Hand in Hand

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   Le week-end passe. Je ne peux m'empêcher de me questionner. De tourner et retourner la situation dans tous les sens. J'ai plusieurs fois l'envie d'écrire à Addison, de l'appeler, pour tirer les choses au clair. Je me ravise, à chaque fois. Si Derek est avec elle, on ne pourra pas régler ça. Si nous ne sommes pas l'une en face de l'autre, on ne pourra pas régler ça.
   La journée suit son cours. Elle fait comme si rien ne s'était passé. Elle me traite de façon froide, comme elle l'a toujours fait. Nos seuls échanges demeurent professionnels. Aussi surprenant que ça puisse être, j'en ai le cœur brisé. Je sais. Je me souviens de ce que j'ai dit. Cependant le fait est que ce qui s'est passé l'autre soir, entre elle et moi dans cet ascenseur, m'a fait ouvrir les yeux. Avant ça, j'étais aveuglée. Aveuglée par ma haine envers elle. Cet autre soir, je me suis rendu compte qu'elle aussi, elle souffrait. Depuis longtemps, d'ailleurs. Quant à moi, je me voile la face depuis des années. Depuis la première fois que je l'ai vue, sans doute. Je l'avais trouvée purement et simplement fascinante. Et magnifique. Mais c'était avant de savoir qui elle était. La femme de Mamour. La Shepherd. Satan.
   Notre journée terminée, Addison et moi faisons mine de quitter l'hôpital. Nous entrons dans l'ascenseur. Celui-ci se vide doucement. A l'étage de neuro, alors que les portes se referment, Derek passe un bras in extremis pour qu'elles se rouvrent. Addison croise brièvement mon regard, restant à ma droite, soupirant.

DEREK. – Addison... Puisque je te dis que ce n'est pas ce que tu crois.
ADDISON. – Ah non ! Ne joue pas ce jeu-là avec moi. Peut-être qu'avec ta petite interne dépravée ça a marché, mais Derek, tu ne m'auras pas aussi facilement et encore moins des années après.
DEREK. – Alors quoi, hein ?! Quoi, Addison ?!
ADDISON. – J'en ai plus qu'assez de ton attitude.
DEREK. – Excuse-moi ?!
ADDISON. – Oui : tu prétends m'aimer, en réalité tu te sers de moi pour avoir l'impression d'être un brave type ! Tu ne peux pas t'empêcher de retourner vers elle. A la moindre occasion, tu fonces tête baissée. Je n'ai plus confiance en toi. Et, pour me donner raison, il suffit que je me retrouve coincée une heure dans un ascenseur pour que tu te précipites dans ses bras. Tu ne m'aimes plus ? Très bien, mais respecte-moi, au moins.
DEREK, lançant un regard dans ma direction. – Je crois que ce n'est pas le moment d'en discuter. On verra ça plus tard.
ADDISON. – Eh quoi ? Maintenant, c'est toi qui fuis ? C'est à ça que j'ai droit ?
DEREK. – Calme-toi un peu, s'il te plaît.
ADDISON, se fermant comme une huître. – Quoi ? Tu ne vas ni hurler, ni me traiter de tous les noms, ni je ne sais pas... ignorer ma présence dans cet ascenseur ?
DEREK. – Qu'est-ce que tu veux, Addison ?
ADDISON. – Je veux un peu d'égard ! J'ai couché avec ton meilleur ami et tu as tourné les talons. J'ai débarqué ici de New York et tu as encore tourné les talons. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Derek, je... je ne suis pas Meredith Grey !

   A ces mots, il la fusille du regard. Je ne quitte pas le sol des yeux, me faisant la plus petite possible. Addison, les poings serrés, semble au bord de la crise de nerfs. Etre piégée pendant encore trois étages dans cet ascenseur, entre son mari et sa maîtresse a toutes les chances de la faire craquer. Je remarque alors qu'elle tend ses doigts dans ma direction, très discrètement, voulant attirer mon attention. Sur un coup de tête, je glisse ma main dans la sienne. Sans échanger le moindre regard avec moi, elle la serre avec force.

DEREK. – Tu es vraiment Satan. Tu t'en rends compte ? S'il devait prendre forme humaine, ce serait la tienne. Il serait toi, partout et tout le temps.
ADDISON. – Je ne suis pas Satan.
DEREK. – Pourquoi tu ne retournes pas à New York à cheval sur ton balai ?
ADDISON. – Tu es mesquin, arrête.
DEREK. – Et toi, une belle ordure. C'est pas mieux.

   La sentant bouillir, je fais aller et venir mon pouce en caresses sur sa peau froide. Le silence est pesant. Sa main tremble. Derek ne remarque rien de notre contact, si bien qu'Addison se serre un peu plus contre moi. Nos bras se touchent. J'ai envie de lui faire un câlin. Je ne peux pas.

I'm in Love with Satan | EN PAUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant