Rencontre

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Kaï se tenait là, au seuil de la rue, les yeux écarquillés par l'horreur. La poussière et la crasse avaient envahi ses vêtements et son visage, le faisant éternuer de plusieurs saccades. Il pouvait à peine croire ce qu'il venait de découvrir. Son propre outil, ce petit objet en cuivre qu'il avait reçu d'Ekla, était la cause de la catastrophe qui avait englouti la mine. Les lourdes conséquences de son utilisation imprudente étaient désormais évidentes. Il avait totalement oublié qu'il l'avait placé là.

Autour de lui, la rue était le théâtre d'un chaos silencieux. Quelques survivants erraient, hagards, parmi les décombres, mais la plupart étaient resté en bas et avaient péri dans l'effondrement. Les regards vides de ceux qui avaient échappé de justesse à la catastrophe se posaient sur Kaï, comme s'ils cherchaient des réponses à l'inexplicable.

Kaï vit apparaître dans la purée de pois les silhouettes de quelques gardes armés qui commençaient à se regrouper. À défaut de mieux, il replaça l'objet maudit à l'intérieur de sa poche. Les lueurs jaunes qui s'en échappaient étaient désormais éteintes, tout comme les espoirs de ceux qui avaient été ensevelis sous la montagne à cause de lui. Kaï était à présent conscient du pouvoir destructeur de cet artefact.

"Salut ! Tu vas bien ? l'interpella la voix d'un soldat qui s'approchait de lui précisément."

Quand Kaï leva la tête, il toisa l'arrivant du regard. Il paraissait incroyablement jeune pour cette fonction, à peine moins que Kaï lui-même, et il arborait un sourire insouciant en s'approchant. Ses traits juvéniles semblaient à peine touchés par les rigueurs de la vie dans cette cité impitoyable. Il avait une allure décontractée et semblait très amical, comme s'il n'était pas tout à fait conscient de la gravité de la situation. C'est du moins ce que Kaï en conclut.

Il portait une tenue militaire qui lui allait comme un gant, même s'il y avait beaucoup à parier qu'il n'avait pas encore fini de grandir. Ses bottes semblaient presque neuves, dénotant un manque d'usure qui contrastait fortement avec l'état des rues délabrées. Ses cheveux châtains étaient peignés à la perfection, lui donnant l'apparence d'un premier de la classe. Avoir une telle coupe était sans doute une règle des militaires, car Kaï ne voyait pas d'autre raison pour passer du temps à se faire beau alors que le monde s'effondre quotidiennement.

Ses yeux tendaient entre un mélange de bleu et de marron et se voulaient pétillants comme pour refléter une innocence juvénile, il avait probablement encore beaucoup à apprendre sur le monde qui l'entourait. Il était difficile de ne pas penser qu'il était soit incroyablement courageux, soit incroyablement naïf.

"Ça va aller mec, dit-il avec une voix enjouée. T'as l'air d'avoir vécu quelque chose de dingue là-dedans. Viens avec moi, on va à la taverne. Ils ont les meilleures boissons pour remonter le moral, crois-moi !"

Depuis son réveil dans la grotte de l'extérieur, c'était la première fois que quelqu'un était si familier avec lui. On lui avait bien léché le visage, certes, mais un comportement amical venant de quelqu'un de son âge, sans vouvoiement... Kaï restait perplexe. Et puis il s'agissait d'un soldat, s'il avait imaginé ce comportement pareil, jamais il n'aurait pensé que ce serait d'un soldat.

Lui par contre, ne sembla pas remarquer les questionnements du jeune Kaï et il le prit sous le bras d'une manière presque fraternelle, le guidant à travers les rues chaotiques avec une désinvolture qui laissait penser qu'il ne se rendait pas compte à quel point le monde pouvait être impitoyable. Pour Kaï, il semblait être un éclat de jeunesse et d'innocence dans un endroit sombre et désespéré.

Kaï suivit le jeune soldat à travers les rues dévastées jusqu'à la taverne qui n'était pas si loin. L'endroit n'était pas très fréquenté en ce moment, principalement en raison de l'incident dans la mine qui avait jeté une ombre sur la cité. Les clients habituels semblaient avoir déserté les lieux, ne laissant qu'une poignée de personnes à l'intérieur.

Prosper : La fin n'est qu'un débutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant