Dans les yeux de Suguru, la lumière semblait disparaître jour après jour. Il ne savait pas réellement quand tout cela avait commencé, seulement que cela faisait maintenant au moins plus de trois ou quatre mois.
Chaque matin se transformait en épreuve où son cerveau et son corps luttaient contre l'envie trop grande de ne pas se réveiller. C'était trop dur de se lever. C'était trop dur de se doucher. C'était trop dur de manger.
Seulement, et parce que Suguru tenait à paraître en paix devant ses amis, il se forçait. Chaque jour, il se forçait. Il se forçait à se noyer sous l'eau glacée, juste pour ressentir autre chose que ce vide insurmontable. Il se forçait à manger, rien qu'un peu, pour n'inquiéter personne. Mais bien souvent, ses maigres repas finissaient au fond de la cuvette des toilettes. Il vomissait en hurlant silencieusement, étouffant sa douleur entre les quatre murs de la salle de bain commune qu'il partageait avec son colocataire de chambre, Gojo Satoru.
Ce garçon là était un peu spécial. Il était très heureux, très souriant, ce qui contrastait avec le Suguru d'aujourd'hui. À une époque, les deux garçons étaient assez ressemblants. Ils appréciaient la vie autant l'un que l'autre.
Mais aujourd'hui, les choses avaient fait que Suguru était un peu moins heureux. Presque plus du tout, en réalité. Il ne savait pas pourquoi. Il avait beau chercher, chercher et chercher, rien ne lui venait à l'esprit. Son esprit était corrompu par la noirceur et la colère, et ça, personne ne l'avait vu venir.Souvent, Suguru voulait mourir. Mais bien vite, cette idée pourrissait dans un coin de sa tête dès que les rires de ses amis s'immisçaient en lui. Il ne pouvait pas leur faire ça. Suguru aimait trop ses proches pour leur infliger une telle douleur malgré l'envie qui lui bouffait les entrailles.
Suguru voulait tellement mourir mais Suguru voulait aussi tellement aller mieux.
C'était dur de choisir, parfois.
Les yeux sur son cahier d'exercices et le cerveau accroché à l'idée d'une cigarette qui ferait taire ses pensées, Suguru n'écoutait que d'une oreille les paroles de son professeur. Il n'arrivait pas bien à se concentrer, d'autant plus que ses deux pauvres heures de sommeil n'aidaient pas non plus. Il n'avait qu'une envie, rentrer chez lui et se laisser pourrir dans son lit.
Mais ça, c'était apparement contraire aux plans de Satoru qui s'amusait silencieusement avec les cheveux du brun. Le beau garçon à la chevelure blanche jouait doucement avec les mèches relâchées de son ami, le couvant d'un regard légèrement inquiet. Suguru était avachi sur sa table, les yeux luttant contre le sommeil.« Pourquoi tu es si fatigué ? » chuchota le garçon à lunettes.
Suguru haussa les épaules. Il ne savait même pas pourquoi il manquait de sommeil.
« Je m'inquiète. »
Il savait qu'il était inquiet. Mais que pouvait-il y faire ? C'était déjà assez dur de limiter les signes visibles de son mal-être.
« Tu n'as pas besoin. »
« Bien sûr que si j'ai besoin. Je suis pas idiot, je vois quand tu ne vas pas bien. »
« J'aurais préféré que tu sois idiot. »
« Bah dommage, parce que je le suis pas. »
Satoru grinçait des dents. Il n'aimait pas que Suguru fasse comme si tout allait bien alors qu'il voyait parfaitement que quelque chose clochait. Seulement, il ne pouvait pas le forcer à parler. Si Suguru voulait se confier a lui, alors il le ferait. Le forcer ne ferait qu'empirer la situation.
« J'aime pas te savoir triste, Suguru. »
Le brun haussa une nouvelle fois les épaules. Il ne savait pas quoi répondre.
Quand la cloche sonna et que la main de Satoru voulut retenir Suguru par les cheveux pour l'empêcher de s'enfuir sans déjeuner, celui-ci était déjà parti. Chaque midi était le même. Suguru prenait ses jambes à son cou à l'idée de manger devant tout le monde et Satoru passait l'entièreté de la pause à le chercher dans tout l'établissement, pour finir par le trouver parfois allongé dans l'herbe, parfois caché des les toilettes, parfois à fumer derrière le bâtiment.
Tous les jours, cette même épreuve se terminait en un Satoru aux yeux larmoyants tellement l'état de son ami l'inquiétait.
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La Foule
Fiksi PenggemarParfois, Suguru a l'impression que ça va mieux. Parfois, Suguru a l'impression que ça ne va pas. Il ne sait pas ce qui l'attaque, il ne sait pas ce qui le tient, mais s'il a la chance d'au moins savoir une chose, c'est qu'il vivra toute sa vie avec...