UNE RENCONTRE INATTENDUE

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« Ma chère Inès,

     J'ai appris avec joie votre décision concernant le testament de votre mère. Maintenant, la deuxième condition pour l'obtention de cet héritage (la première était de garder le secret sur ce testament) est de vous inscrire dans le Cursus supérieur en violoncelle à l'Académie des Arts.

     À ce sujet, il y a quelques semaines, mon avocat a déposé une somme de vingt-cinq mille dollars dans votre compte.

     De cette somme, quinze mille seront alloués à vos frais de scolarité. Pour les dix milles restants, vous pouvez en faire ce que bon vous semble. Bien entendu, mon avocat me transmettra la preuve de votre inscription.

     Finalement, si vous décidez de ne pas aller jusqu'au bout de cette démarche, le montant versé devra nous être remboursé dans sa totalité.

     À noter que nous vous ferons parvenir votre violoncelle qui était resté en possession de votre mère.

     Bien à vous. »

*

**

SIX MOIS PLUS TARD...

 — Bonjour mademoiselle Encinas. Je suis Barbara Robert, la directrice adjointe de l'Académie des arts.

 Madame Robert parle avec un grand sourire, mais on sent bien que ce dernier a été façonné avec les années et sur-utilisé. Bref, une expression qui ressemble à l'automatisme, l'ennui et l'habitude. Le tout, cachée derrière un masque qui se veut sympathique.

 La dame en face de moi ouvre mon dossier et le survole rapidement, mais c'est à peine si ses yeux bougent dans leurs orbites en le faisant. Soit elle le connaît par cœur, soit elle fait semblant de s'y intéresser.

 Je survole son bureau du regard. J'y vois des photographies datant de l'époque où elle montait encore sur scène, ainsi que des citations inspirantes et positives qui sont accrochées au mur et jaunies par les années. Ces souvenirs montrent qu'elle a dû y croire à un certain moment de sa carrière. Mais la gloire est parfois éphémère.

 Voyant que j'observe son environnement, elle croise ses mains sur le document et me lance un sourire tout aussi morne que le précédent. Je baisse les yeux quelques secondes avant de les ramener sur elle, mal à l'aise, sur cette chaise en cuir capitonné.

 — Vous avez gagné plusieurs concours prestigieux, Inès. Je peux vous appeler Inès ?

 J'imagine que si je dis non, cela va paraître plutôt impoli, alors je hoche la tête.

 De toute manière, je serai toujours l'étudiante modèle. Ma mère m'a éduqué ainsi. À être ce que les autres attendent de moi. À saluer mon public au début et à la fin de ma prestation, sans jamais oublier de sourire. Continuer de jouer, même si je trébuche en cours de route.

 Parce que « The Show Must Go On ! »

 — Sans problème, je réponds simplement.

 — Comme je disais, reprend-elle, sans se départir de son fichu sourire. Vous êtes un atout pour notre école. Votre ancien professeur vous a chaudement recommandé dans sa lettre. Le comité a même fait une entorse au règlement en acceptant de visionner la vidéo que vous nous avez envoyée pour votre audition. Normalement, vous auriez dû vous présenter en personne.

 — J'étais dans l'incapacité de la faire pour des raisons personnelles.

 — Dans tous les cas, l'enthousiasme de monsieur Bernard, votre futur professeur de violoncelle, à joué en votre faveur. Il vous avait repéré il y a six ans, au concours National et selon lui, vous êtes de la même trempe que Jacqueline du Pré. Grâce à vous, il a généreusement accepté de sortir de sa retraite.

BULLY IN LOVEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant