sur l'asphalte du port. La silhouette d'un homme se dessine devant le cadavre qui gît désormais par terre. Il s'exclame d'une voix froide : 

- Tch ! Tu m'expliques ce que tu attendais pour la buter ? 

Une voix de femme brise le silence suivant la question :  

- Ton "fils" était mieux placé que moi. 

Le mot fils craché de sa bouche avait l'air de la dégouter particulièrement. 

- Il ne serait pas de ce monde sans toi aussi tch ! Gamin ! 

Le cri résonne froidement dans le hangar désaffecté dans lequel ils se trouvent. Une troisième silhouette, toute tremblante, se dessine dans la lumière de la lune. 

- O-oui ... ? 

Le bruit d'une gifle résonne. 

- Combien de fois devrais je te répéter de faire ce que l'on t'ordonne de faire ?! Qu'ai je fais à la nature pour mériter un pareil boulet, kuso ?!!  

Reculant en arrière à cause de la force de la gifle, le visage d'un jeune garçon aux yeux verts apparait dans la lumière de la lune. Ses yeux sont écarquillés d'effroi. 

Son père claque de la langue, attrape la main de sa femme et siffle entre ses dents : 

- Tu sais ce qu'il te reste à faire désormais ... 

Les deux adultes s'en vont le laissant ici, seul. Sa joue est cuisante, la douleur se fait ressentir jusque dans sa tête. Un début de migraine s'annonce. Il veut toucher du bout des doigts la zone douloureuse mais s'avise en fixant sa main ensanglantée. 

Le sang de la victime. 

Le sang d'une personne innocente qui s'était juste trouvée là où il ne fallait pas. 

Et lui il avait été témoin de son assassinat. 

Et il n'avait rien fait. 

Il est pris d'un haut-le-coeur, tourne rapidement la tête sur le côté et vomit, écœuré par tout ce qu'il vient de se passer. Il se redresse ensuite difficilement et s'occupe de ce que lui a demandé de faire son père ... 


*** 


Adossé au mur de ce qu'il appelait sa chambre, Hayato tentait de se calmer. Une fois de plus, un crime se déroulait sous ses yeux et il ne bougeait pas d'un poil. 

En même temps, il risquait de se faire tuer par ses parents ou par leurs supérieurs. Hayato avait déjà eu l'occasion d'en voir quelques uns. L'un d'entre eux, le plus marquant, un certain Gin. Son regard noir qu'il n'avait vu que quelque fois lui avait laissé de sombres souvenirs. 

Les membres de cette sinistre organisation utilisent tous un nom de code d'alcool. Hayato n'est pas considéré comme un membre bien utile, est simplement surnommé "gamin". Il a même souvent le droit à un adjectif précédant ou suivant ce pseudonyme, comme "sale gamin" par exemple. 

Un bruit de verre brisé le tire de ses pensées. On dirait que son père a encore cassé une bouteille vide. Il adore faire ça une fois qu'il a tout bu ... Par chance, Hayato ne se trouvait pas à côté de lui. Disons qu'il aime quand les bouteilles se brisent sur la tête de son incapable de fils ... 

Le garçon aux yeux verts serre le poing. Mais cette fois, c'est décidé. Il va fuir sans se retourner. Il a bien essayé quelques fois, mais ces fois là ce sont soldées d'un échec. Il n'a pas le droit de fuir l'Organisation au risque de se faire tuer. Il a été témoin de beaucoup trop de choses. Même en promettant de ne rien dire, il sait qu'en quittant ce cercle vicieux, il se fera tuer sans hésitation. 

Pourtant, aujourd'hui, se faire tuer n'est plus si important que cela. Comment un être misérable comme lui pourrait avoir le droit de vivre alors qu'il ne bougeait pas d'un poil pour sauver la vie d'autrui. Toutes ces personnes qui le fixaient d'un regard vide, étonné, sans vie, comme si elles aussi se demandaient pourquoi la Mort ne voulait pas l'emporter ? Comment un déchet comme lui pouvait il avoir le droit de continuer de vivre ?  

Hayato aurait voulu leur répondre que non, il n'est pas chanceux, non, il ne veut pas vivre, non, il ne voulait pas leur mort. Il aurait aussi voulu leur répondre qu'il avait peur, qu'il n'arrivait pas à tenir tête à cette organisation criminelle, il n'arrivait même pas à tenir tête à ses propres problèmes. La Vie le nargue et la Mort l'évite. 

Alors, il doit prendre des risques et aller au-delà de ce qu'il a déjà fait, au lieu de revivre cette routine à la chaîne. Il se redresse déterminé, réunit quelques affaires qui trainent çà et là, les fourre dans un sac à dos et s'apprête à sortir de sa chambre. Il ne prend même pas la peine de se changer. 

Il prend une grande inspiration, serre les dents et pousse la porte de sa chambre, révélant un triste spectacle. Un salon maculé de déchets, dans lequel ses deux parents étaient endormis, ivres morts. Il s'approche sans bruit de la porte d'entrée. Après tout il avait l'habitude de se mouvoir sans bruit. 

Il parvient à pousser la porte sans qu'elle ne grince. Il prend une inspiration et il sort le plus silencieusement possible. Il referme derrière lui, et se met à courir, aussi vite et aussi loin qu'il le peut. La pluie qui tombait depuis le début de la nuit ne lui faisait pas de cadeau. Elle tombait toujours aussi froide et drue qu'au début. Il rabat la capuche sur son visage, plus de peur que quelqu'un ne voit son visage qu'à cause de la pluie. Il traverse la tête baissée, frôle les passants et court dans les flaques. 

Son seul but pour le moment est de fuir sans encombre, sans se faire tuer ou rattraper avant de disparaitre dans la nature. La question de l'abri pour la nuit, il s'en passerait pour le moment. Une nuit blanche ou deux serait beaucoup moins douloureux que de tomber entre "leurs" mains ... 

Il serre son poing encore ensanglanté à cause de l'évènement du port, serre les dents ignorant la douleur qui se réveille dans sa joue, remet sa capuche qui commençait à tomber et regarde droit devant lui. 

Je fuirai cette maudite organisation et je la détruirai à moi tout seul, je ferai payer pour chacune des victimes de ce groupe criminel , pour celle que j'ai vu mourir et pour toutes les autres ...  

The Black Cat [Détective Conan]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant