Chapitre 12

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Nous rejoignons la tour de contrôle du côté réfectoire. Comme toujours, les collègues de mon père nous laisse seul, en tête à tête, pour pouvoir discuter tranquillement sans qu'ils interfèrent dans nos sujets de conversation. Ils savent que, malgré les sourires et la courtoisie, se cache une situation délicate. Ils préfèrent donc ne pas s'en mêler et nous laisser tranquille.

A peine je frôle le carrelage marron de mes pieds, que mon père me désigne la table située au centre de la pièce.

— Je t'en prie, installe-toi, me dit-il. Fais comme chez toi.

Ce que je fais. Je m'assois sur une chaise et attend qu'il me rejoigne. Je regarde la couleur blanche des murs qui me fait penser à ceux de l'hôpital.

Pour certaines personnes, ces lieux évoquent la mort, alors que pour moi, c'est plus la vie. C'est dans les maternités que nous prenons notre premier souffle, dans les pédiatries que nous sommes soignés par tous les moyens possibles et inimaginables qui nous permettent d'être sauvés. Certes, le risque zéro n'existe pas, et quelque fois, des personnes meurent entre ces murs, mais pas tout le temps, et heureusement d'ailleurs. Evidemment, si je n'étais pas malade et que je ne passais pas mes journées à l'hôpital, peut-être que ma vision des choses serait différente.

Par la fenêtre, je regarde le paysage qui s'offre à nous. C'est à ce moment-là que je me dis que la nature est vraiment plus belle vue d'en haut, formant un tout. Pendant ce temps, mon paternel se dirige vers le frigo et ouvre la porte. De là où je me trouve, je remarque qu'il n'y a pas grand-chose de varié et d'équilibré. La plupart, ce sont des sandwichs entreposés dignement à l'intérieur. Il en sort deux et prend place en face de moi, puis m'en tendit un.

— C'est la seule chose que nous avons ici, reprend-il. Ce ne sont pas les choses healthy que te prépare ta mère, mais j'espère que ça fera l'affaire.

— Tu sais, je peux manger un peu de tout, même les sandwichs. J'ai le droit à des moments de plaisir dans mon régime strict.

Même si j'aurais préféré garder ce jour pour des plats plus élaborés et non des sandwichs sodebo sortis du frigo ! Bien sûre, je garde ces pensées pour moi.

— Tant mieux, alors, me répond-il.

— Et puis regarde, dedans, il y a des tomates, de la salade et du thon. Ce n'est pas comme ça que je vais avoir mes cinq portions de fruits et légumes par jour, mais ça va un petit peu y contribuer, ironisé-je.

Ma réflexion le fait rire, ce qui permet de détendre l'atmosphère un peu, l'un de mes plus précieux dons que je détiens.

— Si tu le dis, s'esclaffe-t-il. J'espère que tu auras apprécié ta journée.

— Très, ajouté-je en croquant dans mon sandwich.

— Sinon, quoi de neuf pour toi ? me questionne-t-il. Tu as bien commencé ta deuxième année de fac ?

Evidemment, je suis en plein interrogatoire.

— Ça se passe bien, pour l'instant. Je ne suis pas à plaindre.

— L'année prochaine, c'est ton année de licence, c'est bien ça ?

— Oui, si mes poumons tiennent jusque-là.

Il comprend que l'avenir est un sujet tabou à aborder rien qu'en captant la tonalité dans ma voix. Ses sourcils commencent à se froncer, il passe sa main machinalement sur ses mèches rebelles. Je sens sa gêne à dix mille. C'est ça quand on ne vit plus avec une personne depuis plus de dix ans.

Pour briser le silence, je vois qu'il se met à réfléchir sur un éventuel sujet de conversation. Je sais d'avance qu'il ne parlera pas de la danse, ce qui renverrai encore une fois à ma maladie.

Danser pour survivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant