Chapitre 3

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Malheureusement, quelques mois après ces épisodes de terreur nocturne, un vrai drame arriva. Ce jour-là était un dimanche automnale encore plus orageux que les précédents : la pluie battait la bicoque en bois de toute sa force, et le vent sifflait au dehors avec furie. Et une pneumonie affreuse avait prise la mère des jumeaux. La pauvre femme tremblait comme une feuille, toussait à n'en plus finir, et la tempête qui s'engouffrait par moments à l'intérieur de la maison semblait lui arracher une partie de son âme à chaque fois. Quand ses délires se calmaient, elle priait d'une voix mourante ses enfants rester près d'elle, de ne jamais la quitter. Les jumeaux secouaient la tête avec lenteur, tourmentés par une angoisse qui leur bloquait la gorge. Muichiro était trop sonné par l'état de sa mère pour sangloter. Yuichiro se montrait d'autant plus froid avec lui qu'il avait prédit que cela arriverait. Il avait vu l'épuisement grandissant de leur mère au fil des semaines, sa fragilité de plus en plus établie. C'était sûr qu'un jour ou l'autre, elle sombrerait. L'humidité pernicieuse de l'automne avait simplement hâté ce moment.

Il se montra en somme étonnamment calme, plein de sang-froid et de gravité. Quand sa mère demandait quelque chose, il lui apportait le plus promptement. Il changeait régulièrement les linges chauds posés sur son front pâle, et lui parlait d'une voix aussi ferme qu'apaisante, chose que Muichiro ne parvenait pas à faire. Il laissa son grand-frère s'occuper ainsi de leur mère, car il pensait qu'il n'était pas assez éveillé pour faire quoi que se soit d'utile. Il l'aidait tout de même avec les linges propres à renouveler.

Mais le plus impliqué pour tenter de sauver la femme était son mari. Le père des jumeaux était en nage, semblant combattre la maladie aussi vivement que sa femme. Il la calmait lorsque ses égarements fièvreux la pourchassaient, lui avait donné une tisane brûlante à base d'herbes officinales et avait passé plus d'une heure à combler les moindres failles dans les murs de planches pour étouffer les courants d'air qui faisaient remonter la fièvre. Mais malgré tous les efforts déployés par la famille, la maladie ne passait pas et semblait même empirer d'heures en heures, suçant la force vital de la jeune et jolie mère des jumeaux comme un démon. C'était si bouleversant à regarder qu'à un moment, le père décida de tenter le tout pour le tout :

« Les enfants, je sors. » déclara-t'il soudainement après une autre crise de sa femme. « Le docteur est trop loin pour que j'aille le chercher, mais je sais que des plantes qui pourraient guérir votre mère poussent tout près d'ici. »

Yuichiro parut très désapprobateur de l'initiative de son père :

« Quoi ?! Et l'orage dehors, tu l'as oublié ? C'est dangereux, n'y va pas ! »

Son père fronça les sourcils :

« Yuichiro, cesse de crier tu accables ta mère... J'irai que tu le veuilles ou non. Je suis encore ton père à ce que je sache... »

L'ainé des jumeaux grimaça, sa peur et sa colère s'emballant dans son ventre :

« Vous allez mourir... Tous les deux... » gronda-t'il, le regard baissé. « Tu nous laisses, Mui et moi, alors que maman est en train d'agoniser...

- S'il-te-plaît Yuichiro... » Son père avait désormais les larmes aux yeux. « Laisse-moi essayer de sauver la femme que j'aime... »

Un silence des plus déplaisants s'installa dans la pièce. Terré dans un des coin, Muichiro se mit à sangloter. Il était déjà tordu de terreur quant au sort de sa mère, alors cette dispute lui était d'une douleur extrême. Yuichiro fixa son père du regard :

« Si elle doit mourir, alors autant que tu sois là que ça arrivera, tu ne crois pas ? »

Son père lui jeta un regard peiné et se dirigea vers la sortie. Yuichiro cru qu'il allait bondir pour l'étrangler mais finalement, il resta à côté de sa mère et de son petit frère. Ils avaient besoin de lui...

Passés et mémoires, Muichiro TokitoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant