Après son déjeuner, Mary pris une douche chaude pour se détendre. Elle resta un peu plus longtemps que d'habitude pour profiter de la chaleur de l'eau et essayer de se calmer. Et puis ce n'est pas elle qui payait l'eau de toute façon alors tant pis pour la facture, ça lui apprendra à sa mère de la stresser dès le matin comme ça. Cette simple idée la fit sourire, on était sur la bonne voie !
Elle monta dans sa voiture et commença par aller faire le plein à la station-service au supermarché du coin. Elle en aurait besoin pour faire l'aller/retour demain. Puis elle revint au village, où elle préférait faire ses courses. C'est quand même mieux de faire vivre le commerce local que d'acheter de la merde industrielle au supermarché du coin ! Et puis il y a trop de monde dans les supermarchés, Mary détestait cela. Elle préférait la petite supérette du village, c'était quand même plus convivial. Au début elle n'y trouvait pas tous les produits qu'elle souhaitait mais à force d'insister auprès de la patronne ils avaient fini par les avoir en rayon pour qu'elle puisse les acheter. Après tout c'était dans leur intérêt aussi sinon elle aurait été obligée de faire ses courses au supermarché et ils auraient perdu une cliente. Et sans clients c'est la clé sous la porte. Donc c'était bien pour eux aussi. Elle avait aussi essayé de leur faire faire un petit rayon « produits britanniques » mais cela n'avait jamais abouti, leurs fournisseurs ne les avaient pas en stock, ou pas les marques que Mary aurait souhaitées, et les frais d'import étaient prohibitif pour passer hors du circuit des distributeurs. Et ça c'était avant le Brexit alors maintenant...
Mary vouait une réelle passion pour l'Angleterre : ses paysages, ses habitants, sa musique, sa famille royale... et sa gastronomie. Eh oui cher lecteur, ça doit bien vous faire rire d'associer gastronomie et Angleterre. Eh bien sachez que vous avez tort. Mary elle, connaissait la vraie valeur d'un repas typique dans un gastropub comme ils disaient là-bas, où le cuisinier s'applique à faire une belle planche de charcuterie et fromage, même quand la cuisine est fermée (si on insiste un peu). Pas comme chez nous où ils servent des trucs tout faits acheté chez Metro ou autre, voire pire : au supermarché ! Non Mary avait une passion pour la nourriture anglaise et malheureusement elle ne pouvait pas se la procurer de ce côté-ci de la Manche. Elle avait bien essayé de faire quelques recettes chez elle, mais étant donné qu'on ne trouve pas exactement les mêmes produits, on ne peut pas arriver au même résultat. Et c'est décevant.
Ah l'Angleterre... Mary aurait tant voulu y retourner. Elle y avait été pas mal de fois déjà, et y avait même fait quelques séjours par le passé. Tout était une bonne excuse pour aller y passer quelques jours : un concert, une expo... une envie ! Mais sa mère avait trouvé que Mary passait trop de temps à s'amuser et pas assez à chercher du travail, et avait décidé de ne plus sponsoriser ces petits voyages. Mary avait bien essayé de négocier, d'argumenter qu'il était nécessaire de savoir parler Anglais pour pouvoir trouver du travail et que ces séjours allaient dans ce sens. Elle avait même essayé de chercher du travail là-bas pour s'y installer mais aucune de ses connaissance d'internet n'avait voulu l'héberger gracieusement le temps qu'elle puisse chercher un travail, et la recherche à distance s'était révélée plus compliquée que prévu. Et sa mère n'avait pas voulu lui avancer l'argent pour rester ne serait-ce qu'un mois sur place. Ah ça pour lui demander de chercher du travail il y avait du monde mais dès qu'il fallait aider à la recherche il n'y avait plus personne.
Enfin personne, c'était un peu dur. Après tout sa mère lui avait décroché une demi-douzaine d'entretiens à droite à gauche en faisant jouer ses relations. Mais qui a envie de faire de la comptabilité pour un vendeur de tracteurs, une coopérative d'artisans du bâtiment ou pire, dans une banque ? Non ce que Mary voulait elle c'était vivre de son art, elle voulait gagner sa vie en vendant ses poteries ! Bon pour l'instant seule sa famille avait bien voulu lui acheter quelques pièces pour l'encourager mais elle persévérait et savait que cela allait réussir. Elle avait regardé pour des postes en ce sens en Angleterre mais il n'y avait rien sur les sites d'offre d'emploi. Il fallait qu'elle aille sur place, qu'elle puisse montrer ce qu'elle faisait en allant chez les artisans. Et pour cela il fallait qu'elle vive sur place mais cela avait un coût. Pour couvrir ses frais sur place c'était simple, Mary avait déjà tout prévu : il lui suffisait d'être prof de Français là-bas. Le Français est tellement chic que les Anglais sont prêts à payer pour l'apprendre et quand on parle la langue c'est très facile de l'enseigner. Mais avant toute chose il fallait un capital de départ pour s'installer et sa mère avait refusé de le couvrir, quelle radine !
