✦༷༷ 4 ༣ཾ྄❥ L'INCONNU

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❥‧₊˚ 𝐄́𝐥𝐞𝐨𝐧𝐨𝐫𝐚

Avoir un inconnu chez moi, un homme de surcroît, me met tout sauf en confiance. Mon esprit s'emballe avec mille scénarios possibles. Et si ma mère avait ramené un nouveau compagnon à la maison sans prévenir, alors que papa rentre aujourd'hui de voyage ? Ce serait un vrai champ de bataille, une guerre assurée, et moi, tout ce que je veux, c'est un peu de tranquillité.

Je respire profondément pour me calmer. Allez, Éleo, t'es forte, il faut que tu te défendes avant qu'il n'ait l'idée de te faire quoi que ce soit ! Je serre le balai dans mes mains, rassemblant mon courage, prête à me jeter dans une tentative héroïque pour le frapper. Mais alors que je m'apprête à passer à l'action, un éclat de rire retentit dans la pièce.

Je lève les yeux, le cœur battant, et aperçois mon père qui sort du couloir, souriant largement en me voyant, amusé par ma posture défensive. Il a les bras croisés, un air décontracté qui contraste avec mon attitude tendue.

— Tu comptes vraiment me chasser mes invités avec un balai, Éleo ? plaisante-t-il, son sourire se transformant en rire franc.

Je baisse le balai, légèrement embarrassée, mais soulagée de voir qu'il ne s'agit pas d'un inconnu imposé par ma mère. Mon père s'approche de moi, posant une main rassurante sur mon épaule. Tout mon stress s'évapore à cette simple sensation, et je réalise à quel point j'ai réagi par instinct, prête à me battre pour mon espace, ma sécurité.

Je ne trouve pas ça drôle du tout. Franchement, pour quelqu'un qui revient du travail, mon père pourrait faire un accueil un peu moins brutal pour sa propre fille.

— Très bien, ma fille, tu peux reposer ça. Je te présente Aurelio, un associé, annonce-t-il d'un ton posé.

Je soupire en déposant le balai, me sentant un peu ridicule. Ce prénom, Aurelio... Il me perturbe. Sans trop savoir pourquoi, je me rends compte qu'il a une résonance particulière pour moi. « Aurelio », c'est exactement le prénom que je rêve de donner un jour à mon fils, mon futur enfant, si jamais j'en ai un. Ce nom signifie « doré » et, pour moi, il incarne aussi l'idée d'un rayon de soleil dans ma vie. Un enfant, c'est ça... un bonheur lumineux, une promesse de renouveau. Mais je n'ai jamais osé en parler à David. Lui, il a l'air de mépriser ce genre de rêves, et il ne cache pas son dédain pour les « mômes », comme il les appelle.

— Enchantée, dis-je finalement, tentant de cacher mes pensées derrière un sourire poli.

Je m'attends à ce qu'il me tende la main pour un salut formel, mais il n'en fait rien. Il reste là, immobile, les bras croisés, me scrutant de ses yeux sombres et envoûtants. Ces yeux me troublent ; j'ai l'impression étrange de les avoir déjà vus quelque part, mais impossible de me rappeler où. Ce regard, mystérieux et presque familier, semble peser sur moi, comme s'il cherchait à percer un secret que même moi j'ignore.

— Quand je suis parti, ta vie était bien différente, dit-il en se tournant vers mon père, sa voix posée mais teintée de nostalgie.

Le ton de leur échange me rend nerveuse, presque comme si je surprenais une conversation privée. Je ne sais pas trop si je devrais rester ou leur laisser de l'intimité. Hésitante, je commence à me diriger vers le salon pour leur laisser un peu d'espace, mes pas se font légers, mais avant que je n'atteigne le seuil, mon père me retient d'un ton qui ne laisse pas de place à l'évasion.

— Éleonora, reste ici, dit-il, me jetant un regard sérieux. J'aimerais qu'on discute tous les trois.

Je m'arrête net, surprise par son expression inhabituelle. Mon père, d'habitude peu enclin aux grandes discussions, a l'air de vouloir partager quelque chose d'important. Une vague d'anxiété monte en moi, mais je fais de mon mieux pour garder mon calme. Mon regard se pose sur l'inconnu, Aurelio, qui semble attendre, impassible mais attentif, comme s'il savait déjà ce qui va suivre.

Je ne comprends pas ce que je pourrais bien avoir à dire à cet homme que je ne connais même pas. Toute cette situation me dépasse, et l'envie d'appeler Ivy devient de plus en plus pressante. Malgré tout, la curiosité l'emporte, alors je me tourne lentement vers eux.

— D'accord...

Je m'avance et prends place en face de mon père, m'asseyant ainsi juste à côté de l'inconnu... enfin, de cet associé, comme il dit. En jetant un coup d'œil à cet homme, je remarque à quel point il dégage quelque chose de singulier, presque inquiétant. Ses traits sont marqués, il a ce look qui mêle élégance et danger, un air de mauvais garçon qui semble tout à fait assumé. Ses yeux sombres, toujours posés sur moi, captent la lumière d'une façon presque hypnotique.

Mon père inspire profondément, évitant mon regard pendant quelques secondes, comme s'il cherchait les bons mots. Puis, il lève les yeux vers moi, et ce que je vois dans ses traits m'ébranle un peu. Il paraît tendu, comme s'il s'apprêtait à aborder un sujet délicat qu'il redoute.

— Je sais que je n'ai pas été très présent... que je n'ai probablement pas été le père que tu méritais, commence-t-il, sa voix trahissant une pointe de culpabilité.

Je reste silencieuse, mon cœur battant plus vite alors qu'il prend une pause. Puis il me fixe droit dans les yeux, et d'un geste doux mais sérieux, il pointe mon bras, là où des marques sont encore visibles, même si j'ai tenté de les dissimuler.

— Alors... explique-moi d'où viennent ces marques sur ton bras, finit-il par dire, sa voix soudain plus ferme.

Sans blague... Je baisse les yeux vers mon bras, réalisant seulement maintenant l'étendue des bleus qui marquent ma peau. Instinctivement, je le cache sous la table, sentant ma gorge se serrer. Le poids de leur regard me fait frissonner, et je tente de détourner l'attention, de trouver une échappatoire.

— C'est rien, dis-je d'une voix presque murmurée.

Mais mon père ne semble pas convaincu le moins du monde. Il me fixe, l'expression dure, cherchant probablement à percer le secret que je tente de dissimuler. À côté de moi, Aurelio, l'associé, m'observe avec un air interrogateur, comme s'il essayait de décrypter quelque chose d'invisible, de reconstituer les pièces d'un puzzle qui ne fait aucun sens.

Après un instant de silence pesant, mon père lâche finalement un soupir.

— Très bien, si tu ne veux pas m'en parler maintenant... d'accord, commence-t-il, la voix plus tendue qu'il ne voudrait le laisser paraître. Mais écoute-moi bien. Pendant mon absence et celle de ta mère... Aurelio va s'occuper de toi.

Cette déclaration me fige, et je sens Aurelio se raidir à mes côtés. Il tourne un regard stupéfait vers mon père, son expression se durcissant. Il semble pris au dépourvu, comme si cette responsabilité inattendue venait de bouleverser ses propres plans. Il échange un regard long et silencieux avec mon père, chargé de sous-entendus que je ne parviens pas à saisir.

Mon cœur s'accélère, envahi par une vague d'angoisse.

BARRIÈRE | Fp jones & Rafe Cameron Où les histoires vivent. Découvrez maintenant