Ma vie contre la tienne

Chapitre 1

Chapitre 1

Le temps passe...

Il est passé, mais je n'en ai plus conscience. La lettre est toujours dans ma main qui ne tremble plus. Je touche mon visage. L'absence de larmes m'étonne. Où est passé mon humanité ? Je la retrouve mes lèvres, un sourire se dessine. Je passe ma main libre dans ma chevelure parfaitement disciplinée. Une chevelure qui rend folles de jalousies toutes mes semblables, surtout nos geôlières... Je suis certaine qu'elles rêvent de me tondre la tête afin de satisfaire leurs frustrations et se complaire dans les émotions que mon humiliation leur offrirait. Je jette un coup d'œil à l'horloge qui fait office de décoration dans la pièce et réalise qu'une heure vient de s'écouler. Soudain, malgré le brouhaha extérieur, je distingue le bruit de pas qui se rapproche. Ces pas cessent lorsqu'ils arrivent à leur destination : devant la porte de ma cellule. Comme à l'accoutumée, la fenêtre d'observation s'ouvre brutalement, une voix aigüe et froide tonne dans mes oreilles, s'engouffre dans les murs, en fait qu'une bouchée. La digestion va être mauvaise...

— Ton avocat est là...

J'hausse un sourcil qui traduit ma surprise. Il n'était pas question que je voie Maître Macroni aujourd'hui. A-t-il trouvé des indices ? Renonce-t-il à l'affaire ?

— J'ai trop de chats à fouetter, bouge ton cul Agathe !

La voix disgracieuse me fait sursauter. Machinalement, je me lève, pose la

lettre sur le lit du haut et me dirige vers la porte qui s'ouvre devant moi. Je suis accueillie par une géante et sa souris. La voix aigüe appartient à la souris et cette souris ne m'apprécie guère. Je dirais même que certains jours, elle me déteste. Cependant, elle ne tente rien contre moi.

Elle aussi, me craint.

Malgré l'antipathie que ma personne lui inspire, je la vois discrètement humer mon parfum. Une légère appréciation sur son visage est vie effacée par une grimace. Avec dureté, elle examine ma tenue qui est impeccable.

Pas une tâche, pas un pli.

En débit du fait que j'ai décidé de conserver la tenue pénitentiaire, je dégage un charisme imposant entre ces murs funestes.... Il n'y a rien à faire : l'orange me va à ravir.

— Attache tes cheveux, ordonne la petite souris.

Sans un mot, un sourire discrètement moqueur, j'enlève l'élastique qui orne mon poignet droit et tout en regardant la souris qui me jauge de ses petits yeux lanceurs d'éclairs, je m'attache ma crinière châtain foncé en une queue de cheval. Une fois l'opération terminée, la géante me montre la paire de menottes. Sans réaction de ma part, presque mécaniquement je tends mes deux poignets qui sont à la seconde, parée de jolis bracelets argenté. Pour m'ordonner d'avancer, une main me pousse dans le dos. Ma promenade commence et le silence, soudain se joint à elle. Je sens le regard de milles ombres, retranchées dans leurs tanières, m'observer, analyser s'il y a quelque chose de différents sur moi. Je suis habituée à ce petit rituel, mais au début, j'avoue que la curiosité dont j'étais la cible, me mettait mal à l'aise. Pire, j'avais l'impression que tous ses regards me dévorer, que les murmures ; avant ce présent silence, s'enlisaient dans mon cœur déjà meurtri. Oui, la peur avait une fidèle camarade pendant longtemps. Aux jours d'aujourd'hui, personne n'ose me défier, sauf de temps à autre, une nouvelle détenue qui cherche à s'imposer... A cause de l'ambition immature de ces pauvres choses, j'ai dû séjourner plusieurs fois au mitard. Néanmoins, une fois sortie de ma geôle lugubre, je pouvais constater que la raison leurs était rendue, baissant les yeux à chaque fois qu'elles avaient la mal chance de me croiser. Mes réflexions prennent fin, lorsque la géante s'arrête brusquement, manquant de peu que je la percute. Celle-ci se retourne et me jette un regard noir. Je souris pour m'excuser. Elle n'en cherche pas plus. La petite souris passe devant nous, ouvre la porte en grand.