chapitre 3

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Cloué dans un fauteuil roulant, le Docteur était devant la baie vitrée du pont principal du Vaillant, placé là par son tortionnaire qui voulait lui faire admirer son oeuvre. Et il gardait les yeux fermés, ne voulant pas voir ce qu'était devenue cette Terre naguère si belle: un véritable enfer, ravagé par la mégalomanie d'un Seigneur du Temps devenu fou.

Pourtant il ne parvenait pas à le haïr. Non seulement ils étaient les derniers représentants du Gallifrey, mais aussi des amis d'enfance. Avant qu'il ne subisse l'initiation et ne soit obligé de contempler la vraie nature du Temps, celui qui à présent se faisait appeler le Maître était un petit garçon attachant qui passait des heures à inventer des jeux auxquels ils jouaient ensemble. C'est pourquoi le Docteur ne renonçait pas à l'espoir de réussir un jour à le guérir de cette folie qui le rongeait, lui permettant de retrouver son ami d'autrefois.

Des bruits de pas légers, presque sautillants, se firent entendre derrière lui, annonçant l'arrivée du Maître. Avait-il trouvé de nouvelles tortures à lui infliger?

Celui-ci se mit à lui adresser la parole avec l'enthousiasme désarmant d'un enfant qui aurait découvert un nouveau jouet.

- Ah, mon cher Docteur! Comment vas-tu aujourd'hui? Hmm, toujours grognon? Tiens, je t'ai apporté quelque chose qui va te remonter le moral!

Un bruissement de feuille incita le Docteur à ouvrir les yeux. Le Maître avait déposé sur ses genoux un dessin au fusain représentant une jeune femme débordant de vie. Son visage rayonnant affichait un sourire espiègle, prête à tout instant à lancer une pique dévastatrice. C'était (t/p), qu'il avait dessinée dans un grand moment de solitude, après s'être réveillé pour la énième fois de son cauchemar mettant en scène les événements du Canary Wharf.

Le Maître avait sans doute mis la main dessus en fouillant le Tardis. Dans ce cas, il devait également être en possession du carnet. Ce dernier était rempli de dizaine et de dizaine de lettres, toutes adressées à (t/p), et qui étaient devenues au fil du temps une bouée de sauvetage l'empêchant de sombrer définitivement.

- C'est ta compagne d'avant cette Martha Jones, n'est-ce-pas? Joli brin de fille. Elle manque un peu de classe à mon goût, mais d'après ce que je lis ici, elle a d'autres qualités qui compensent largement cela.

Le Docteur ne dit mot, se contentant de fixer l'image qu'il avait devant lui.

- J'ai toujours su que tu étais un incorrigible romantique, jubila son geôlier. "Ma plus terrible blessure... Je ne veux pas qu'elle s'efface et tombe dans l'oubli", tsss. Vouloir continuer à souffrir, vraiment... Qui relève de la psychiatrie maintenant, hein, Docteur?

N'obtenant aucune réaction de sa part, le Maître tourna plusieurs pages avant de l'aiguillonner à nouveau sur un ton moqueur.

- Ah, la voilà! C'est celle-là que je préfère! Celle où tu mentionnes Martha!

Sur cette plage, (t/p), je t'avais dit que je voyagerai seul. Eh bien je dois t'avouer que depuis quelque temps j'ai à bord une passagère régulière, une certaine Martha Jones: intelligente, intrépide, généreuse. En fait, elle m'a sauvé la vie, et en guise de remerciement je lui ai proposé un voyage, un unique voyage qui s'est rapidement transformé en quelque chose de plus permanente. Elle m'a forcé la main, (t/p). Enfin non, disons qu'elle a insisté. Enfin, juste un peu. Enfin...

Oh, et puis à quoi bon de mentir. J'ai voulu qu'elle reste car j'avais besoin que quelqu'un se tienne à mes côtés. Avoir une amie avec qui je peux parler et partager mes aventures. Cela me permet d'ignorer pour un temps cette douleur sourde que me cause ta perte.

- Martha sait-elle qu'elle sert juste de bouche-trou dans cette histoire? ironisa le Maître, les yeux pétillants d'une joie malsaine.

- C'est faux, se défendit le Docteur, sortant pour la première fois de son mutisme. Je la considère comme une...

- ...Une amie très chère? Intelligente, intrépide et généreuse, comme tu le dis si bien dans tes écrits? Une camarade loyale, n'est-ce-pas, avec qui il ne se passera jamais rien? Mais Docteur, c'est là la définition même du bouche-trou.

Cependant elle n'est pas toi. Elle ne sera jamais toi. Rien ni personne, (t/p) , ne pourra combler le vide que tu a laissé en moi. Parce que... Parce que...

...En me rencontrant, tu m'as sauvé. Et je ne parle pas de cette acrobatie qui a permis de vaincre la conscience Nestene. Tu as sorti mon âme de la noirceur du désespoir dans lequel m'avait jeté la Guerre du Temps. Ton humanité a apaisé la colère qui grondait en moi, le dégoût que m'inspirait mes actes. Tu m'as redonné goût à la vie, (t/P). Sans toi, je ne sais pas ce que je serais devenu...

Et tu m'a sauvé une nouvelle fois sur le Satellite Cinq, face aux Daleks. Tu as refusé que je te mette en sécurité, tu as refusé de baisser les bras. En risquant la mort, tu as regardé dans le cœur du Tardis. Puis tu es venue à mon secours et as mené à ma place le combat que j'étais sur le point d'abandonner.

Le Méchant Loup. Pour toujours et à jamais.

- Je te comprends, Docteur. La comparaison ne tient pas entre ces deux-là. Une humaine qui n'hésite pas à absorber le vortex du Temps, ça ne court pas les rues. Dommage que tu l'aies perdue...

Un mince sourire flotta sur les lèvres décharnées du Docteur. Oui, elle n'était plus là et pour une fois, il s'en réjouissait. Il n'aurait pas supporté de la voir subir une telle situation.

Puis le Maître susurra:

- Mais tu pourrais la faire revenir.

noyée sous les Regrets (Reader x 10ème Docteur)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant