Fallen Heart

Chapitre 1.

Je siège seule dans ce repaire délabré, où l'obscurité résiste farouchement aux néons vieillissants. Leurs lueurs blafardes, vacillant comme des feux mourants, dessinent des portraits tacites sur les visages silencieux des clients, chaque expression portant le fardeau d'une histoire inachevée.

L'obscurité, compagne inflexible, semble refléter l'abîme qui me hante.

L'air, empreint d'une chaleur étouffante, se charge d'une cacophonie olfactive mêlant nicotine rance, whisky ambré et parfums bon marché. Chaque odeur contribue à créer une ambiance suffocante qui s'insinue dans ma peau.

Les murmures, à peine audibles, flottent comme des confidences réticentes. Le tintement cristallin des verres, empreint de nostalgie, rythme le temps qui s'étire lentement, chaque seconde une éternité dans cet établissement figé.

Quel fardeau écrasant suis-je destinée à porter ?

Un verre de whisky se dresse devant moi, le liquide ambré s'évaporant rapidement, engloutissant mes préoccupations dans une brume alcoolisée. Les verres vides s'accumulent, formant une mosaïque floue de souvenirs fragmentés. Le brouhaha environnant prend de l'ampleur, alors que je me perds dans les méandres de mes pensées sombres.

Derrière le comptoir, une radio antique émet un bourdonnement rauque, une lamentation d'un temps lointain. Ses boutons érodés et ses cadrans ternis témoignent de l'emprise inexorable du temps, diffusant une musique appartenant à une époque révolue. Espoir et désillusion se mêlent en un doux chaos, résonnant comme un écho des rêves brisés et des espoirs perdus.

Pourtant, malgré la foule, une solitude implacable me consume. Je suis une étoile solitaire, perdue dans les abysses infinis de l'univers, une lueur isolée au cœur de la nuit insondable. Les murmures semblent ériger une barrière insurmontable, me séparant du reste du monde, me laissant à la merci des fantômes du passé. Chacun ici semble porter sa part d'ombre, des secrets enfouis, et je me demande si nos destins se concertent pour converger dans cet antre de désolation.

Une évasion temporaire serait-elle possible ici ?

Je saisis un autre verre, sa surface froide et légèrement humide offre une sensation presque réconfortante. Le whisky semble contenir une promesse, une évasion momentanée de la tempête qui gronde en moi. Peut-être, pour un instant, l'oubli se glisse-t-il dans chaque gorgée.

Doucement, je porte le verre à mes lèvres, sentant le liquide ambré glisser sur ma langue, une caresse à la fois douce et brûlante. Chaque gorgée est-elle une bouffée d'air dans l'étouffement de ma propre existence ?

Le whisky coule lentement dans mon œsophage, apportant avec lui une chaleur apaisante, un bref répit pour mon âme. L'ivresse qui commence à m'envahir promet un moment de calme, une pause où les souvenirs douloureux se taisent, où le monde extérieur perd de son intensité.

Pourtant, je sais que ce réconfort sera fugace, qu'une fois l'effet de l'alcool dissipé, mes démons intérieurs reprendront leur assaut implacable. Mais pour l'instant, je m'abandonne à cette étreinte enivrante.

Les voix discordantes de mes démons intérieurs créent une symphonie lugubre, entremêlée aux notes déchirées de la vieille radio. Chaque gorgée de whisky n'est qu'une tentative désespérée de submerger ces murmures persistants, mais ils persistent, implacables, comme des spectres insatiables de mon passé.

Dans un éclair de souvenirs douloureux, une voix féminine familière résonne dans mes oreilles, chuchotant des mots oubliés depuis longtemps.

La voix du passé, une mélodie amère qui refuse de s'estomper.