***
Mary entra dans la boulangerie, précédée du tintement de la cloche qui surplombait la porte, et vit instantanément les regards se tourner vers elle. Ce qui est normal quand on rentre dans un magasin, surtout dans un petit village où tout le monde se connait. Mais Mary savait bien que pour elle cela n'en resterait pas là, oh non, pas si près de Noël. C'est la boulangère elle-même qui lança les hostilités : « Oh bonjour Mary, alors, comment se passent les préparatifs de Noël, tout est prêt pour le grand repas de ta mère ? On a bien reçu ses instructions pour le Grand Marnier, tout sera prêt pour demain comme convenu. » tout en enchaînant dans ce qui semblait être le même souffle sur la commande de la cliente « et voilà Mme Rioulet avec une baguette pas trop cuite ça fera 4,35€ ». Mme Rioulet paya, pris sa monnaie et sa commande et s'arrêta sur le chemin de la sortie face à Mary : « Vous avez eu des soucis cette année avec les décorations de Noël ? »
- « Euh non » répondit Mary gênée « je n'ai pas encore eu le temps de m'en occuper à l'extérieur ». « Avec le temps qu'il a fait, et les préparatifs tout ça... » se sentit-elle obligée de rajouter.
- « Ah vous me rassurez. Il faut que notre village brille d'une même lumière pour que Noël soit vraiment réussi. Comme tous les ans, c'est la tradition ! »
- « Absolument » dû conclure Mary avant que Mme Rioulet ne sorte du magasin.Et dire que si elle la recroisait dans un autre magasin elle en remettrait une couche discrètement, avec l'air de ne pas y toucher. Hou ce village allait rendre Mary folle. Mais qu'est-ce qui les rends tous aussi fans de Noël ? C'est nul Noël ! Cette fête forcément en famille, ces dépenses inutiles et le pire de tout : ce bonheur obligatoire. Pourquoi les gens suivent bêtement ce que la société leur dicte, pourquoi les gens se forcent à faire la fête, à être heureux. D'abord Noël, après ce serait la St Valentin... Mary rêvait de partir loin de ces fêtes commerciales, ces célébrations de foule. Elle avait songé partir loin de tout ça, au Japon par exemple, mais le voyage n'était pas donné. Et puis partir seule, quand on ne parle pas la langue... Parce que le Japon oui mais pas les grosses villes déprimantes qui vivent à cent à l'heure, non ce qui intéressait Mary c'était de voir la campagne, les petits artisans. Ah l'art de la poterie japonaise, Mary aurait tant aimé allé voir des potiers sur place. Et puis le Japon c'est une autre culture, c'est quand même autre chose qu'ici où on s'américanise vers une modernité excessive. Non là-bas on écoute la tradition, on vit différemment, plus lentement, mieux. Les gens sont moins intrusifs à surveiller qu'on vit « comme il faut », c'est plus libre ! Et il y a moins de monde, on ne se marche pas sur les pieds comme ici. Et on n'a pas sa mère sur le dos en permanence ! Ah les traditions japonaises... Mary aurait adoré assister au Hanami, la fête des cerisiers en fleurs, ou à un festival traditionnel ! Peut-être un jour. Si quelqu'un voulait bien partir avec elle. Quelqu'un qui parle japonais et qui pourrait lui servir de guide et d'interprète, ce serait plus simple.
Une fois rentrée Mary se résolu à aller chercher la boite de décoration de Noël d'extérieur dans son grenier, et installa quelques guirlandes électriques qu'elle put rattacher au boîtier électrique dédié sur l'avant de sa maison, et accrocha la couronne sur la porte. Elle fit quelques pas sur la route pour voir le résultat... Ses quelques décorations faisaient bien pâle figure à côté de la choucroute lumineuse qui décorait la maison mitoyenne de sa mère, et elle n'avait pas mis les pères noël si kitch que sa mère affectionnait tant. « Mais au moins je pourrais acheter mon pain tranquille maintenant » se dit-elle !
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Mary Christmas
Short StoryUn anti-téléfilm de Noël. Vous aimez les téléfilms de Noël ? Vous les détestez ? Peu importe au final, vous trouvez votre compte dans cette nouvelle qui suis les aventures d'une femme qui elle, déteste Noël, mais qui vit dans un village et sous la c...